En Afrique subsaharienne, seulement 24% de la population a accès à une source sûre d’eau potable et les installations sanitaires de base – non partagées avec d’autres foyers – sont réservées à 28% de la population, selon l’ONU. Dans plusieurs quartiers, les robinets sont à secs depuis longtemps, et parfois l’eau ne coule que la nuit et à compte-gouttes. Et cela au vu et au su des décideurs qui ne font que parler et mentir.
Issa DA SILVA SIKITI
Isabelle, restauratrice informelle, dont le robinet ne sort de l’eau que chaque jour vers minuit, ne cache pas sa frustration : « Cette situation perdure et je me demande si ça vaut vraiment la peine de garder ce robinet parce qu’il ne sert presque à rien. La nuit dernière, nous n’avons puisé que trois seaux et puis plus rien. De plus, la facture nous parvient régulièrement et si on ne paie pas, on risque de perdre même la petite quantité qu’on reçoit », se lamente-t-elle.
Selon Khanyi Mlaba, activiste et manager des contenus à l’ONG Global Citizen, il existe deux types de pénurie d’eau : économique et physique. « La pénurie de type économique désigne l’inaccessibilité de l’eau en raison de défaillances institutionnelles, notamment le manque de planification, d’investissements et d’infrastructures. La pénurie de type physique est une conséquence du changement climatique et comprend des sécheresses et des modifications des régimes climatiques », explique-t-elle sur le site de cette ONG.
Si l’humanité est impuissante face à la cause climatique, Khanyi Mlaba déplore le manque de planification et de préparation des États pour répondre aux besoins de la population africaine qui connait une augmentation explosive ces dernières années.
Certains observateurs allèguent que le secteur de l’eau en Afrique est infesté de corruption, de népotisme et d’incompétence notoire qui font que les compagnies nationales de distribution d’eau sont pillées par les gens du pouvoir, criblées de dettes de toutes sortes et ne travaillent qu’à perte.
Privatisation, une aubaine ?
« Les sociétés distributrices anciennement créées ont souvent accumulé des déficits et ont sombré dans un endettement dommageable à leurs missions de service public », indiquent Anne Briand et Arnaud Lemaître, dans un rapport publié pour le compte de l’université de Rouen, en France.
A en croire Briand et Lemaître, la privatisation permettrait dans le double contexte d’urgence sanitaire et d’un État fort défaillant, de développer l’accès pour tous (même aux plus pauvres) à une eau potable payée moins chère que sur le réseau informel.
Leur premier argument est l’importance des investissements nécessaires au développement du secteur de l’eau. « En effet, pour distribuer l’eau convenablement, dans des conditions décentes de salubrité, il faut de l’argent et même beaucoup d’argent », soulignent-ils, dans un contexte de réduction de l’aide publique au développement, dont une partie sert à financer ce secteur.
Le deuxième argument, selon eux, tient à « l’incapacité des États trop corrompus » à gérer efficacement le secteur, de définir une véritable politique de l’eau avec des objectifs précis et harmonisés sur l’ensemble du territoire national.
D’où la nécessité de mobiliser des fonds privés.