Les contrats d’investissement en Afrique sont parfois considérés – à tort ou à raison – comme risqués. Plusieurs mécanismes peuvent cependant être prévus par les entreprises pour sécuriser leur relation d’affaires avec un Etat et inciter à la bonne exécution des accords contractuels. « Qui veut la paix prépare la guerre » : une attention particulière doit être portée à la perspective d’un différend futur, notamment en prévoyant une procédure d’arbitrage ainsi que les modalités de cette procédure.
Lorsqu’elles investissent sur le continent africain, les entreprises étrangères anticipent parfois des risques en tout genre : juridiques, fiscaux, politiques, de corruption ou de violences. Ces risques peuvent être exacerbés lorsque la contrepartie de l’investisseur est un Etat. Ce qui avait été convenu par les parties se heurte alors à une réalité parfois imprévisible, notamment au regard du déséquilibre entre les forces en présence : d’un côté un Etat souverain, de l’autre une entreprise privée qui ne bénéficie pas de prérogatives de puissance publique. En 2018, le groupe français Veolia a par exemple fait les frais d’une rupture unilatérale de son contrat de concession et d’une réquisition/expropriation de ses actifs par l’Etat gabonais. Ce genre d’exemple n’est cependant pas spécifique à l’Afrique. En témoigne, notamment, la récente « affaire des sous-marins », l’Etat australien ayant mis fin à un contrat de 34 milliards d’euros conclu avec le constructeur français Naval group.
Pour se prémunir contre ces risques, les entreprises s’assurent systématiquement d’être couvertes par certaines clauses protectrices et prévoient que les litiges à venir seront réglés par une procédure d’arbitrage. Certains Etats africains ont cependant été accusés d’entraver sciemment la bonne marche de l’arbitrage international auquel ils avaient consenti et de faire usage de leurs prérogatives de puissance publique pour perturber le déroulement de la procédure arbitrale.
En cas de litige, il existe aussi un risque distinct au stade de l’exécution de la sentence arbitrale (voir, par exemple, l’arbitrage Energoinvest contre République Démocratique du Congo), notamment en raison des immunités d’exécution dont bénéficient les Etats. Ces immunités peuvent paralyser toute tentative d’exécution forcée sur leurs biens. Ici non plus, ce risque n’est pas spécifique aux Etats africains, la plupart des Etats se montrant généralement peu enclins à exécuter les sentences qui leur sont défavorables (voir, par exemple, la saga arbitrale Ioukos contre Russie).
Les clauses à prévoir dans le contrat pour sécuriser la relation d’affaires
Pour se protéger, l’entreprise doit veiller à insérer des clauses de pénalités financières dans son contrat. Ces clauses existent dans le droit interne de certains Etats africains (Sénégal, République de Guinée). Si elles n’offrent pas de garantie que l’Etat va s’exécuter, elles peuvent cependant avoir un effet incitatif et dissuasif. Elles sont, par exemple, systématiquement incluses dans les contrats industriels et permettent de fixer par avance la somme indemnitaire versée par le cocontractant défaillant. Les pénalités ne devront cependant pas être excessives au risque d’être modérées par le juge.
Les clauses de dédit sont le « prix de la liberté ». Elles permettent à l’Etat de rompre le contrat pour des raisons de convenances propres, sans avoir à justifier d’un motif. La pénalité n’a pas la nature d’une clause pénale parce qu’il n’y a pas de faute commise par le co-contractant. La clause de dédit est une indemnité qui s’applique si une partie fait jouer sa faculté de se rétracter alors que la clause pénale définit les pénalités pouvant s’appliquer à une partie qui ne respecterait pas l’une de ses obligations. La clause pénale est judiciairement révisable alors que la clause de dédit ne l’est pas. Au stade de la rédaction du contrat, il faudra donc veiller à rédiger avec soin cette clause pour éviter qu’elle ne soit requalifiée par le juge comme une clause pénale.
Le contrat doit garantir et faciliter la protection de l’investisseur, particulièrement dans les pays politiquement instables et/ou les pays en développement, dans lesquels il existe un risque élevé d’ingérence du gouvernement ou de changement de réglementation, ou encore lorsque l’investissement implique des actifs sensibles. Les parties peuvent stipuler une clause de stabilisation de la loi choisie au jour du contrat. Cette possibilité est largement utilisée dans les accords de concession pétrolière. Les États s’engagent à ne pas utiliser leurs pouvoirs administratifs ou législatifs d’une manière qui affecte négativement l’investisseur.
L’importance d’anticiper le contentieux arbitral
L’arbitrage est une alternative au règlement des litiges par les tribunaux étatiques « classiques » et est même devenu le « mode normal de règlement des différends du commerce international ». En prévoyant une clause compromissoire dans leur contrat, les parties soumettent leur différend à venir à un tribunal arbitral privé. Les arguments le plus souvent retenus en faveur de l’arbitrage sont la plus grande prévisibilité qu’il offre, sa discrétion, la faculté de choix du juge et le rôle actif des parties dans la procédure. La présence d’une convention d’arbitrage dans un contrat paralyse la compétence de la juridiction étatique sauf si la clause est manifestement nulle ou inapplicable. La convention d’arbitrage doit donc elle aussi faire l’objet d’une rédaction minutieuse.
Le souci de neutralité est particulièrement prégnant dans le commerce international. Les entreprises étrangères sont réticentes à l’idée d’être jugées dans l’Etat ou selon les règles du co-contractant étranger (surtout dans des secteurs stratégiques tels que l’énergie ou les télécommunications). Ceci est particulièrement vrai lorsque ce co-contractant est un Etat. Le juge de la nationalité de l’Etat co-contractant ne peut être systématiquement soupçonné de partialité, mais il partagera un même héritage culturel. Il est donc important de trouver un droit, un juge et un terrain neutres.
Les Etats africains sont de plus en plus souvent désignés comme sièges de tribunaux arbitraux : Johannesburg, Le Caire, Le Cap. Certaines places africaines ont développé des systèmes originaux et très favorables à l’arbitrage (c’est par exemple le cas de Djibouti). Cependant, les arbitrages internationaux impliquant des parties africaines sont majoritairement réglés sur la place de Paris, de Londres ou de Genève. La jurisprudence française, très favorable à l’arbitrage, explique en grande partie l’attrait pour Paris, qui s’est progressivement affirmé comme une place privilégiée pour accueillir les arbitrages internationaux et africains.
(*) Avocat associé BCTG Avocats
() Avocat collaborateur BCTG Avocats Augustin Nicolle* et Thibaut Magerman