La crise de la Covid-19 a contraint les pays en développement à dépasser leur niveau déjà record d’endettement souverain afin d’atténuer les effets économiques de la crise. Dans son dernier rapport sur le développement dans le monde, la Banque mondiale a proposé des solutions aux pays afin de mieux gérer la dette souveraine.
Félicienne HOUESSOU
L’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) fait face à une forte progression du service de la dette, en liaison avec l’augmentation de la dette intérieure. Selon la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), le taux d’endettement de l’Union s’est établi à 49,9% en 2021 contre 49,3% en 2020. Les pays surendettés ne sont pas en mesure de financer les services publics tels que l’éducation et les soins de santé publique, ce qui risque d’entraîner une détérioration du développement humain et une brusque augmentation des inégalités. Les pays en situation de surendettement sont également peu outillés pour faire face aux chocs futurs et peuvent ne pas être en mesure de jouer le rôle de prêteur en dernier ressort des entreprises du secteur privé qui ont besoin d’une aide publique. Selon la Banque mondiale, les 41 pays qui n’ont pu rembourser leur dette souveraine entre 1980 et 1985 ont eu besoin en moyenne de huit ans pour retrouver les niveaux de PIB par habitant d’avant la crise. Dans les 20 pays qui ont connu les pires baisses de production, les retombées économiques et sociales de la crise de la dette se sont poursuivies pendant plus d’une décennie. L’expérience de ces pays souligne l’importance d’une action urgente pour éviter une crise prolongée de la dette dans le sillage de la COVID-19. Les experts de l’institution de Bretton Woods estiment que les pays doivent gérer rapidement et de manière proactive la dette souveraine insoutenable afin de minimiser ses coûts économiques et sociaux et de permettre aux dépenses publiques d’alimenter une reprise économique équitable. L’approche dépend de la gravité des difficultés liées à la dette, c’est-à-dire du niveau auquel se situe le problème.
Dégager des ressources pour la reprise
Dans les pays présentant un risque élevé de surendettement, une gestion proactive de la dette peut réduire le risque de défaut de paiement et libérer des ressources pour soutenir la reprise économique. La Banque mondiale propose deux options en matière de gestion de la dette, à savoir le reprofilage de la dette ou la restructuration de la dette. Une opération de reprofilage pourrait être utile si un pays a contracté plusieurs emprunts qui arrivent à échéance la même année ou a accumulé d’autres formes d’expositions, par exemple dans la composition en devises des engagements. L’État souverain peut émettre une nouvelle créance avec un profil d’échéance plus long ou plus régulier. Le reprofilage de la dette peut également aider à gérer le risque de change, qui ajoute souvent aux préoccupations relatives à la viabilité de la dette. Dans de telles circonstances, au lieu de modifier l’échéance de la dette existante, l’opération de reprofilage consiste à rembourser la dette existante libellée dans une devise et à émettre une nouvelle dette dans une autre devise. Les emprunteurs souverains confrontés à un risque de défaut croissant ont également la possibilité d’entamer des négociations préventives avec leurs créanciers pour parvenir à une restructuration de la dette. Cette option exige la transparence sur les conditions et la propriété de la dette. Les données indiquent que les restructurations préventives trouvent plus rapidement des solutions que les restructurations post-défaillance, qui entraînent des périodes d’exclusion plus courtes des marchés financiers mondiaux et sont associées à des pertes de production moins importantes. Dans ces situations, il est important de minimiser les risques qu’un créancier individuel cherche à tirer profit de l’opération.
Résoudre le problème du surendettement
Les options qui s’offrent aux pays en situation de surendettement sont plus limitées. Le principal outil disponible à ce stade est la restructuration de la dette, associée à un plan de réforme budgétaire et économique à moyen terme. Pour optimiser l’utilisation de cet outil, il faut reconnaître rapidement l’ampleur du problème, assurer une coordination avec et entre les créanciers, et faire comprendre à toutes les parties que la restructuration est la première étape vers la viabilité de la dette, et non la dernière. Les institutions financières internationales telles que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale jouent souvent un rôle important dans le processus de restructuration de la dette des économies émergentes. Elles procèdent aux analyses de viabilité de la dette nécessaires pour bien comprendre le problème et fournissent souvent le financement nécessaire pour rendre l’opération viable. Si un accord de restructuration rapide et profonde permet une reprise plus rapide et plus soutenue, l’histoire montre que la résolution d’une dette souveraine excessive est souvent retardée pendant des années. Même lorsqu’un pays entame des négociations avec ses créanciers, il lui faut souvent plusieurs cycles de restructuration de la dette pour sortir du surendettement. C’est ainsi que le Nigeria et la Pologne ont chacun dû négocier sept accords de restructuration de la dette avant de trouver enfin une solution à l’insoutenabilité de leur dette.
Améliorer la transparence et la coordination et augmenter les recettes
L’envolée de la dette souveraine pendant la crise de la COVID-19 souligne la nécessité de stratégies visant à faciliter la gestion minutieuse de la dette, sa renégociation et l’accès aux marchés financiers à plus long terme. Trois grandes initiatives se distinguent pour atteindre ces objectifs : une plus grande transparence des données sur la dette, des innovations contractuelles et des réformes de la politique et l’administration fiscales. Une gestion efficace et prospective de la dette exige la divulgation complète des créances sur l’État, ainsi que des conditions complètes des contrats qui régissent la dette. La transparence sur les montants dus et les conditions contractuelles ne garantit pas une restructuration rapide, mais elle ouvre certainement la voie à une reconnaissance plus rapide des problèmes de viabilité de la dette et à une entrée plus rapide et plus favorable dans les négociations.
Les innovations contractuelles, quant à elles, peuvent permettre de surmonter les problèmes de coordination et d’accélérer la résolution du problème de restructuration de la dette souveraine, mais elles ne sont pas une panacée. Ces innovations constituent des évolutions positives pour les nouveaux contrats sur la dette, mais ne résolvent pas tous les problèmes actuels. À long terme, la politique et l’administration fiscale, ainsi qu’une politique et une gestion bien pensées des dépenses publiques, sont essentielles à la viabilité de la dette. L’augmentation des recettes fiscales résulte principalement d’investissements à long terme dans la capacité d’imposition et de changements structurels dans l’économie. Les impôts sur la propriété, le revenu et les plus-values sont des stratégies génératrices de revenus sous-utilisées dans la plupart des économies émergentes.