Le Bénin occupe une position singulière dans le paysage migratoire ouest-africain. A la fois pays d’accueil et point de départ pour des migrants en quête de meilleures opportunités, le Bénin doit faire face à des enjeux complexes.
Par Aké MIDA
La population béninoise est généralement peu encline à la migration. En effet, huit personnes sur dix n’ont jamais quitté leur lieu de résidence ou de naissance pour une durée d’au moins six mois, selon la deuxième édition de l’enquête sur la migration au Bénin (Emb-2). Le rapport, publié par l’Institut national de la statistique et de la démographie (Instad, juin 2024), révèle que parmi les personnes ayant migré, 6,7 % sont des migrants de retour et 14 % sont classés comme « autres migrants ».
En ce qui concerne la migration internationale, ceux qui partent à l’étranger choisissent principalement la zone Cedeao, avec une préférence pour le Nigéria (54 %), suivi de la zone Uemoa (19,2 %) et du reste de l’Afrique (19,6 %). Le Bénin est également un important pays d’accueil pour les travailleurs migrants, principalement issus des pays limitrophes. En effet, 54 % des migrants internationaux qui choisissent le Bénin viennent de la zone Cedeao, tandis que 42 % proviennent de l’Uemoa. Seulement 1 % des migrants arrivent de pays hors Afrique.
Les mouvements migratoires sont principalement motivés par des raisons familiales (63 %), économiques (15,2 %), d’études (8,1 %), ou encore le retour définitif ou la retraite (7,6 %), selon l’enquête. Le pays attire de nombreux travailleurs migrants en raison de sa stabilité politique et de son potentiel économique croissant, notamment avec la création de zones franches industrielles comme Sèmè-Kpodji et Glo-Djigbé. Cotonou, principal centre économique, reste la destination la plus prisée grâce à son dynamisme commercial.
Conditions de vie et intégration sociale
Selon l’étude réalisée par interview directe, la décision de migrer est souvent influencée par les parents, qui confient les jeunes aux aînés pour des raisons familiales, l’apprentissage d’un métier ou la poursuite des études.
L’enquête montre que les migrants, notamment ceux de retour, vivent dans de meilleures conditions que les non-migrants. Toutefois, seulement 11,8 % des migrants de retour et 12,8 % des autres migrants parviennent à subvenir pleinement à leurs besoins grâce à leurs activités économiques. Cependant, 71,2 % des migrants avaient un emploi au moment de l’enquête, marquant une nette amélioration par rapport à leur situation avant leur départ.
Les migrants s’intègrent généralement bien dans les nouvelles localités, notamment grâce à la présence de réseaux familiaux ou amicaux. La maîtrise de la langue locale est également un facteur clé pour favoriser leur insertion. En revanche, les migrants de retour rencontrent souvent des difficultés économiques à leur retour, malgré une migration souvent autofinancée.
En ce qui concerne l’intention de migrer, 8,9 % des non-migrants âgés de 15 ans ou plus souhaitent migrer. De plus, 38,3 % des migrants de retour et 22,9 % des autres migrants envisagent de repartir dans les 12 mois suivant l’enquête. Les destinations envisagées incluent principalement les pays de l’Uemoa (31,4 %) et de la Cedeao (46,4 %). A l’échelle nationale, les régions du Littoral et de l’Atlantique sont les plus convoitées.
Enjeux et défis
La gestion des flux migratoires, qu’ils soient entrants ou sortants, requiert des politiques adaptées afin de maximiser les retombées économiques et sociales de ces mouvements, tout en veillant à l’intégration des migrants et au soutien des populations locales. Les migrants eux-mêmes estiment que l’Etat doit favoriser la migration, notamment internationale, en adoptant des politiques migratoires adaptées. En effet, un pays d’émigration comme le Bénin peut tirer profit de la mobilité internationale, notamment avec l’essor des zones franches économiques (Sèmè-Kpodji et Glo-Djigbé) et les conditions attractives d’installation pour les nouvelles entreprises.
Les défis à relever incluent la mise en place de stratégies favorisant des interventions ciblées en matière de migration, mais aussi la modernisation des zones rurales pour freiner l’exode vers les villes. Cela est d’autant plus important que les jeunes désertent souvent les villages, pourtant producteurs de matières premières agricoles clés comme le maïs, le soja, le coton, l’acajou et le karité.
Les transferts d’argent et de biens entre migrants et leurs familles jouent un rôle crucial dans l’économie béninoise. L’étude révèle une nette préférence pour les transferts d’argent via la téléphonie mobile, bien que des échanges financiers via des voyageurs ou des commerçants soient encore courants. Ces transactions, souvent mensuelles ou occasionnelles, sont principalement destinées aux membres de la famille et aux enfants.
Malgré l’amélioration de la couverture du territoire par les structures et établissements financiers, une partie non négligeable des transactions financières continue de se faire de manière informelle, notamment par le biais des voyageurs ou commerçants, avec des échanges dans plus de la moitié des cas occasionnels ou mensuels. Cela souligne l’importance des systèmes de transfert mobiles par rapport aux réseaux bancaires traditionnels.