Une nouvelle tournure pour la nouvelle monnaie unique, l’ECO dont le lancement était prévu pour juillet 2020. Le Nigeria qui détient 70% du PIB de la CEDEAO, appelle à retarder le décollage de cette monnaie régionale.
Félicienne HOUESSOU
Le Nigéria a déclaré sur les réseaux sociaux qu’il réclamait un report de la monnaie unique ouest-africaine. Et pour cause, la majorité des pays n’ont pas satisfait aux critères de convergence, selon la présidence nigériane. « La position du Nigéria sur la monnaie ECO est que les critères de convergence n’ont pas été remplis par la majorité des pays », a déclaré la présidence du pays sur Twitter. La nouvelle monnaie, qui devait remplacer le franc CFA, a du mal à se lancer. Après plus de 25 réunions sur l’introduction de l’Eco, c’est en décembre 2019 qu’un accord a été finalisé sur son lancement en 2020. Elle devrait être introduite pour la première fois en 2003, mais cela avait été reporté à plusieurs reprises. Un premier report a été opéré pour 2005 à cause de diverses raisons ; puis en 2010 et ensuite en 2014. Lors d’une réunion du Conseil de convergence des ministres et gouverneurs d’Afrique de l’Ouest le 25 mai 2009, le début de la monnaie avait été projeté pour 2015. Malheureusement, ce n’est qu’en juin 2019 que les dirigeants de la Communauté ont officiellement adopté le nom «ECO». Le lancement a donc été projeté pour 2020. Mais, plus rien n’est sûr. Le Nigeria, membre de la CEDEAO, et d’autres pays anglophones d’Afrique de l’Ouest ont déclaré qu’ils n’étaient pas d’accord. Car l’Eco ne satisfaisait pas aux exigences adoptées dans la région pour mettre en place la monnaie unique. Selon le tweet de la présidence du Nigéria, il faut donc prolonger le délai de décollage de la monnaie unique.
La réticence des pays anglophones
Pour mémoire, en décembre 2019, le président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, a fait la grande annonce sur le lancement de l’Eco en remplacement du franc CFA, lors de sa rencontre avec son homologue français Emmanuel Macron. A cet effet, les cinq pays anglophones de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont le Nigeria, avaient montré leur désapprobation. Les pays anglophones de la sous-région ont critiqué l’initiative d’Abidjan, comme n’étant « pas conforme aux décisions de l’Autorité des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO pour l’adoption de l’Eco comme nom d’une monnaie unique indépendante de la CEDEAO ». Pour la Gambie, le Ghana, le Liberia, la Sierra Leone et le Nigéria, ce lancement est précipité et n’était pas envisageable en l’état actuel des différentes économies sous-régionales. Cependant, ils avaient suggéré l’Eco soit une nouvelle monnaie pour toute la région, pas seulement en remplacement du franc CFA, comme l’avait suggéré le président ivoirien, Alassane Ouattara dans son discours. Rappelons que la CEDEAO a déclaré que l’objectif de la monnaie unique est de remplacer le franc CFA, une monnaie soutenue par la France et utilisée par ses anciennes colonies. Huit des 15 pays de la CEDEAO utilisent le franc CFA et la France abrite la moitié des réserves de change de ces pays.
Le mouvement de convergence monétaire, engagé depuis une trentaine d’années semble encore avoir du chemin à parcourir. La rencontre des ministres des Finances des pays anglophones de la CEDEAO et de la Guinée, réunis au sein de la Zone monétaire ouest-africaine (ZMAO) ouvrira certainement le prochain épisode de la mise en œuvre effective de l’Eco. Cet événement va se tenir le 14 février prochain à Freetown dans le but de définir la conduite à tenir dans le processus d’adoption de l’Eco.