Le virus de la striure brune du manioc encore appelé Cassava brown streak virus disease (Cbsv) est aux portes du Bénin. Les prospections conduites par Wave-Bénin de 2015 à 2022, confirme que l’incidence de ce virus dans notre pays est très élevée. Conséquence, on note une baisse de la production qui justifie la flambée du prix du gari et de ses dérivés sur le marché. Prenant la mesure de l’enjeu, le Gouvernement et ses partenaires anticipent et mènent des actions pour contrer les velléités de l’ennemi.
Les boutures de manioc sont aujourd’hui de l’or. Donc prisées et très recherchées. Jadis encombrant, les boutures de manioc saines sont rares et il va falloir parcourir les monts et vallées pour l’avoir. « Avant, les boutures de manioc nous encombraient. Mais l’année dernière, il a fallu que je me rende à Comè, chez un voisin, pour avoir ces boutures. Si non, moi-même, je n’en n’ai plus », fait savoir Vincent Loukpé, cultivateur à Agamè, dans la Commune de Lokossa. Une rareté que confirme Geoffroy Amoussou, de l’Agence territoriale de développement agricole pôle5 (Atda5). « Effectivement, disposer des boutures de manioc était la croix et la bannière », reconnaît-il. Elle est due à certaines difficultés auxquelles est confrontée la filière manioc. « Le manioc est, en effet, gravement menacé dans son intégrité par un complexe de maladies virales dont la Striure brune du manioc ou Cassava Brown Streak Disease (CBSD) », renseigne Géoffroy Amoussou qui, selon lui, est à la base du faible rendement dans les pays africains. « Bien que l’Afrique dispose de variétés hautement productives dont le potentiel peut dépasser 40 tonnes à l’hectare, et que notre continent en soit le plus grand producteur au monde, avec 57%, il enregistre, hélas, le plus faible rendement moyen estimé à 10 tonnes à l’hectare, comparé à l’Asie avec un rendement de 21,34 tonnes à l’hectare, selon les statistiques de 2016 » précise-t-il.
Un virus migratoire
En référence à l’histoire, la striure brune du manioc a fait son apparition dans les années 30 en Tanzanie. Disparue, elle a refait surface des décennies après en Afrique de l’Est vers les années 2000, puis elle a progressivement migré vers l’Afrique occidentale. En 1990, poursuit Martine Tachin, agronome, professeur à l’Université d’agriculture de Kétou, la maladie est identifiée comme étant un ipomovirus de la famille des Potyviridae. Deux espèces différentes de ce virus se distinguent. Le Cassava brown streak virus (CBSV) et Ugandan cassava brown streak virus (UCBSV). Les deux virus sont présents dans toute la région de l’Afrique de l’Est et de l’Ouest. Les symptômes de la striure brune n’apparaissent que tardivement sur la partie aérienne (feuilles et tiges) de la plante atteinte. Ceci rend le diagnostic difficile. Alors il est difficile au producteur de faire l’identification précoce de la maladie. La striure brune du manioc entraîne la marbrure chlorotique des feuilles. En effet, quand la plante est atteinte, le premier symptôme qui apparaît est une chlorose le long des bordures des nervures secondaires. L’apparition de bandes jaunes ou nécrosées autour des nervures sur le limbe foliaire peut être syndrome de l’infection. Aussi, l’on note l’apparition de traînées brunes et des lésions sur les jeunes tiges ; ces lésions fusionnent provoquant la mort des bourgeons axillaires dormants. « La manifestation de ces syndromes n’est pas absolue », souligne Martine Tachin. Dans la plupart des cas, la majorité de ces symptômes apparaissent lorsque l’infection est sévère. Les symptômes de la partie aérienne peuvent précéder ceux des tubercules.
Agent vecteur, mode de propagation et moyens de lutte
L’Aleurode du tabac (Bemisia tabaci) ou mouche blanche est l’insecte prioritairement soupçonné d’être le vecteur du virus. Dans l’identification des agents vecteurs, d’autres sources associent les acariens et les pucerons à l’Aleurode. Comme dans le cas de la mosaïque africaine du manioc, ici aussi, le mouvement du matériel végétal infecté à l’instar des boutures est l’une des grandes sources de propagation. L’on peut citer aussi l’utilisation d’outils agricoles infectés.
Pour Martine Tachin la lutte préventive offre plus de résultats. Ainsi, le choix de cultivars plus résistants et tolérants est la première recommandation. En effet, des variétés ont fait leur preuve en termes de résistance à l’UCBSV. Aussi, les boutures destinées à la plantation doivent être saines, d’une provenance sûre ou mieux encore certifiées. L’inspection de la parcelle est d’une importance capitale. La prévalence et les populations de mouches blanches dans les champs des agriculteurs doivent être régulièrement surveillées. Naturellement le désherbage s’avère indispensable. Les outils agricoles à l’instar des machettes servant au découpage des boutures doivent être exempts d’infection avant l’opération. Faire un échange de matériel végétal raisonné. Pendant les premiers mois, enlever et détruire les plantes malades. L’improbabilité des symptômes en ce qui concerne cette maladie exige que les paysans s’outillent efficacement dans la détection des signes précurseurs. En effet, non seulement d’aucun ont même tendance à confondre les répercussions du virus sur les tubercules à un excès d’eau ; mais aussi, ils sont obligés d’attendre les récoltes pour constater les dégâts. Ceci réduit les possibilités de prévision.
Une maladie redoutable
La striure brune de manioc est une maladie redoutable, à en croire Geoffroy Amoussou. D’après ses explications, les analyses de laboratoire effectuées par Wave-Bénin dans des pays de la sous-région et en Angleterre ont fait établir la présence de différentes variantes dont celle ougandaise (la plus redoutable) et la forme camerounaise du même virus qui existent déjà au Bénin. Aussi, tous les cultivars traditionnels de manioc ou presque du continent africain sont-ils exposés à cette maladie qui provoque d’énormes pertes de rendement allant de 40% à 70%. La maladie de la Striure brune du manioc occasionne, quant à elle, des pertes pouvant atteindre 90%, voire même 100%. « Ces deux maladies virales sont de redoutables freins à la production du manioc », signale-t-il.
Des actions urgentes pour parer au plus pressé
« Il est indéniablement prouvé que la CBSD, assimilable à l’Ebola du manioc, avance au galop vers l’Afrique de l’Ouest et finira par atteindre, si rien n’est fait, tous les pays de la zone, le nôtre y compris », prévient Geoffroy Amoussou. Le Gouvernement ayant pris la mesure de l’enjeu a anticipé en mettant en place un certain nombre de mécanismes à savoir la territorialisation de l’agriculture, le Projet national de la filière manioc (Pndf) dont l’un des volets s’occupe essentiellement de la production des boutures certifiées en vue de garantir la disponibilité permanente de la matière. Aussi, le manioc fait partie des filières de diversification spécifiquement pris en compte dans la promotion des filières conventionnelles. Il est alors largement développé dans toutes les 14 Communes que couvre l’Agence territoriale de développement agricole pôle5. Tout ceci pour éviter la flambée conjoncturelle des prix des denrées alimentaires de première nécessité au nombre desquelles il faut classer le gari, cette farine de valeur à base de manioc ou une éventuelle catastrophe alimentaire car, le manioc est aussi l’incontournable aliment de base pour près de 800 millions de personnes dans le monde, dont près de 500 millions d’africains. A côté des moyens de lutte ; pour la vulgarisation efficace des bonnes pratiques, il convient de fournir aux agriculteurs les connaissances et capacités additionnelles nécessaires pour identifier les maladies ; appréhender les bases biologiques et en évaluer l’incidence, afin de mieux mener la lutte. Le travail de fourmi qu’accomplit Wave-Bénin s’inscrit dans cette logique. ‘’Nourou village’’, c’est la nouvelle application mis au point pour permettre aux producteurs de détecter eux-mêmes le mal en vue des actions urgentes à prendre pour limiter sa propagation.
Rock Amadji (Correspondant Zou-Collines)