(L’économie béninoise à la traine)
Les prévisions de croissance sont bonnes pour l’ensemble des pays de l’Union économique et monétaire Ouest africaine (UEMOA). Les récents chiffres publiés par les organismes financiers et monétaires révèlent une résilience de la croissance sous-régionale. Dans le rang, l’économie béninoise reste coincée.
Félicienne HOUESSOU
« L’accélération de la croissance mondiale en 2020 est tirée par les pays émergents et les pays en développement, qui devraient connaître un rebond de la croissance à 4,6% », peut-on lire dans l’édition d’octobre des perspectives de l’économie mondiale, publiée par le Fonds monétaire international (FMI). Ces perspectives ont été confirmées par la Banque mondiale dans la section 1 (évolutions récentes et tendances) de son rapport Africa’s Pulse. « L’accélération prévue de la croissance en 2020 suppose une stabilisation progressive des économies en difficulté et, en parallèle, une croissance toujours robuste dans les pays de l’UEMOA et dans la sous-région est-africaine », relève cette étude.
En effet, le prix de la plupart des matières premières a connu une baisse considérable depuis le deuxième trimestre, en grande partie sous l’effet de la détérioration des perspectives de croissance mondiale mais aussi, du recul, de la demande de biens. les prix des produits agricoles, en particulier des céréales, ont augmenté au cours du premier semestre 2019. Au cours du second semestre, ils sont retombés dans un contexte d’amélioration des conditions climatiques. Selon les experts de la Banque mondiale, à l’heure actuelle, le rapport stock-utilisation (une mesure de l’offre relativement à la demande) pour les trois principales céréales (maïs, blé et riz) se situe à un niveau élevé, et l’on peut donc en déduire que les prix des produits agricoles connaîtront probablement peu de variations en 2020. Dans le secteur agricole, une nouvelle intensification des tensions commerciales représente l’un des principaux risques à la baisse, qui pourrait entraîner une dépréciation des prix ou un creusement des différentiels de prix entre les pays.
Les perspectives pour ces pays reposent sur un assainissement budgétaire qui atténuera les vulnérabilités liées à l’endettement et sur la mise en œuvre de réformes structurelles visant à améliorer la compétitivité de leur économie et à stimuler la croissance tirée par le secteur privé.
L’économie béninoise coincée
La taxonomie de la résilience de la croissance, qui a été présentée dans le volume 14 d’Africa’s Pulse, décrit différents groupes de pays qui enregistrent les meilleurs résultats en matière de croissance dans la région sur la base du rythme et de la persistance du taux de croissance de leur produit intérieur brut (PIB) (Banque mondiale 2016). Cette analyse offre une vue d’ensemble des performances économiques récentes en Afrique subsaharienne. Cependant, elle lève un coin de voile sur la situation désagréable que traverse l’économie béninoise. Par rapport à la taxonomie rapportée dans l’édition d’avril 2019 d’Africa’s Pulse, le Bénin fait partie des pays de l’UEMOA dont la croissance économie est restée immobile sans aucune performance. Le pays s’allie au Niger et au Togo, en plus de la Guinée-Bissau et le Mali qui sont tous deux, désormais déclassés. Dans le même temps, le Burkina Faso fait partie des pays dont l’économie est établie. Par ailleurs, la Côte d’Ivoire et le Sénégal sont en nette progression économique.
Selon la taxonomie, cinq pays ont vu leurs notes abaissées, tandis qu’un, a sa note qui est relevée. Il s’agit de l’Ouganda (ce pays a enregistré une croissance du PIB de 5,5 % au cours de la période 2015-2019). Il est passé de la position intermédiaire à la position bien établie. Deux pays ont été déclassés de la position de progression à la position intermédiaire (Guinée-Bissau et Mali), deux pays sont passés de la position intermédiaire à une situation de recul (São Tomé e Príncipe et Soudan), tandis qu’un pays est passé de la situation de recul à une décroissance (Afrique du Sud). Le tercile supérieur de croissance le plus performant de la région, qui comprend les pays en amélioration et bien établis, comprend 10 pays (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Ghana, Guinée, Kenya, Ouganda, Rwanda, Sénégal et Tanzanie). Ce groupe abrite 36 % de la population de l’Afrique subsaharienne (375 millions d’habitants en 2018) et produit 25 % du PIB total de la région. Le tercile intermédiaire de croissance comprend désormais 13 pays (Bénin, Cabo Verde, Cameroun, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Gambie, Guinée-Bissau, Madagascar, Mali, Maurice, Mozambique, Niger et Togo). On y trouve environ 22 % de la population de la région (237 millions de personnes en 2018) et la part du PIB de la région est de 10 %. Le nombre de pays se situant dans le tercile inférieur des pays en termes de croissance est passé à 21 (Afrique du Sud, Angola, Botswana, Burundi, Comores, République du Congo, Eswatini, Gabon, Guinée équatoriale, Lesotho, Liberia, Malawi, Mauritanie, Namibie, Nigeria, São Tomé e Príncipe, Sierra Leone, Soudan, Tchad, Zambie et Zimbabwe). Ce groupe représente 42 % de la population de la région (437 millions d’habitants en 2018) et produit 64 % du PIB total de la région, ce qui va au-delà des économies des terciles supérieurs et intermédiaires combinés.
Il faut noter que la taxonomie de la croissance compare le taux annuel moyen de croissance du PIB entre les périodes 1995-2008 et 2015-2019 à des seuils prédéfinis. Ces seuils correspondent aux 33e et 67e percentiles du taux de croissance annuel moyen de 44 pays d’Afrique subsaharienne au cours de la période 1995-2008, soit respectivement 3,5 et 5,4 %. Une fois les seuils établis, la taxonomie classe la performance de croissance en cinq groupes: distancés, en recul, coincés au milieu, en progression et établis.
Des chocs climatiques
La région demeure vulnérable aux chocs climatiques, notamment la sécheresse et les inondations. En 2019, le secteur de l’agriculture n’a apporté qu’une contribution négligeable à la croissance régionale, la sécheresse ayant perturbé la production de certains pays. Au Bénin, des hectares de champs de plusieurs cultures sont touchées par le débordement du fleuve Mono. Dans 24h au Bénin, Etienne Doli, Secrétaire de l’Union communale des coopératives villageoises des producteurs de coton de Dogbo a confié que le fleuve Mono a emporté à Tchangba dans l’arrondissement de Dévé des engrais d’une valeur de 24 millions FCFA pour une superficie de 22 hectares. Les localités de Kpodji et Gbakéhoué sont aussi touchées avec plus de 80 hectares de champs de coton envahis par l’eau. Les pertes en intrants dans ces localités sont évaluées à près de 13 millions FCFA. A Lokotan-Agonhoué, les pertes en intrants sont estimées à près de 7 millions FCFA. De plus, environ 200 hectares de champs de maïs sont aussi envahis par l’eau en dehors des champs de manioc, haricot, piment, riz et autres cultures vivrières.
Ces conditions climatiques plus défavorables que prévu auront pour effet de contracter davantage le secteur agricole et de réduire les revenus agricoles, les recettes d’exportation et la croissance générale. La prévalence de ce risque dans la région ne fait que justifier davantage le besoin d’établir des mécanismes efficaces pour renforcer la résilience des pays face aux changements climatiques. Au vue de la sévérité des impacts des chocs climatiques sur les ménages ruraux, il sera crucial de mettre en place des systèmes d’alerte précoces et des mécanismes d’assurance efficaces qui ciblent les agriculteurs à faible revenu.