(Les précisions du gouverneur de la BCEAO)
Le capital social minimum des banques passera de 10 à 20 milliards FCFA. C’est la décision prise par le Conseil des Ministres de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) le jeudi 21 décembre 2023, lors de la 4e session ordinaire au titre de l’année 2023, tenue à Cotonou. Présent à cette session de fin de l’année 2023, le Gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, Jean-Claude Kassi Brou a donné ses impressions sur la décision du relèvement du capital social minimum des banques et bien d’autres sujets.
L’économiste du Bénin : Le Conseil des ministres de l’UMOA a décidé de porter le capital social minimum des banques de 10 20 milliards FCFA. Pourquoi une telle décision ?
Le Gouverneur de la BCEAO, Jean-Claude Kassi Brou
C’est une décision importante. En 2007 déjà le capital minimum des banques a été augmenté. Il était d’un milliard et en 2007, il est passé à 10 milliards et on a vu effectivement comme dans le cas de la microfinance qu’avec les 10 milliards le secteur s’est vraiment développé. Le nombre de banques a augmenté, le nombre de crédits a augmenté. Il y a une expansion très forte du secteur bancaire. Aujourd’hui, le secteur bancaire se porte bien dans l’ensemble. Mais encore une fois, après plusieurs années de mise en œuvre, il faut aller de l’avant. Parce que l’environnement a changé, les risques ont changé et on veut que nos banques aillent plus loin. En ce sens que nos banques font déjà du bon travail et doivent être en mesure de soutenir l’économie, être en mesure d’avoir la capacité et la solidité de faire des crédits plus importants, des montants plus importants, soutenir des projets des Etats. Les banques doivent être en mesure de les accompagner. Le secteur privé à de grands projets, les banques doivent être en mesure de les accompagner. Il y a des risques nouveaux qui se développent, les risques opérationnels, la cybersécurité, les risques de crédits. Pour avoir la capacité de faire face à ça, il faut être solide. Puis l’environnement change. Aujourd’hui vous avez les Fintech, la monnaie électronique qui se développent, l’établissement électronique qui se développe. Donc le paysage change, donc il faut effectivement évoluer dans la réglementation pour permettre aux banques d’être beaucoup plus fortes. 10 milliards, c’est bon, mais ce n’est pas suffisant pour faire face à tout ce que je viens de citer.
Donc, c’est pour ça qu’on a proposé de passer de 10 à 20 milliards. Et je pense qu’on a donné une période de trois ans pour se mettre aux normes, accroître leur capital minimum afin que ces banques soient beaucoup plus fortes, capables de faire face à toutes les demandes, tous les besoins importants. Il y aussi un élément qui est important, en relevant le capital, nos banques deviendront très compétitives. Si vous regardez les autres pays, le capital est grand. Il faut que nos banques soient beaucoup plus fortes afin d’être en mesure d’aller à l’extérieur quand c’est nécessaire. On y va progressivement, c’est une décision importante qui a été prise et qui va permettre au secteur bancaire de pouvoir continuer à se développer.
Le Conseil des ministres de l’Uemoa a adopté également un projet sur la réglementation du secteur de la microfinance. Qu’est ce qui sous-tend cette réglementation et que dire de cette loi?
Effectivement on vient de terminer le conseil des ministres ordinaire, le dernier de l’année 2023. Ce conseil a abordé plusieurs points et décisions. L’une des décisions, c’est effectivement l’adoption des projets de loi sur la microfinance. C’est un projet de loi important parce qu’il vient après un projet de loi qui a été adopté en juin 2023 sur la loi inter bancaire. Ensuite, il y a un autre projet en mars 2023 qui a modifié l’annexe convention bancaire et aujourd’hui c’est le projet de loi sur la microfinance. Ce sont des textes qui sont construits pour améliorer le cadre d’opérations des acteurs du secteur financier, c’est à dire les banques, les établissements financiers et les microfinances. Alors pourquoi effectivement cette loi ? Il faut dire que la loi actuelle date de 2007. Après 14 ans, il était apparu nécessaire de la revoir pour l’améliorer, l’améliorer dans plusieurs dimensions. Premièrement on a fait un peu une évaluation après 14 ans sur comment le secteur de la microfinance se comporte ? Quels sont les défis, quels sont les objectifs qu’elle a atteint, quelles sont les difficultés pour aller de l’avant ? Et cette évaluation a fait ressortir deux choses principales. Premièrement le secteur de la microfinance est beaucoup développée quand vous regardez le nombre par exemple, le montant des crédits qui ont été faits par les institutions de microfinance, ça a été multiplié par 5. Mais en même temps l’évaluation a fait ressortir également beaucoup d’insuffisances. Des faiblesses qui font que les Systèmes financiers décentralisés n’ont pas atteint leur plein potentiel. En essayant de comprendre pourquoi, on a vu qu’il avait des faiblesses qu’il fallait corriger pour leur permettre d’être beaucoup plus dynamiques. Il fallait améliorer la gouvernance. Cette nouvelle loi vise à corriger ça et donc à créer un environnement beaucoup plus propice à l’activité des microfinances. Au niveau de la gouvernance, ce qu’il faut faire, c’est créer un environnement beaucoup plus propice à l’activité des microfinances. C’est créer un Conseil d’administration, des organes dirigeants d’un certain niveau, on fait en sorte de renforcer les dispositions afin d’éviter les conflits d’intérêts quand vous êtes membre d’organes que ce soit au niveau de l’exécutif ou au niveau des organes délibérants. Il ne faut pas avoir plusieurs positions en même temps. Ça crée beaucoup de confusion et on a rationalisé les modèles. Il faut avoir deux formes, soit vous êtes une société anonyme, soit vous êtes une coopérative pas plus. On a également institué un capital minimum. Parce qu’on s’est rendu compte que les microfinances qui n’avaient pas un capital minimum avaient du mal à avoir les ressources pour lancer même leurs activités. On a renforcé le dispositif de l’information financière, le système financier en même temps qu’on a renforcé le dispositif de la gouvernance et on a élargi leurs activités. Aujourd’hui les microfinances, c’est les dépôts, les crédits essentiellement. Si elles le souhaitent, elles peuvent faire aujourd’hui du crédit-bail, de l’affacturage, de la monnaie électronique, de la finance islamique ; on a élargi la palette. Donc, on a renforcé la gouvernance. On a reprécisé les modèles de supervision. Elles sont supervisées par des commissions et les ministères des finances, on a ensuite regardé un peu les clients. On a renforcé les mécanismes de protection des clients et des coopérateurs. Le client qui n’est pas satisfait, on a prévu comment il porte plainte, à qui il porte plainte et les différents processus jusqu’à aller à la justice avec un mécanisme intermédiaire avec intermédiation. On a renforcé également le suivi en cas de difficulté, un mécanisme pour les aider à remonter la situation. En fait, nous pensons que le projet de loi sur la microfinance va vraiment aider le secteur à se développer. Il faut dire que ce projet de loi a démarré depuis 2018. Il y a eu beaucoup de concertations très élargies. Après 14 ans, tout le monde était d’accord qu’il était nécessaire de donner un nouveau souffle au secteur de la microfinance à travers cette loi qui va également les aider à aller plus loin. Il s’agit de faire en sorte qu’on puisse faire davantage de crédits, de toucher davantage les clients, d’être plus performants et de rendre des services pour lesquels le secteur a été créé dans les années 2000.
Quel est l’horizon d’entrée en vigueur de cette loi à l’étape où on est ?
C’est une étape importante qui a été passée aujourd’hui. Puisse que c’est le conseil des ministres de l’UEMOA qui a adopté notre projet de loi. Ça c’est important, à partir de là le projet va aller maintenant dans chaque pays et sera présenté au niveau de chaque parlement pour être adopté. Une fois que c’est adopté, ça va entrer en vigueur et remplacer la loi actuelle.
Vous aviez également adopté au cours de cette quatrième session ordinaire une décision de loi applicable définissant des seuils pour la loi sur le blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme. Pourquoi une telle décision pour l’Union?
Effectivement, c’est un projet de décision. Parce que la loi sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et du terrorisme et contre la prolifération des armes de destruction massive a été adoptée déjà en décembre 2022. Mais cette loi a besoin d’être mise en œuvre. Donc il y a des textes d’application et dans la loi vous allez avoir des seuils et on n’a pas fixé les seuils. On a dit que les seuils vont être définis au cours du conseil des ministres. Cette décision qui a été adoptée aujourd’hui par le conseil des ministres et qui fixe des seuils à partir desquels les différents assujettis seront obligés par exemple de prendre les informations sur les différents acteurs notamment l’identification, la vérification…. C’est ce qu’on appelle un texte d’application de la loi qui permet à la loi d’être mise en application. C’est cette décision qui a été adoptée.
Transcription Abdul Wahab ADO