Souvent déscolarisés et en quête de gains faciles ou rapides, plusieurs jeunes des quatre départements du nord (Alibori, Atacora, Borgou et Donga) mettent le cap vers plusieurs horizons dont le Nigéria pour des emplois. Pays où, prenant le statut de manœuvres agricoles pour la durée d’une saison agricole au moins, ils échangent leur force de travail contre soit une moto ou des appareils musicaux, selon leur préférence. Ce type d’accord ne repose sur aucune base en dehors du consentement mutuel des deux parties (exploitants agricoles / manœuvres). Une aventure qui obéit à la loi « pile ou face ».
En territoire nigérian, pays limitrophe au Bénin, ces compatriotes, jeunes pour la plupart, sont reconnaissables de par leur corps couvert de crasse de terreau. Ils sont vêtus de leur dernier uniforme Kaki : « made in Bénin » pour certains ou un tee-shirt estampillé à l’effigie du dernier collège fréquenté. Ils ont accepté le difficile choix d’abandonner champs familiaux au profit d’une aventure non sans grand risque : Un voyage des illusions qui rime avec ce fameux dicton selon lequel, « ce que vous allez chercher à un millier de kilomètres se trouve souvent à un mètre de vous ». Ces jeunes prennent des risques en abandonnant classes ou métiers d’apprentissage pour vivre loin des parents. On s’en moque ! Risque de subir tous les abus d’employeurs indélicats, qui ne respecteraient pas leurs engagements en fin campagne agricole, au risque de voir les efforts de tant de mois réduits à néant ! On s’en balance ; peu importe la suite de l’aventure. Le plus important est de faire comme les aînés qui, il ya de cela quelques années, ont pu tirer leurs marrons du feu, en ramenant avec eux, au bercail, une moto deux roues flambant neuve ou, quelques instruments de sonorisation pour certains, quelques pièces de tissus aux fins de « faire la valise » pour un mariage programmé depuis des lustres ou, encore aux fins de construire une maison. Parfois après la revente de leurs motos difficilement acquises dans le but de s’acquérir des matériaux de construction. Ces derniers sont souvent triomphalement accueillis dans le cercle familial. Prêts souvent à récidiver dans le but de s’octroyer une autre moto afin d’exercer le métier de conducteur de taxi-moto. Pendant que, ceux qui n’ont pu connaitre bonne fin de contrats, dans le but de se soustraire des railleries des amis, ou des fiancés, choisissent, malgré eux de camper dans les villages frontaliers de Kabo, ou de Tchikanda et autres, en attendant la saison nouvelle. Pour ces derniers, c’est désormais reparti pour une autre aventure qui durera également toute une année. Dans les « centres de campement la vie n’étant pas si rose pour ces pensionnaires, sans moyens personnels de subsistance, l’on vivote entre dettes contractées ou assistance des tiers ; avec le risque souvent inévitable de sombrer dans le tabagisme, l’alcoolisme ou développer de redoutables pathologies qui parfois conduisent à la mort ». Comme nous le confirment, certains aventuriers qui choisissent s’exprimer sous anonymat. A travers des propos empreints de mélancolie qui évoquent le transfert des frères originaires de certaines localités du département de l’Atacora. Pendant ce temps, des plus courageux et plus optimistes, ne cachent guère leur intention de reprendre l’expérience avec les mêmes risques, et ne rentrent aux villages qu’avec un butin. « Le courage conduit aux étoiles, et la peur à la mort », semble être la devise de ces jeunes âmes autrement fortifiées par l’expérience d’une vie dont il aurait pu se lasser, de par sa dureté.
Exode ou migrations…
Au constat, le phénomène est connu de tous les maires des communes frontalières de Nikki, N’Dali ou Ségbana dans le Borgou et l’Alibori et autres qui préfèrent ne pas en rendre publiques le statistiques. Dans la commune de Nikki même la réouverture de l’usine d’égrenage de coton, depuis le début du régime du changement n’a rien changé de l’illusoire qui hante la jeunesse. L’on estime à près de 600 jeunes gens qui franchissent en toute tranquillité et assurance les frontières nigérianes. Les échecs scolaires ou diverses contraintes seraient souvent les causes de ces, départs forcés, laissent entendre certains enseignants ou parents de candidats à ces aventures. Face à ce phénomène grandissant, le maire d’une commune frontalière du Borgou, recommande une meilleure autonomisation des ménages, l’accélération des politiques d’insertion socio professionnelle des jeunes et des opérations de sensibilisation des parents et adolescents.
Signalons que l’exode des jeunes n’est pas que masculin, elle concerne dans le département de la Donga la gente féminine souvent composée de fille-mères ou d’adolescentes déscolarisées. Cette catégorie préfère souvent les directions des grands centres économiques de Cotonou au Bénin, ou Lomé au Togo où elles exercent divers métiers de serveuses dans les gargotes et autres restaurants spécialisés dans les arts culinaires du Nord-Bénin, témoigne un responsable d’une ONG basée sur place à Djougou.
Pendant ce temps, les autorités gouvernementales, dans le cadre d’une politique de réinsertion socio-professionnelle des jeunes et des diplômés, s’échinent à envisager la création de plusieurs centres de formations techniques agricoles et de métiers à disséminer sur toute l’étendue du territoire national. N’est-ce pas que ces programmes très ambitieux devraient pouvoir impliquer d’autres acteurs sociaux des milieux ruraux de notre pays ?
Ibrahim Yarou Djibril (Coll Parakou)