Le Bénin se distingue par une dynamique économique robuste et des réformes structurelles ambitieuses. Mais pour garantir la soutenabilité de cette trajectoire, le pays devra conjuguer diversification économique, sécurité territoriale, résilience climatique et inclusion sociale.
Par Aké MIDA
Portée par une expansion multisectorielle et une demande intérieure vigoureuse, l’économie béninoise démontre au fil des ans une résilience remarquable et une diversification croissante. Elle a enregistré un taux de croissance de 7,5 % en 2024, contre 6,4 % en 2023, selon l’Institut national de la statistique et de la démographie (Instad-Bénin).
La consommation finale a progressé de 4,5 %, contribuant pour 3,4 points à la croissance. De son côté, l’investissement, bien qu’en légère décélération, reste soutenu avec une augmentation de 10,5 % en 2024 après 15,7 % en 2023. La formation brute de capital fixe (Fbcf) chiffrée à 3 154,9 milliards F Cfa représente 35,1 % du produit intérieur brut (Pib) à prix courants, reflet d’un effort de modernisation constant. Cette dynamique est principalement soutenue par l’investissement privé, qui contribue à hauteur de 3,0 points à la croissance du Pib réel, précise l’Instad (Comptes nationaux 2024 : Note de publication, Cotonou, mars 2025).
Les exportations nettes ont également amélioré leur apport : +1,2 point en 2024 contre -1,6 point en 2023. Cette performance s’explique par une croissance modérée des exportations de biens (2,2 %) et une baisse des importations de 3,1 % consécutive à des mesures gouvernementales ciblant notamment les produits alimentaires importés.
La politique économique est soutenue par la dématérialisation et les réformes fiscales qui ont permis d’accroître les recettes publiques. Par exemple, les impôts et taxes nets de subventions ont augmenté de 7,4 % en 2024 et leur part dans le Pib courant reste stable (9,5 %) mais leur efficacité s’est améliorée grâce à une meilleure traçabilité et une lutte renforcée contre la fraude.
Vulnérabilités persistantes
Les données consolidées par l’Instad montrent une croissance soutenue depuis 2020. Mais cette dynamique reste fragile. La structure du Pib demeure dominée par le secteur tertiaire, dont une large part reste informelle et vulnérable aux chocs externes. La Banque mondiale préconise une intensification de la montée en gamme dans la chaîne de valeur, notamment via l’agro-industrie et les exportations manufacturières .
La faible diversification économique rend le pays dépendant de quelques produits (coton, noix de cajou, services commerciaux). La transformation industrielle engagée à la Gdiz reste à approfondir pour amortir les fluctuations des marchés internationaux.
Le commerce extérieur reste un talon d’Achille avec un déficit de 278,7 milliards F Cfa en 2024, malgré une amélioration par rapport à 2023 avec un déficit de 401,2 milliards. Cette situation pèse sur la balance des paiements et nécessite une politique d’exportation plus compétitive. L’Instad précise que la croissance des exportations de biens a ralenti à 2,2 % en 2024, notamment en raison de « mesures restrictives sur la sortie des produits tropicaux comme le soja vers les pays voisins ».
Par ailleurs, le Bénin est particulièrement exposé aux effets du dérèglement climatique : inondations, sécheresses, érosion côtière et hausse des températures affectent la productivité agricole et les conditions de vie dans les zones rurales. Selon la Banque mondiale, en l’absence d’adaptation, les pertes économiques moyennes annuelles pourraient atteindre jusqu’à 19 % du Pib d’ici 2050. Les efforts d’adaptation au changement climatique sont nécessaires pour une croissance durable et résiliente. Car l’agriculture, principal moteur du secteur primaire, repose largement sur des pratiques pluviales, ce qui rend l’économie vulnérable aux chocs météorologiques. Or, ce secteur représentait encore 24,2 % du Pib en 2024, selon l’Instad.
Sécurité et inclusion sociale
La montée de l’insécurité dans le nord, liée à la menace djihadiste venue du Sahel, est susceptible de freiner l’activité économique et entrave les investissements. Selon la Banque africaine de développement (Bad), cela constitue une « contrainte majeure » à la libre circulation des biens et des personnes dans certaines zones rurales.
A cela s’ajoutent les tensions régionales, notamment avec le Niger voisin, qui affectent également les corridors commerciaux. La fermeture partielle des frontières depuis 2023 pèse sur les échanges extérieurs, en particulier dans les secteur agricole et portuaires.
Par ailleurs, le défi démographique est majeur. Avec une croissance de la population proche de 3 % par an, il faudra créer massivement des emplois pour absorber l’arrivée massive de jeunes sur le marché du travail.
L’économie informelle prédomine, et les inégalités régionales persistent. L’accès aux services sociaux (éducation, santé, revenus stables) reste inégal. En 2024, par exemple, la santé ne représentait que 1,3 % du Pib en valeur ajoutée réelle, malgré une croissance sectorielle notable de 10,6 %. D’où la nécessité de concilier croissance économique et inclusion sociale.
C’est dire que le pari du développement durable reste à gagner. La croissance béninoise est indéniable, mais elle devra désormais s’ancrer dans une transformation plus inclusive, plus résiliente aux chocs externes et plus respectueuse des équilibres écologiques. C’est à cette condition que le Bénin pourra concrétiser pleinement son potentiel économique dans une Afrique de l’Ouest en mutation.
Un moteur économique à trois temps
Malgré un contexte international incertain, l’économie béninoise confirme sa résilience et sa trajectoire ascendante.
Le secteur tertiaire, principal pilier de l’économie béninoise (48,9 % du Pib nominal), a contribué pour 3,6 points à la croissance de 2024. Cette dynamique repose sur la vigueur du commerce (+6,1 %), des télécommunications (+10,5 %), des services publics (+10,5 %) et de l’hébergement-restauration (+8,4 %), selon l’Instad.
La politique de transformation structurelle de l’économie béninoise est en marche. Le secteur secondaire a affiché une progression de 9,7 %, sous l’effet conjugué de l’agro-industrie (+7,5 %) et d’un boom de la construction (+12,4 %), lié aux grands chantiers et à l’essor de la Zone économique spéciale de Glo-Djigbé (Gdiz). Celle-ci renforce l’ambition du Bénin de devenir une plateforme industrielle régionale.
Le secteur primaire, quant à lui, a crû de 5,9 %, porté par l’agriculture (+5,6 %), l’élevage et la chasse (+8,6 %) et la sylviculture (+3,8 %). Sa contribution à la croissance est stable à 1,6 point, mais l’économie reste fortement dépendante du coton qui représente plus de 70 % des exportations agricoles.
A.M.