Le 8 Mars de chaque année marque la Journée internationale des droits de la femme. Et cette année encore, la liesse populaire y sacrifiera comme pour une formalité administrative ou une réalisation structurelle de convenance. Pourtant, le dessein de la consécration de cette journée ne devrait pas être si difficile à appréhender et à maintenir. Lire la réflexion de David Sohou, Juriste spécialiste des Droits de l’Homme.
08 MARS 2022, JOURNEE INTERNATIONALE DES DROITS DE LA FEMME : De la promotion des droits de la femme au Bénin depuis 2009 à nos jours.
En 2022 encore, des jeunes femmes de plusieurs contrées n’ont pas le droit de refuser de se marier à un tel ou à un tel autre ; des jeunes femmes seront logiquement, et aux yeux de toute une population indifférente, redirigées vers un commerce en support de l’activité ancestrale tenue par une génitrice ou une marâtre plutôt que d’être sur le chemin des écoles d’éducation ; quelques femmes n’ont pas le droit toujours de se porter volontaire dans un parti politique pour être candidate à un poste électif sans l’approbation manifeste et requis de son époux ; des femmes se voient refuser la parole dans des assises parce que «célibataires » et inaptes à toute sagesse en matière de vie ou de faits sociaux ; beaucoup de femmes sont encore et toujours inéligibles à l’implication sacerdotale dans les églises ou les mosquées car ce ne serait pas le cœur de Dieu ; etc… Sous nos regards silencieux pour les uns, et trop mous pour les autres ; les droits et libertés fondamentales les plus élémentaires de la femme continuent d’être méconnus et mis à mal. Le morceau choisi varie entre irrespect de la gent féminine, misogynie, bafouage des droits civils et politiques, obstruction de la représentativité des femmes dans les milieux de décision, l’entretien des us et coutumes avilissants et dévalorisants …etc.
Des organisations de la société civile continuent de naître chaque jour pour une lutte supposée en faveur de la promotion des Droits de la femme. Mais entre les statuts organisationnels et les impacts sociaux mesurables, il vaut mieux éviter le débat.
Entre temps, la Journée internationale des droits de la femme est passée à une « fête » et connaît des échanges de vœux et de souhaits à l’endroit des femmes. Les plus inspirés dans la bêtise vont jusqu’à célébrer quelques femmes dont les statuts ne sont généralement pas loin d’une compagne ou d’une mère.
A quel moment sommes-nous tombés si bas ? Cela semble être une question de thèse !!!
Nous avons la flemme de recentrer le sens et la portée du 08 Mars ; mais permettez-nous de sacrifier aujourd’hui à ce qui devrait être la pratique routine de tous les acteurs de la promotion des droits de la femme : REFLECHIR SUR L’ETAT DES DROITS DES FEMMES A TRAVERS LE MONDE.
Citoyen béninois, nous nous proposons de jeter un regard national sur les avancées de ces droits et les imperfections ou approches perfectibles de la promotion des droits de la femme ; ce depuis 2009, année de la définition d’une politique nationale de promotion du genre.
Le Bénin peut se réjouir d’avoir un cadre normatif et législatif acceptable pour la protection de la femme et de ses droits. Le principe de l’égalité entre l’homme et la femme est inscrit dans la Constitution du 11 décembre 1990 modifiée par la loi N°2019-40 du 07 Novembre 2019 portant Révision de la constitution et depuis lors, dans presque tous les domaines, des lois ainsi que des décrets ont été pris pour renforcer l’égalité de genre et la garantie des droits des femmes et des filles dans le système juridique béninois.
Depuis 2009, année de l’adoption de la politique nationale de la promotion du genre, le Bénin a pris une série de normes pour renforcer la thématique et sa réalisation sur son territoire.
Ainsi, après les suites de lois de 2003 sur les questions de santé sexuelle et de la reproduction, le législateur béninois a-t-il consacré :
- La loi 2011-26 du 9 janvier 2012 portant prévention et répression des violences basées sur le genre : Cette loi prévoit et punit les infractions tenant aux violences perpétrées à l’égard des femmes. Elle aborde la définition des types de violence identifiés au Bénin, les mesures de sensibilisation de prévention et de détection, les droits des femmes victimes de violence, le cadre institutionnel pour la lutte contre les violences et les dispositions civiles et pénales.
Depuis 2012, cette loi est traduite dans les langues nationales et vulgarisée au cours des campagnes de dissémination et sensibilisation sur les Violences faites aux Femmes.
L’avènement de cette loi constitue le succès de tous les différents acteurs qui y ont contribué, notamment la société civile, la représentation nationale, le Ministère de la Famille et le Gouvernement sans oublier les partenaires au développement qui travaillent pour la cause de la femme au Bénin.
- La loi n°2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin : Par le biais de cette loi, l’égalité de l’homme et la femme dans l’accès au foncier a été garantie et il a été confirmé que les dispositions du Code des personnes et de la famille en matière de succession s’appliquent aux propriétés foncières.
Les femmes ont donc désormais droit au même titre que les hommes à l’acquisition et l’exploitation de domaine foncier ; et au-delà à en hériter.
- Loi N°2018-30 du 03 Septembre 2018 portant autorisation de ratification du protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes, adopté à New-York le 06 Octobre 1999 : cette autorisation a inscrit le Bénin dans la liste des pays parties à la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes qui ont reconnu la compétence du comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes pour tout fait relevant de ladite matière.
- La loi N°2019-40 du 07 Novembre 2019 portant Révision de la constitution : elle constitutionnalise la discrimination positive en faveur de la femme afin de rééquilibrer le déséquilibre des sexes dans la représentativité du peuple.
- La loi N°2019-43 du 15 Novembre 2019 portant Code électoral : la réforme de la loi électorale au Bénin a favorisé une discrimination positive qui promeut les femmes dans l’espace de décision politique. C’est à ce titre que l’article 144 de la loi visée dispose : « Le nombre de députés à l’Assemblée nationale est de cent neuf (109) dont vingt-quatre sièges exclusivement réservés aux femmes. ».
- La loi n°2021-11 portant mesures spéciales de répression des infractions commises à raison du sexe et de protection de la femme : La principale nouveauté est la création d’une nouvelle catégorie d’infractions dénommées « infractions à raison du genre ». Il s’agit notamment “des infractions pour la commission desquelles le sexe de la victime est la considération préalable“. Le harcèlement sexuel, le viol, l’interruption forcée de grossesse ou les mutilations génitales féminines se trouvent rangés dans cette catégorie. Toute chose qui induit, dans le code pénal, le renforcement des incriminations s’y rapportant ainsi que l’élargissement des champs matériel et personnel à travers la prise en compte pour ce qui concerne le harcèlement sexuel, des complices désormais punissables au même titre que les auteurs principaux, l’aggravation de la peine encourue par les ascendants en cas de harcèlement commis sur un mineur, l’exclusion du consentement de la victime mineure.
- Loi N° 2021-12 du 20 décembre 2021. modifiant et complétant la loi N°2003-04 du 03 mars 2003 relative à la santé sexuelle et à la reproduction : Cette loi “détaboutise” la question de l’avortement sécurisé et hisse le Bénin au rang des pays où la femme peut encore choisir jusqu’à un certain âge de grossesse de ne pas le porter à terme.
- Loi N° 2021-13 du 20 décembre 2021 modifiant et complétant la loi N°2002-07 du 24 août 2004 portant Code des personnes et de la famille : Elle accorde entre autres prérogatives, le droit à la femme de donner son patronyme à un enfant.
Au-delà de ses prouesses normatives, le Bénin a également renforcé son cadre institutionnel. Des avancées notables sont à l’actif de tous les acteurs qui s’investissent au quotidien dans la réduction des inégalités entre homme et femme et qui font de la promotion de la femme et du genre leur cheval de bataille. Les actions du gouvernement pour la mise en place d’un environnement institutionnel favorable à la promotion de l’égalité entre les sexes ont conduit à :
- La création du Conseil National de Promotion de l’Equité et l’Egalité du Genre (CNPEEG) : Ce comité a été créé par décret N°2013-51 du 11 Février 2013. Il est présidé par le Chef de l’Etat. Les membres du CNPEEG ont été installés le 22 Mai 2014.
- La création de l’Institut National pour la promotion de la Femme : il s’agit d’un organe de réflexion, d’études pour la promotion de la femme dans divers secteurs. Il a été créé le 31 Décembre 2009 et vise la promotion de la participation des femmes béninoises à la vie publique et politique.
- La création de L’Observatoire de la Famille, de la Femme et de l’Enfant : Ce service a été créé par décret N°2013-454 du 08 Octobre 2013. Sous tutelle du ministère des affaires sociales et de la famille, il assure la tenue des données statistiques sur l’évolution de la réalisation de l’égalité des sexes au Bénin.
- La mise en place du groupe technique Genre et Protection sociale : il s’agit d’une coordination des actions genre des partenaires et techniques financiers. Des questions clés du dialogue politique sont retenues pour être débattues au sein de ces groupes. Un chef de file est désigné pour assurer la présidence du groupe.
- La refonte de l’Institut National de la Femme : Actée par décret N° 2021-507 du 29 Septembre 2021 portant abrogation du décret N°2015-161 du 13 avril 2015 portant création, attribution, organisation et fonctionnement de l’Institut national pour la promotion de la femme, la refonte de l’institut de la femme est le fruit des résultats du conseil des ministres du 21 juillet 2021. Elle accorde une autonomie et une indépendance plus renforcées à la structure et lui ouvre des missions plus spécifiques et claires pour la protection des droits des femmes et des filles au Bénin.
L’ensemble de ces innovations et progrès a également été souligné dans les secteurs sociaux de l’Etat. A ce titre :
Le Programme de Microfinances Alafia (précédemment connu sous le nom de microfinances aux plus pauvres) a été relancé par le gouvernement béninois pour assouvir le besoin de financements des micro-projets des femmes en priorité. Surtout celles qui n’ont pas forcément un fort niveau d’instruction.
Le commerce étant l’activité principale des femmes au Bénin, fusse-t-il sur le plan formel ou celui informel ; la difficulté d’accès à un financement bancaire trouve alors un certain palliatif et le processus de l’autonomisation économique de la femme au Bénin est renforcé. La gent féminine amorce une indépendance financière et tend, à priori, vers un meilleur épanouissement social.
Les actions qui contribuent à l’amélioration du taux de scolarisation des filles et de la réduction de l’écart entre les filles et les garçons se multiplient. Il peut s’agir entre autres de :
– La mise en œuvre du programme décennal de développement du secteur de l’éducation, du plan stratégique de développement de l’enseignement supérieur, de la politique nationale de l’enseignement supérieur, la politique nationale d’éducation et de formation des filles de la déclaration de la politique nationale d’alphabétisation et d’éducation des adultes ;
– La prise d’arrêtés portant exonération des frais de scolarité des filles à l’enseignement primaire et au premier cycle de l’enseignement secondaire, des collèges et lycées publics, portant prise en charge partielle (1/3) des frais de contributions des filles inscrits dans les filières scientifiques et techniques industrielles de lycées techniques publics et portant sanctions à infliger aux acteurs de violences sexuelles dans les établissements publics et privés ;
– Le lancement en 2010 de la deuxième édition des deux vastes campagnes de sensibilisation dénommées respectivement « Toutes les filles à l’école » et « Tous les enfants à l’école » ;
– La création et l’installation des clubs des mamans et des associations des mères d’élèves pour relayer les activités de mobilisation à la scolarisation ;
En définitif, les lignes ont bougé. Mais elles restent sûrement très loin des standards qui peuvent appeler à clameur ; applaudissements et félicitations.
Car, des facteurs de déterminisme tels que :
- L’entrée précoce des femmes sur le marché de travail à cause de leur nuptialité précoce et leur sortie précoce de l’école comparée aux hommes ;
- La croissance exagérée du taux de participation de la femme au marché de travail et l’augmentation progressive avec le nombre d’enfants à charge ;
- Le harcèlement des filles et femmes au moment de l’accès au travail et durant l’exécution du travail ;
- Le refus de congés de maternité aux femmes travailleuses dans les entreprises privées, un facteur encourageant de l’avortement, et un problème de santé pour les femmes ;
- Manque de moyens des parents à subvenir aux besoins scolaires des enfants, d’où le privilège accordé aux garçons par rapport aux filles ;
- Les grossesses précoces et non désirées des jeunes filles ;
- Répartition sexiste et ou excessive des travaux domestiques défavorables aux filles ;
- Le taux d’abandon scolaire élevé chez les filles ;
- Le taux élevé d’analphabétisme chez les femmes ;
- Le poids des traditions ;
- Les stéréotypes ;
- La crainte corporative et hiérarchique ;
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demeurent de forts nœuds qui obstruent l’atteinte idéale de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes.
Or, les inégalités, qu’elles soient fondées sur le sexe, le statut économique ou d’autres éléments, empêchent de nombreuses personnes d’accéder aux services et aux possibilités, et de sortir de la pauvreté.
Selon le Centre de Recherche pour le Développement International, l’égalité doit se positionner comme une pierre angulaire du développement des peuples. Et cela procède d’une autonomisation des femmes grâce à l’amélioration des moyens de subsistance ; une inclusion matérielle à divers niveaux (politique, climatique, société civile, etc).
Il est essentiel d’améliorer la représentation des femmes dans tous les secteurs pour parvenir à une plus grande égalité et pour mettre au point des interventions durables. Ainsi aurions-nous répondu efficacement à l’appel du thème international de l’année 2022 de la Journée internationale des droits de la femme : « L’égalité des sexes aujourd’hui pour un avenir durable ».