Organisée chaque année en vue de penser à des actions concrètes en faveur du développement et de la croissance des TPME, l’édition 2022 de la Journée internationale des MPME s’est tenue hier 27 juin. A cette occasion, Salamath Moustapha-Soulé, Coach marketing a répondu à quelques questions du Journal « L’économiste du Bénin » sur la situation des MPME au Bénin et formule des recommandations.
Bonjour madame. Le 27 juin 2022, s’est tenue la 5ème édition de la Journée internationale des Micro entreprises et des petites et moyennes entreprises (MPME). Quel regard portez-vous sur le rôle des MPME dans le développement économique du Bénin ?
Vous savez, en général, toute grande entreprise a été TPE, Micro, PME avant d’être une grande entreprise et multinationale. Donc, si on doit voir, les PME soutiennent l’économie des pays, l’économie mondiale, parce que ces petites entreprises, de par leurs activités soutiennent les multinationales. Aucune multinationale ne travaille sans les petites entreprises. Tout se tient. C’est le nombre important de petites entreprises qui permet le développement des pays mais il n’en demeure pas moins que ces PME ont assez de difficultés. Ce sont ces difficultés que l’Etat se doit d’analyser et rechercher les voies et moyens pour résoudre.
Dans un contexte de triple menace : la Covid-19, la guerre en Ukraine et les changements climatiques, les besoins des PME sont croissants. Quelle est, selon-vous, la méthode gagnante ?
Quand on parle de TPE, de Micro, etc., chaque pays a sa propre politique. Qu’il y ait guerre ou pandémie, ce sont des fléaux, c’est vrai, mais chaque pays se doit de chercher ce qui est mieux pour le développement des entreprises. Ce sont les décisions de chaque pays qui font que le pays va plus ou moins souffrir des drames de ces fléaux. Quand je parle de la Covid, il est vrai que ça a bouleversé tout le monde entier. Et même les plus fragiles étant les TPE, cela a rejailli sur les grandes entreprises parce que si on prend dix (10) entreprises, au moins 60% sont composées de TPE ou les Micro ou PME. L’Etat se doit de trouver des voies et moyens pour que ces entreprises n’en souffrent pas trop. La fiscalité, par exemple, fait peur à beaucoup de petites entreprises.
Je voudrais rappeler ceci : avant la révolution industrielle, ces grandes entreprises que nous voyons aujourd’hui étaient des TPE. Et donc elles n’avaient pas eu trop de pression. C’est plus tard que certaines réalités sont rentrées en jeu. Elles ont donc eu des moments favorables pour évoluer sans pression. Mais, nous en Afrique, nous voulons nous comparer à ces grandes nations qui ont eu leurs moments. A mon avis, il ne faudrait pas. Il faudrait plutôt que les pays africains accompagnent les PME pour qu’elles grandissent en paix. C’est vrai, nous devons contribuer à l’économie nationale, c’est une obligation pour tout le monde. Même l’entreprise qui vient d’être créée sait qu’elle doit payer quelque chose. Seulement que c’est la pression, le montant qui fait qu’il y a déroute.
Quelles appréciations faîtes-vous des actions du gouvernement dans le sens de la promotion du secteur privé ?
Vous savez, par rapport au budget 2022, en même temps, il y a eu des allègements, mais n’en demeure pas moins que beaucoup de choses ont été corsées. Je ne peux pas les citer là maintenant, mais beaucoup d’entreprises ont fermé, c’est comme si les TPE étaient piégées dans leurs quêtes d’évolution. Je connais certaines entreprises notamment agroalimentaires qui ne s’en sortent pas. À cause de toutes ces pressions fiscales et autres, beaucoup d’entreprises sont rentrées dans l’achat-vente, les cryptomonnaies, les investissements en ligne, etc., afin d’échapper quelque peu à ces pressions. Le Bénin a permis (et c’est très bien d’ailleurs), à ce que les entreprises se créent en 24h. Mais c’est aussi un petit piège parce que beaucoup y sont allées, pas forcément avec un véritable plan. Mais voilà qu’elles y sont. Mais en même temps, l’APIEX avait dit que le taux de mortalité des entreprises est énorme ; la Chambre de commerce et d’industrie aussi. Tout le monde s’en rend donc compte.
Que faut-il faire ?
Ce que moi je pense, c’est que pour les entreprises qui existent déjà, l’Etat peut faire un allègement fiscal et leur mettre des structures comme des tutelles. C’est vrai, la Chambre de commerce et d’industrie aide les entreprises par des formations (parcours de l’entrepreneur), l’APIEx et l’ANPME mais ils n’atteignent pas la grande masse. Pour atteindre la grande masse, c’est au niveau plutôt fiscal. Lorsqu’il y a des gens qui ont des dettes d’impôts énormes, et qu’ils ne vendent pas, ils sont piégés et l’économie ne tourne pas. Tout le monde est stressé. Je connais plein de chefs d’entreprises qui ont actuellement des soucis de santé, des AVC, et autres, tout simplement parce qu’ils ne s’en sortent pas. D’autres sont allés à l’extérieur pour « aller se chercher » comme ils le disent. D’autres, carrément, ont déposé les clés pour devenir des salariés. C’est donc compliqué. Il a été qu’aux examens de CEP, BEPC et BAC, le nombre de candidats a diminué. Beaucoup de familles étant en cessation de paiements, ils ont dû déscolariser leurs enfants. Beaucoup ont mis leurs enfants dans des centres d’apprentissage. Ce sont les effets induits par la situation des entrepreneurs. Beaucoup n’arrivent non plus à se soigner convenablement. Un jour, une amie pharmacienne m’a dit ceci : quand les gens viennent avec une ordonnance, ils prennent seulement les antalgiques, les paracétamols, parce qu’ils ne peuvent pas payer. Donc beaucoup ne vont plus à l’hôpital, sauf ceux qui ont une assurance.
En plus de ça, les entreprises agro-industrielles, agro-cosmétiques ont des difficultés à évoluer parce qu’avec la certification, l’autorisation de mise sur le marché, etc. ça pèse sur l’entrepreneur. En même temps il se bat pour la recherche des matières premières, en même temps, il faut gérer ça et gérer les impôts. Tout ça, c’est trop de pression sur l’entrepreneur. Et comme ça, c’est le Bénin qui perd, parce qu’on a remarqué depuis un certain temps qu’il y a une foison d’entreprises agroalimentaires qui émergent, mais en même temps qu’elles émergent, toutes ces pressions leur tombent dessus. Toute entreprise se doit de respecter les normes, mais comment ? Je pense que le Bénin aura à gagner s’il fait en sorte que beaucoup d’entreprises émergent réellement mais en partant de la base. Que le système prenne en compte tout le monde. On peut par exemple réduire réellement les montants de certification, de mise sur le marché des produits, et ça va vraiment permettre au Bénin d’émerger. Parce que le Bénin évolue en même temps que les autres pays. Mais si ces charges étouffent l’entrepreneur, il va laisser et tout le monde se mettra à acheter, importer et faire du drop shipping. Ce qui ne fait pas évoluer le marché. Ce sont les individus qui seront riches mais pas l’Etat et c’est dommage. L’Etat peut aussi accompagner les entrepreneurs en mettant en place un système de réduction de coût des matières premières importées.
Du 13 au 14 juillet, vous organisez le Forum des PME à succès. Parlez-nous-en.
Effectivement. Le 27 juin 2022, c’est la 5ème édition de la journée internationale des MPME. En marge de cela, nous avons pensé que nous pouvons faire un forum : « Le Forum des PME à succès ». Tout le monde y est convié. C’est notre mental qui nous fait. Nous voulons amener les entrepreneurs à une table de réflexions parce que l’Afrique en général, le Bénin en particulier, nous avons un problème d’industrialisation, de confiance en soi, d’outils de développement. Nous avons donc initié ce forum pour permettre aux entrepreneurs de réfléchir, de voir comment faire pour que leurs entreprises puissent se développer. Celles qui sont un peu en avance peuvent donner des idées aux autres et voir dans quelle mesure le Bénin pourra aller à l’industrialisation et amener les jeunes à oser, à ne pas avoir peur, à se dire que nous aussi nous pouvons créer. Nous avons des communicateurs émérites qui vont passer toute une journée en ligne avec les participants pour les entretenir sur le processus. En même temps, ça va permettre le réseautage, la vente en ligne. Soutenez-nous pour que le Bénin aille plus loin.
Comment participer à ce Forum ?
Pour participer, c’est de nous joindre. L’inscription est en ligne sur https://urlz.fr/itsH . Il y a sept (07) ateliers. Un atelier coûte 3.000 FCFA, on a essayé de faire un prix accessible. Si vous voulez faire les sept ateliers, vous payez 15.000 FCFA. C’est parce que nous savons que l’entrepreneur doit aller à l’information que nous avons fait ces remises. Nous ne nous en sortons pas mais nous savons que nous devons faire quelque chose, on ne peut pas être statique. Le Bénin nous appartient tous.
Qu’avez-vous d’autres à ajouter ?
Je remercie le journal L’économiste qui est un journal des PME. Je remercie également l’Etat pour tout ce qu’il fait. Mais pour qu’il y ait plus d’impacts, c’est d’aller à la base, c’est diminuer les taxes, les impôts. Pour ceux qui ont des dettes d’impôts, l’Etat peut essayer de créer un système pour leur réduire ces factures. Comme le Président a la possibilité de le faire du côté des prisonniers avec la « grâce présidentielle », on peut déclarer des « grâces d’impôts » avec des conditions pour permettre à ces gens de se régénérer.
Les grandes PME qui ont besoin du service des PME ont des soucis parce que si les entreprises avec qui elles interagissent ferment, elles ont des problèmes. Nous remercions une fois encore l’Etat pour tout ce qu’il fait mais nous savons que nous pouvons faire ça autrement.
Réalisation : Sylvestre TCHOMAKOU