Les avocats interviennent dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire en tant qu’auxiliaires de justice. A l’image des huissiers, des notaires, des commissaires-priseurs, l’avocat exerce une profession libérale. Il rend des services bénévoles à la veuve et l’orphelin. En revanche, il compense ses énergies par le paiement d’honoraires proportionnels à sa notoriété auprès de clients nantis. Votre journal lève un coin de voile sur le sacerdoce méconnu de l’avocat et le businessman dont il est le plus taxé.
Jean-Claude KOUAGOU
« L’avocat ne tire pas économiquement profit de toutes ses plaidoiries », souligne d’entrée Me Claude TEKOUNTI, avocat au barreau du Bénin, ancien membre du Conseil de l’ordre sous le bâtonnat de Maître Cyrille Djikui. Il explique que c’est au nom du principe que : « nous sommes aussi l’avocat de la veuve et de l’orphelin » que le bénévolat de l’avocat est rendu dans certains cas. Alors, il illustre qu’à titre personnel, il fait souvent des prestations gratuites pour le compte de personnes indigentes qui sollicitent ses services. « Lorsqu’un indigent vient à nous, ou que nous constatons dans une juridiction qu’un justiciable est manifestement indigent et ne peut pas payer des honoraires, alors que nous sommes intéressés par son dossier, nous nous constituons spontanément et nous défendons l’intéressé sans contrepartie », rapporte Me TEKOUNTI. « Au cours d’une audience, l’avocat peut constater les difficultés d’un plaideur dans un dossier. S’il éprouve une sensibilité à la cause du plaideur, il décide de l’assister en recueillant préalablement son consentement », renchérit Dr. Nathaniel KITI, enseignant de droit à l’Université d’Abomey-Calavi. Mais devant certaines juridictions comme celles des Cours d’appel ou de la Cour suprême, le conseil d’un avocat est obligatoire selon des dispositions du Code de procédure civile. Pour le cas du Bénin, il fait savoir que le Barreau organise périodiquement des journées portes ouvertes au cours desquelles les avocats plaident gratuitement pour les justiciables. Cela dit, l’avocat n’est pas un crocodile capable d’ajuster son métabolisme pour survivre à la faim pendant des mois voire quelques années. Il est un humain qui doit aussi satisfaire ses besoins fondamentaux au moyen de ressources financières. Alors n’étant pas un fonctionnaire de l’Etat comme le magistrat, l’avocat fait des prestations payantes. En l’absence d’une disposition réglementaire qui harmonise les prestations des auxiliaires de justice, les factures émises par les avocats sont fonction de la nature des dossiers défendus et de la qualité des clients. Me Claude TEKOUNTI confirme que les factures sont présentées en tenant compte de la complexité des dossiers, de la qualité des clients (personnes physiques, indigentes ou non ; ou personnes morales modestes ou multinationales). Il en déduit que tout dépend de la tête du client. Mieux, l’avocat fixe ses honoraires, en fonction de ce qu’il estime être juste, à l’aune de son ancienneté, de ses exploits, les procès gagnés et autres considérations personnelles. Bref, il tient compte de sa notoriété. Par ailleurs, la déontologie interdit à l’avocat de se faire de la publicité en mettant en exergue sa qualification, ses compétences et ses succès. Alors, pour se mettre en valeur, l’avocat se compare au vin qui se bonifie au fil des ans. Plus il est ancien dans la profession, plus il estime que ses honoraires doivent être payés conséquemment. Et tout le monde sait qu’à « bon vin, point d’enseigne ! »
Le cadre juridique de l’avocat
Le métier de l’avocat est encadré par des textes qui réglementent la profession. Il y a d’abord une loi qui a créé le barreau du Bénin. Il s’agit de la loi 65-6 du 20 avril 1965 instituant le Barreau de la République du Bénin (Dahomey à l’époque). Il y a eu ensuite un règlement intérieur amendé le 19 mars 2009 par le Conseil de l’ordre des avocats. Et depuis un certain temps, il y a ce qu’on appelle une harmonisation des textes au niveau de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Tous les pays membres de l’UEMOA sont unis par des textes réglementaires qui régissent la profession d’avocat. Il en résulte qu’aujourd’hui au Bénin, l’avocat est soumis à la réglementation communautaire dans l’exercice de sa profession.
Un environnement social austère
La profession d’avocat en Afrique et au Bénin, s’exerce dans un environnement austère où le plus grand nombre de justiciables n’a pas spontanément recours aux conseils juridiques des auxiliaires de justice. En effet, la connaissance et le recours à l’avocat ne sont pas systématiques. Ce sont des considérations encore mitigées. En effet, certains citoyens ont la culture de l’avocat. Il s’agit essentiellement des intellectuels qui ne ménagent aucun effort à recourir aux compétences de l’avocat pour les assister dans des situations juridiques. Mais pour la grande majorité des citoyens, tous ne connaissent pas l’avocat si ce n’est qu’avec la nouvelle organisation judiciaire générée par la création de nouveaux tribunaux et de nouvelles Cours d’appel. En effet, avec cette réforme judiciaire, le nombre de juridictions de premier degré a augmenté de 7 avec la création et le fonctionnement des tribunaux de Pobè, Aplahoué, Djougou, Savalou, Calavi d’une part ; puis la création récente des tribunaux de Malanville, Dassa, Comé d’autre part. En outre, les juridictions de second degré sont passées de la seule Cour d’appel de Cotonou à 3 avec les Cours d’appel de Parakou et celle d’Abomey. En définitive, ce rapprochement des juridictions vers les justiciables fait découvrir aux populations aujourd’hui mieux qu’hier l’auxiliaire de justice qu’est l’avocat.
Les risques de l’avocat
L’avocat dans l’exercice de son métier est protégé par le droit. Dans l’exercice de son métier, il utilise les règles juridiques : la loi. Tous les jours, il est dans la loi. Mais il subit aussi les conséquences de sa profession. « Il arrive qu’il ne soit pas compris soit par le demandeur, soit par le défenseur, soit par l’accusé même. Le camp ayant perdu le procès peut s’en prendre à lui. Le plaideur qu’il défend, qu’il conseille, peut s’en prendre à lui », déplore Dr. Nathaniel KITI, enseignant de droit. Or dans l’absolu, l’avocat n’a pas une obligation de résultat. « L’avocat a une obligation de moyens juridiques nécessaires pour assister son client pour le défendre. Et en définitive, c’est le juge qui décide en dernier ressort. C’est vrai que dans son art de juge, il est aussi lié par la déontologie de sa profession et par les règles juridiques. Mais c’est lui qui a le dernier mot », explique M. KITI. Il renseigne à titre illustratif qu’il arrive que les clients s’en prennent à leur propre avocat, ou bien le demandeur ou le défenseur s’en prend à l’avocat. Et surtout l’accusé en matière correctionnelle. Dans certains pays, certains avocats ont été assassinés à l’issue d’un procès. En effet, justifie l’enseignant de droit, « les gens font la confusion entre l’avocat et l’accusé par exemple. Surtout quand l’accusé réussit à s’en sortir avec la défense de l’avocat, on s’en prend à lui comme étant celui qui l’a fait tirer d’affaire. Or, l’avocat est dans l’exercice de son art. » Par ailleurs, les professionnels du droit sont les mieux aguerris pour défendre l’Etat de droit et la démocratie. « Il arrive que les hommes politiques s’en prennent à eux dans la défense de la démocratie et de l’Etat de droit avec pour corolaire des avocats en prison pour avoir exercé leur profession », regrette l’homme de droit.
Avocat-population : un ratio faible
Actuellement au Barreau, on compte un peu moins de 300 avocats inscrits au grand tableau et installés à leur propre compte ou qui travaillent en association avec d’autres confrères. A ceux-là s’ajoutent des avocats qui ont prêté serment mais qui sont encore en stage. « C’est à peu près notre effectif pour une population de plus de 11 millions d’habitants », renseigne Me Claude TEKOUNTI, avocat au Barreau national. Cependant, fait-il observer, les avocats béninois demeurent les plus nombreux de tous ceux qui exercent des professions libérales et intervenant dans le fonctionnement de la justice. « Il y a environ une cinquantaine d’huissiers de justice, les notaires encore moins nombreux que les huissiers », affirme-t-il. La faiblesse du ratio population-avocat fait de ce dernier un bourreau de travail. Il est trop sollicité et même submergé par les dossiers provenant d’une clientèle essentiellement limitée à l’élite, aux hommes politiques et aux hommes d’affaires. En revanche, fait observer Dr. Nathaniel KITI, le nombre de plaideurs qui sollicitent le conseil, la défense d’un avocat en première instance est très faible. Cela s’explique, affirme-t-il, par le manque de moyens de certaines personnes.
Constitution d’avocat
Pour constituer un avocat, il suffit d’aller vers lui et lui exposer le problème dans son cabinet. Les spécialistes du droit éclairent qu’il est loisible à l’avocat d’accepter ou de rejeter l’offre. Dans l’hypothèse que l’avocat accepte de prendre le dossier, il le fait sans autre forme de procès à travers une lettre de constitution adressée au tribunal à charge de l’affaire. Il peut aussi accompagner son client devant le commissariat de Police, ou bien il l’assiste devant la juridiction concernée en Instance ou en Appel. Il a enfin la faculté de donner simplement sa consultation et après il présente sa facture d’honoraires au client. Dr. Nathaniel KITI soutient que de manière générale, les avocats vivent de leur métier. Cependant relativise-t-il, il y a des avocats dont les portefeuilles clients ne sont pas suffisamment pourvus. Il en résulte que les honoraires de l’avocat sont au prorata du nombre de dossiers qui lui sont régulièrement soumis et traités. Or, il est formellement interdit à l’avocat de requêter au tribunal. Enfin, il est loisible aux avocats qui chôment ou qui veulent changer de métier d’embrasser une autre profession. Certains deviennent conseils juridiques dans des organismes bancaires ou d’assurance, ou dans des institutions internationales. On peut même quitter la profession d’avocat. Ainsi de Maître Adrien Houngbédji et Maître Rosine Soglo, qui, après la conférence nationale de février 1990, ont préféré exceller brillamment en politique.
Encadré : Qui est l’avocat ?
Sans recourir à la définition du Larousse, le métier d’avocat est un métier libéral exercé par un juriste titulaire d’une maîtrise ou d’un master en droit qui a obtenu son Certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA). Ce juriste prête serment devant la Cour d’Appel après que son dossier ait été accepté par l’ordre des avocats en qualité d’avocat. Après la prestation de serment, il fait des stages pour renforcer ses capacités. D’après Dr. Nathaniel KITI, enseignant à l’Université d’Abomey-Calavi, il est possible d’accéder à la carrière d’avocat sans emprunter la voie classique. Cette possibilité est offerte aux agrégés en droit et les magistrats qui sont exemptés du CAPA, mais astreints au stage. L’avocat a pour fonctions, l’assistance des justiciables, la défense des justiciables, le conseil donné aux justiciables et des consultations d’ordre juridique qu’il peut donner à des personnes physiques ou morales. Il exerce donc les conseils de mandataire et de défenseur des plaideurs. Cela se manifeste quotidiennement par la présence de l’avocat à son cabinet d’abord, ensuite devant les juridictions et depuis un certain temps, sa présence au niveau des commissariats de Police où un mis en cause peut lui faire appel en vue de l’assister. Avec les nouvelles réformes, tout justiciable interpelé par la Police peut demander à être assisté d’un avocat.