Face à la déstabilisation des pratiques endogènes et l’ignorance de plus en plus fatale, certains sachant et gardiens des valeurs endogènes n’entendent pas croiser les bras. Réunis au sein du creuset « Noun dodo » avec des universitaires, ils entendent redorer le blason des savoirs ancestraux et se mettre résolument au service de leurs pairs pour une prospérité partagée. Recherches, pharmacopée, spiritualité sont leurs priorités. De quoi s’agit-il, quels sont leurs objectifs et mission et comment comptent-ils servir le Bénin et l’Afrique ? Réponse dans cette entrevue avec Simplice Adangbozin, membre fondateur et sage de « Noun dodo », spiritualiste, botaniste et chercheur en phytothérapie.
L’économiste : Présentez vous ?
Je suis Simplice Mètomègbé Adangbozin. J’ai servi 17 ans durant à la ‘’Scoa-auto’’, puis après, j’ai sollicité une mise en disponibilité pour me recourir à mes parents pour suivre de près et me faire former dans ce qu’ils font, la tradition, les savoirs et la religion endogène. Mon souci, c’est de venir au secours de mes frères en difficultés et du monde. C’est de là que je suis devenu tradi-praticien. J’ai déjà bouclé 33 ans dans la recherche et guérison par les plantes, les religions endogènes. Je suis aussi dans la spiritualité et la délivrance des âmes. Je guéris beaucoup de maladies.
Vous êtes membre d’une association ; «Noun dodo», il s’agit de quoi ?
« Noun dodo », c’est un retour aux valeurs ancestrales. Ils ont voulu que j’évolue à leur côté en qualité de conseiller. Dans l’association, il y a plusieurs étapes ou sous-regroupements. Nous avons Noun dodo, le grand ensemble, dodo Hinnou ho qui regroupe quatorze personnes, et ensuite, les sept sages dont je fais d’ailleurs partie. Dès qu’il y a un problème de santé, de société où une situation qui pourrait nécessiter notre intervention, c’est les sept sages qui se réunissent pour voir quelle solution trouver. Je dois rendre hommage ici à notre grand frère, feu professeur Jean-Marie Apovo ; le Boologue et Coovi Raymond Assogba, enseignant à l’Université d’Abomey-Calavi, membre de l’association, lui aussi boologue et pilier important de cette association qui a vu le jour depuis un peu plus de huit mois maintenant. On a commencé par se retrouver, se cultiver, partager nos connaissances et c’est ensuite on a mis en place l’association.
D’où est partie l’idée d’un tel regroupement ?
C’est depuis le dix-neuvième siècle que les choses ont commencé par chambouler en Afrique et encore plus dans notre pays. Nous avons commencé par délaisser nos valeurs ancestrales au profit de nouvelles églises. «Rien n’est là, attache-toi à Jésus », c’est le refrain. Cela a commencé par décourager et inquiéter nos parents qui sont devenus réticents à nous léguer ces valeurs dont ils se sont servis pour garder ce pays, réussir dans la vie et dans leurs entreprises. Mais nous, nous avons décidé de repartir à la source d’où, Noun dodo. Au nombre des sept sages qui portent l’association, nous avons cinq hommes et deux femmes. Il s’agit d’Achile Faladé, président, Dah Sounmalêkè, vice-président, Monsieur Missainhoun, Moi-même ; Madame Azax, Iya Alatchè Halil, les deux femmes, qui ne sont pas des moindres car, la femme est une composante non négligeable de toute initiative.
Quelles sont vos réelles missions ?
Nous allons opérer le retour à vos valeurs endogènes. On dit souvent que la médecine traditionnelle intervient là où, la médecine moderne échoue. C’est dire que toute maladie n’est pas pour la médecine moderne. Il y a donc la médecine traditionnelle qui sauve beaucoup de patients. Mais hélas, aujourd’hui, elle est ignorée de beaucoup de personnes du fait d’un mal insignifiant, on passe de vie à trépas. Il y a de ces maux qui ne doivent pas tuer mais, dont les gens meurent par ignorance. Il y en a qui vont en Europe pour des maux alors que les plantes ou les éléments qui servent à lutter contre cela, nos parents nous les ont légués. Ils n’ont qu’à nous essayer et ils se rendront à l’évidence que la médecine traditionnelle est un recours très efficace. C’est la mission de Noun dodo et nous sommes prêts à accueillir tous maux ou situations d’ordre spirituel.
Disposez-vous d’un laboratoire ?
Il y a huit mois seulement que l’association est née. Nous apprêtons tout cela de concert avec des universitaires pour la mise en place d’un laboratoire. J’ai cité tout à l’heure le professeur Assogba, spécialiste en boologie. Tout ceci se fera grâce à l’accompagnement des uns et des autres, des gens qui nous feront foi. On est ouvert, les gens peuvent nous essayer. Quand ils vont finir de faire en vain le tour de la médecine moderne pour un mal, ils n’ont qu’à venir nous voir à « Noun dodo » et contre 0F, nous allons leur prouver que la solution est à côté.
Contre 0f ?
Bien sûr, Noun dodo, c’est un regroupement de sages, de chercheurs et sachant. On a tous fini de se réaliser. L’argent n’est pas la préoccupation mais le salut de nos frères et la valorisation de nos richesses endogènes.
Noun dodo, est-ce qu’il y a d’autres aspects de nos traditions que vous comptez ressusciter notamment ces rituels abandonnés ?
Bien sûr. On parle actuellement de pandémie. Laissez-moi vous dire que ce n’est pas nouveau. Au temps de nos parents, avant qu’un mal n’arrive dans un pays, ils sont déjà informés. Ils font le tour de la ville ou des marchés pour collecter de petits sous et des boules d’akassa et la nuit, on fait des rituels pour congédier la maladie, le «azon gnin gnin », le « djo sou sou », ainsi de suite pour barrer la route au mauvais sort. C’est autant de choses que travaille déjà à ressusciter Noun dodo avec des personnes compétentes pour des résultats satisfaisants. Les choses se sont complètement détériorées et vous verrez tout le monde avec couronnes, s’autoproclamer chercheur, consultant, guérisseur juste pour la pitance et la subsistance. Ils vous prennent des fortunes et vous vendent de l’illusion or, la réalité est de l’autre côté. Si on nous en donne la possibilité, Noun dodo mettra de l’ordre dans tout ça.
En Afrique, la consultation du Fâ est une étape essentielle dans beaucoup de choses. Noun dodo s’y connait-il ?
Le Fa, c’est notre chapelet. Noun dodo, nous avons de vrai praticiens et sachant je vous ai dit, donc, on n’a pas de limite dans nos pratiques et cultes endogènes. C’est une association qui regorge de multiples compétences qui en plus, mutualisent leurs forces. Le Fâ parle du passé, du présent et du futur, Noun dodo est dans toutes ces dimensions. Si c’est pour faire une projection sur le plan astral aussi, on s’y connait. Pour mieux gérer un cas, il faut connaître son origine, sa source et le fâ est un messager. Vous comprenez avec moi qu’on ne peut pas prétendre s’intéresser à un mal comme entend le faire Noun dodo s’il n’en a pas les armes. Noun dodo, c’est toute la tradition, toutes nos valeurs dans tous ses aspects. Certes, la mort est un gain pour tout humain mais mourir par ignorance, Noun dodo vient épargner cela.
Les associations d’acteurs traditionnels, de tradi-thérapeutes, il y en a à suffisance. Comment Noun dodo compte faire la différence?
Oui, des associations, il y en a assez mais remarquez que toutes courent après l’argent mais ce n’est pas la préoccupation de Noun dodo. Noun dodo, son souci, c’est d’abord de sauver les âmes innocentes. Sices creusets à but lucratif nous laissent faire, je suis sûr que d’ici les années à venir, ils nous rejoindront dans ce combat. Il y aura un véritable changement car, Dieu nous a déjà tout donné. Vous êtes venu me voir un vendredi saint, et c’est ce jour où Jésus a rendu l’âme après avoir déclaré « tout est accompli ». Mais tout le monde n’a pas compris le sens de cette déclaration faite par Jésus. On parle aujourd’hui de pandémies, je ne parle nécessairement pas de coronavirus et tout le monde est là à regarder le ciel dans l’attente d’un Messie. Or, nous avons les plantes, n’importe quelle maladie, il y a son remède dans les feuilles. Dieu sait ce qu’il envoie et il sait aussi que nous avons la capacité de le vaincre, surtout l’Afrique qui aujourd’hui est devenu impuissante. Ça étonne Noun dodo, je ne parle pas que du Bénin car, chaque pays d’Afrique a ses potentialités et plantes. Hélas, quand le colon nous a tourné cerveau, la boussole est perdue. Plutôt que de repartir vers Noun dodo, on reste là à attendre le messie mais, pendant combien de temps allons-nous rester confinés ? Le virus qui est arrivé n’a pas demandé un temps donc, il reste là tant que nous n’allons rien faire pour le combattre. Noun dodo est prêt pour cela car, le corona virus n’est pas béninois, il n’est pas africain. Comprenez également que, qui craint un mal en souffre déjà. Donc multiplier tous vos maux par zéro et vous êtes quitte. Chaque siècle, il y a un mal qui apparaît mais, nos parents allaient contre. Certes des gens en meurent mais on ne tarde pas également à y remédier. Plutôt que de rester confinés, cherchons la solution. Noun dodo y travaille formidablement et, si on peut avoir un peu d’accompagnement, nous allons étonner le Bénin et le monde.
L’abandon de nos valeurs, nos parents et les acteurs endogènes eux-mêmes n’y sont pas pour quelques choses à vouloir tout mystifier ?
Nos grands-parents n’y ont joué aucun rôle. Si tu vas vers eux, si on te prend trop, c’est 5000 Fcfa et tu as satisfaction. Certes la vie coûtait moins chère. Mais aujourd’hui, les gens font dos à tout cela à cause de la marchandisation. L’argent est devenu la principale préoccupation. Quand tu te présentes chez quelqu’un pour un mal de ventre, il te demande 200.000 alors que tu n’as même pas 5.000 FCFA. Un malade peut trouver un tel montant où ? Comme cela, les gens sont obligés de quitter pour une religion importée et si foi il y a, ils peuvent trouver satisfaction. C’est nous-mêmes, gardiens de nos cultes et valeurs endogènes qui faisons que les nôtres nous délaissent. Il y a lieu de rectifier le tir, de sortir ça de la tête de nos parents. Tâchons de sauver d’abord les âmes et, le bénéfice est grand par la suite. Si un patient vient te voir, c’est sûrement un esprit qui l’a guidé vers toi sachant que tu as la solution à son problème. Mais quand tu commences par priser des centaines de mille, des millions, il est désorienté
N’est-ce pas un signe d’impuissance ?
Tout à fait. Du moins pour la majorité, on se dit que quand je lui aurais fixé un coût exorbitant, il ira voir ailleurs. Or ? Le travail de tradi-praticien est une chaîne. Seul, on n’est jamais assez fort. Quand tu as un cas dont le traitement te cause un peu de soucis, tu appelles un autre pour lui poser le problème et, ceux qui sont de bonne foi, spontanément, t’apportent leur appui et te font découvrir d’autres aspects du mal. C’est surtout ce que faisaient nos parents sans rien attendre mais en bénéficient énormément par la suite. Aujourd’hui, quand tu appelles quelqu’un pour avoir un appui technique conscient de ce qu’il détient la solution, c’est une condition financière il te pose. On veut profiter de tout en même temps.
Qui peut être membre de l’association Noun dodo ?
Noun dodo est ouvert à tous. On n’a pas besoin d’être tradi-thérapeute ou acteur endogène avant d’adhérer. Mais, dès votre adhésion, il y a un suivi car, d’autres viennent juste pour copier, pour se tailler quelques recettes et commencer par troubler la quiétude de la population avec solutions males cernées. On accepte tout le monde mais, on va jauger votre capacité, votre maîtrise des choses car, dans une association, tout le monde n’est pas au même diapason. On ne peut être tous puissants au même degré. C’est d’ailleurs pour cela qu’il y a Noun dodo pour tous, dodo Hinnouho puis les sept sages.
Un appel ou un mot de fin
Noun dodo invite les autorités à compter d’abord sur nos propres forces. Nous avons une force. Que les autorités soumettent à l’épreuve certaines associations pour voir si la capacité ou le savoir-faire y est.
Entretien réalisé par Bidossessi Oslo WANOU