(Maïs au Bénin : la guerre des chiffres!)
Le Bénin n’est pas en sous-production en ce qui concerne le maïs. Les spéculations en cours qui impactent le prix avec un enchérissement devenu critique tiennent de raisons exogènes. Sur la chaîne de télévision nationale, Gaston Cossi Dossouhoui, ministre de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche a exposé les cas de figure qui peuvent impacter le coût de cette céréale au Bénin et les mesures en cours pour le maîtriser.
Jules AFODJI
« Cette campagne, nous sommes montés à 1.800.000 tonnes (…) Les besoins nationaux en consommations humaine et animale s’établissent autour de 1.000.000 de tonnes. Donc, il y a un surplus qui peut faire l’objet de beaucoup de transactions ». On note ainsi un dépassement de la production nationale, ce qui amène à s’interroger sur les réels mobiles de la cherté. Selon le MAEP, il y bien des raisons internes qui l’expliquent. « La première raison, à la faveur des décisions prises d’interdire les importations de produits carnés à base de volaille, les éleveurs ont commencé par faire beaucoup de réserve stratégique pour pouvoir alimenter les bactéries de poulets ». Une situation favorable au commerçant, d’où la spéculation. « Ils captent beaucoup et stockent en attendant que les prix grimpent davantage ». Il y a par ailleurs, des raisons exogènes qui justifient cette crise spéculative. C’est la montée de cette spéculation dans tout le Sahel où la consommation de maïs est importante et pour combler le gap, il faut en prélever au niveau des pays côtiers. Mais l’insécurité sur les côtes appelle à plus de vigilance. Le Bénin offrant le corridor le plus sécurisé, il y a donc de raison qu’il soit la cible de cette demande. En plus du Niger, il faudra également fait face aux sollicitations du Nigéria selon le ministre qui fait observer : « Le Nigéria avec sa production aussi massive de volaille ne peut se passer du maïs béninois. Quand vous regardez toutes ces pressions de part et d’autre, il se pose aujourd’hui un problème sur l’offre et la demande ». Il y a lieu donc d’agir et le Bénin n’a pas croisé les bras. La situation s’était déjà posée il y a deux ans et en ce moment, le Bénin avait décidé de protéger le marché domestique, laquelle mesure n’avait pas été comprise. C’est pourtant une règle de commerce international et régional que face au problème de sécurité alimentaire à l’interne, les pays ont la possibilité de gérer et réguler le marché intérieur. Dans ce contexte, cette mesure s’impose donc à nouveau semble insinuer le ministre. Il a ensuite appelé à maximiser la production, « produire et produire davantage ». Pour cela, le gouvernement fait de son mieux pour accompagner les producteurs. « Nous avons essayé au cours de cette campagne d’apporter des semences à rendement plus élevé, des semences hybrides ». L’objectif est d’accroître le rendement. Au fait, confie le ministre de l’agriculture car, « Là où les gens ont une tonne, deux tonnes à l’hectare, si vous mettez l’hybride et si vous mettez les engrais qu’il faut, vous aurez au moins, 4 tonnes, 5 tonnes », a martelé Gaston Dossouhoui.
(Guerre de chiffres entre le ministre Cossi Dossouhoui et la DSA/MAEP ?)
Dans son intervention, le ministre rapporte une production de 1.800.000 tonnes pour la saison écoulée. Un chiffre qui va contre les statistiques officielles de la Direction des statistiques agricole (DSA) du ministère qu’il dirige. Selon le document « LES CHIFFRES DEFINITIFS DE LA CAMPAGNE AGRICOLE 2023-2024-DIRECTION DE LA STATISTIQUE AGRICOLE (DSA), MAEP. COTONOU, BÉNIN. MARS 2024. », à ses pages 3 et 4, le Bénin produit en 2023, 2.059.254 tonnes de maïs. C’est dire que le pays a largement dépassé son besoin (1000.000 tonnes selon le ministre) qui a plus que doublé. Est-ce donc à dire que le pays exporte plus de quantité qu’il y en a à l’intérieur ? En tout cas, la confrontation des chiffres officiels à ceux du ministre » laisse transparaitre des non-dits et amène à douter sur la réalité des statistiques vendues à l’emporte pièce par le gouvernement ou ses démembrements ou institutions. Un pays qui présente plus du double de la demande en offre, devrait voir les prix drastiquement en baisse et non en forte spéculation. Le discours de Gaston Cossi Dossouhoui peine ainsi à convaincre. Le gouvernement devrait dès lors, en lieu et place des explications, prendre au plus vite les mesures idoines pour faciliter la tâche aux populations, en prenant le contrôle du marché et en limitant la forte spéculation qui assèche et secoue les bourses des populations moyennes et pauvres. L’heure ne devrait pas être à la guerre des chiffres.