Lettre ouverte du Réseau Bénin Synergies Plus (BESYP) pour défendre les droits des minorités sexuelles
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, en son article 1 déclare que “tous les êtres Humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.” Elle poursuit en son article 2 “chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamées dans la présente Déclaration, sans distinction aucune…”. Les droits Humains appartiennent donc à nous tous et toutes, indépendamment de notre orientation sexuelle et de notre identité de genre. La République du Bénin, pays de Démocratie et des droits Humains fait sien des droits énoncés dans ladite déclaration. Bien que ne reconnaissant pas de façon formelle, l’existence des personnes dites de « minorités sexuelles », il les tolère en tant que nation. Les droits humains sont un concept philosophique juridique et politique selon lequel tout être humain possède des droits universels, inaliénables quelque soit le droit positif en vigueur ou d’autres facteurs locaux tels que l’ethnie, la nationalité, la religion, le sexe. Il s’agit entre autres :
du droit à la vie ;
du droit à l’éducation ;
du droit à légalité et à la non-discrimination ;
du droit à la liberté d’opinion d’expression et d’association ; etc….
Mais force est de constater qu’au Bénin, les personnes d’orientations sexuelles différentes et du genre (Lesbiennes Gays Bisexuels Transgenre Intersexués Queer) voient fréquemment leurs droits les plus élémentaires bafoués.
Le Réseau Bénin Synergie Plus « BESYP » est le Premier Réseau des associations de personnes LGBTIQ (Lesbiennes Gays Bisexuels Transgenre Intersexués Queer) au Bénin et présent sur toute l’étendue du territoire national. Il a pour but de contribuer à l’épanouissement des minorités sexuelles et de défendre leurs droits. Il a été agréé par l’ordonnance ministérielle n°2011/0491/DEP-ALT.-LITT/SG/SAG-ASSOC du 11 Novembre 2011.BESYP sensibilise le grand public sur ce sujet encore trop souvent tabou et agit auprès des pouvoirs publics pour inscrire, dans la loi et dans les faits, des mesures visant à prévenir les violences faites aux minorités sexuelles et à protéger les victimes.
Le Réseau Bénin Synergies Plus a réalisé d’importants progrès, grâce au soutien indéfectible et à l’appui technique et financier de l’Association Béninoise pour la Promotion de la Famille (ABPF) à travers le projet PSDRS vers une égalité de traitement des minorités sexuelles, notamment à travers ses activités à caractère national pour la promotion des droits des minorités sexuelles.
En effet, Selon l’étude de suivi de cohorte pour l’estimation de l’incidence du VIH et de la taille de la population des LGBTIQ réalisée en 2015 par Plan International Bénin, la taille estimative de la population LGBTIQ au Bénin est comprise entre 6500 et 13500. Selon le recensement de la population LGBTIQ effectué par le Réseau BESYP en 2019, l’effectif de cette couche de population s’élève à douze mille sept cent vingt-cinq(12725) sans compter que le tiers de cette population subit des violences de toutes sortes de la part de la population générale (Rapport sur l’étude sur la stigmatisation et la discrimination réalisée par BESYP en 2019 et disponible au niveau du Réseu).
Selon l’Enquête de Surveillance de Deuxième Génération 2017 (ESDG 2017) réalisée par Plan International Bénin (PIB), les violences basées sur le genre (VBG) restent un déterminant clé de haute vulnérabilité du VIH et à la violation des droits de l’homme.
La proportion de HSH victime d’au moins une forme de violence est de 40,4 %. Parmi ces derniers, un HSH sur dix (10,0 %) a subi les trois violences (psychologique, verbale et physique) au cours des 12 derniers mois. (Rapport ESDG 2017)
Stigmatisation/discrimination : quatre HSH sur dix (41,4 %) ont été stigmatisés à cause de leur orientation sexuelle et les principaux auteurs sont les membres de la famille et les camarades. Les actes de stigmatisation les plus observés sont : le rejet suite aux mauvaises interprétations que les auteurs confèrent à leur orientation sexuelle. (Rapport ESDG 2017)
Sept lesbiennes sur dix (70,5 %) ont subi au moins une des trois formes de violences au cours de la période d’étude. Plus des trois quart (77,3 %) ont été stigmatisées au cours des 12 derniers mois. (Rapport ESDG 2017)
Ont été victimes de l’une des trois types de violences 41,7 % des transgenres. Les questions sur les motifs de violences, de stigmatisation et de discrimination ne sont pas assez développées car cette population reste cachée et méconnue.
Le respect des droits sexuels et reproductifs est indispensable à la dignité humaine et au bien-être physique, affectif, mental et social. Malheureusement les stéréotypes fondés sur la discrimination entre les genres et les normes en matière de sexualité et de procréation restent profondément ancrés dans les politiques des lois et les pratiques ainsi que les attitudes et pratiques plus générales de la société.
Les minorités sexuelles ont le droit d’avoir le contrôle et de décider librement et de façon responsable des questions liées à la sexualité, y compris la santé sexuelle et reproductive, à l’abri de toute contrainte, de toute discrimination et de toute violence. Cette dernière condition entend de manière implicite le droit des minorités sexuelles à être informées et à avoir accès à des méthodes de planification familiale de leur choix qui sont sûres, efficaces, abordables et acceptables. Mais les minorités sexuelles au Bénin, du fait de la discrimination, éprouvent de la réticence à aller dans les centres pour les services liés à leur santé sexuelles et reproductive. La santé sexuelle des groupes de minorités sexuelles au Bénin est encore méconnue et souvent menacée par la discrimination.
Certains défis devront encore être relevés dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et du travail, de la santé, de la famille, de l’accueil et de l’intégration, des discriminations, des discours de haine, de l’égalité des droits des personnes LGBTIQ :
Mettre fin aux violences faites aux minorités sexuelles
Nous demandons de mettre fin aux violences faites aux minorités sexuelles.
La stigmatisation et la discrimination des minorités sexuelles, en d’autres termes l’homophobie, conduisent à une marginalisation de ces derniers qui les confine dans le silence et la clandestinité. Alors que la prévalence du VIH chez les LGBTIQ est considérablement plus élevée que dans la population générale, cette marginalité crée des obstacles dans l’accès au dépistage du VIH, à l’information, aux moyens de prévention, aux soins, aux traitements et aux services d’appui et, par conséquent, augmente les risques de transmission du VIH. Les violences contre les minorités sexuelles sont des actes motivés par la haine de l’orientation sexuelle, de l’orientation affective ou de l’identité de genre des personnes qui en sont victimes. Beaucoup de témoignages, notamment ceux que BESYP recueille et publie, confirment que cette réduction de violence est importante pour la reconstruction psychologique des victimes de violences basées sur leur genre.
Mettre fin à la pratique de correctionnalisation
Nous demandons également que le système judiciaire mette fin à la pratique de correctionnalisation des abus qui consiste à juger un abus comme un délit. Ce phénomène très répandu a des conséquences dramatiques pour les victimes (minimisation des faits, baisse des dommages et intérêts, absence de protection…) et sur la société tout entière (banalisation du viol, augmentation des violences, favorisation de la récidive, perte de confiance dans la justice…).
Actuellement le juge peut correctionnaliser et la victime doit s’y opposer explicitement. Or, la victime ne devrait pas avoir à faire ce choix. D’où la nécessité d’une prise de conscience se traduisant par une volonté politique avec des moyens et des directives. La chaine judiciaire doit être au service des citoyens et la loi appliquée strictement pour une meilleure protection des victimes.
Informer et prévenir
Par ailleurs, le Réseau BESYP souhaite que les mesures de lutte contre les violences faites aux minorités sexuelles soient mises en place et poursuivies, notamment avec la mise en place d’une enquête de moralité et des actions de formation en direction des intervenants auprès des minorités sexuelles.
Accompagner les minorités sexuelles victimes de violence
Pour que l’accompagnement soit efficace, il est indispensable que tous les intervenants dans la prise en charge des cas de violences basées sur le genre se mettent en réseau ou plateforme. Tout soutien doit se faire dans le respect de la victime, dans la confidentialité et dans un climat de confiance.
Il est absolument indispensable que les victimes de violences bénéficient de:
– prise en charge psychologique ;
– prise en charge sociale ;
– prise en charge juridique et médicale.
Aller plus loin
La peur et la honte doivent changer de camp et rester réservées aux agresseurs exclusivement. La défense des minorités sexuelles et leur protection, doit être inscrite dans la Loi et accompagnée des mesures adéquates de prévention et de santé publique pour qu’enfin on puisse dire que le Bénin fait tout ce qui est humainement possible pour protéger les minorités sexuelles. La prise du décret sur la loi SSR s’avère d’une importance capitale pour tous et particulièrement pour les minorités sexuelles.
Les stigmatisations et discriminations contre les minorités sexuelles sont une réalité inacceptable de notre société et il est nécessaire de les condamner sans équivoque. Mais Parce que la seule condamnation ne saurait suffire, nous vous adressons cette lettre ouverte.
Nous affirmons en effet qu’il est du devoir des pouvoirs publics de prendre toutes les mesures pour faire reculer les violences faites aux minorités sexuelles. Un véritable plan d’actions s’impose et devrait prendre en compte :
En direction des victimes, un accueil bienveillant dans les commissariats de police avec la nomination de référents spécifiques formés à ce type d’agressions et un protocole prévoyant une information sur les coordonnées des associations locales des minorités sexuelles et d’aide aux victimes.
Dans le domaine de la justice, une meilleure prise en compte du caractère homophobe des actes de violence, circonstance aggravante prévue dans le code pénal mais trop rarement retenue.
Dans le domaine de la prévention, une meilleure prise en compte de cette problématique au sein des formations des personnels des services de l’état (police, justice, éducation nationale et services sociaux).
Dans le domaine de l’éducation, la promotion de campagnes de sensibilisation sur les droits humains et droits sexuels reproductifs, la tolérance à accepter la différence de l’autre dans les écoles, les collèges, les lycées, les centres de formation professionnelle sans oublier les clubs sportifs.
Dans le domaine du numérique, une surveillance et une lutte accrue contre les propos homophobes contre les minorités sexuelles sur internet.
Dans le domaine de la sensibilisation de l’opinion publique, le lancement d’une campagne sur l’homophobie contre les minorités sexuelles et leurs conséquences dramatiques.
Au niveau des mairies, l’implication des minorités sexuelles dans les Plans de Développement Communaux et des programmes communaux de lutte contre le VIH/Sida et de promotion des droits humains.
Il est urgent d’agir : la lutte contre l’homophobie, la violence basée sur le genre des minorités sexuelles doit devenir une grande cause nationale avec les moyens qui correspondent et avec un véritable partenariat avec les associations qui s’engagent contre ces discriminations.
La République est une et indivisible. Au grand souhait de votre compréhension et de votre accompagnement, nous vous prions, Excellences Mesdames et Messieurs les autorités à divers niveaux, de croire à notre détermination à lutter contre ces discriminations.
Veuillez recevoir Chères Autorités, l’expression de nos salutations les meilleures.
Pour le Réseau Bénin Synergies Plus
Ampliations :
Ministre de la Justice et de la Législation (MJL)
Ministre de la Décentralisation et de la Gouvernance Locale (MDGL)
Ministre de la Santé (MS)
Association Nationale des Communes du Bénin (ANCB)
Copies vers :
Mairie de Cotonou
Mairie de Porto-Novo
Mairie de Parakou
Mairie d’Abomey-Calavi
Mairie d’Abomey
Mairie de Bohicon