Ives Rosenfeld Kossou, Administrateur des finances de formation avec plus de 10 ans d’expérience aborde dans cet entretien, le rôle de l’assurance pour les biens et les personnes.
L’économiste : Que retenir en bref du secteur des assurances des biens et des personnes?
Ives Rosenfeld Kossou : Il faut noter qu’il y a deux grandes branches dans le secteur des assurances à savoir : l’assurance-vie d’une part et l’assurance non vie d’autre part. Il y a une grande distinction entre les deux branches. Il y a le principe de spécialisation qui veut qu’une structure d’assurance se spécialise dans une branche déterminée. La première branche, qui est l’assurance non vie c’est dans cette branche que nous retrouvons les risques IARDT (Incident, Accident, Risque divers et Transport). Donc, c’est la branche qui s’occupe de l’assurance des choses. La seconde branche qui est la branche vie s’occupe de l’assurance de la vie, l’assurance des personnes. Voilà ce que je peux dire de façon globale.
Que peut-on retenir de la première branche assurance non vie?
Comme je viens de le dire dans la branche assurance non vie, vous verrez, (IART) (Incident, accident, risques divers et transport). Quand on parle de l’assurance, ce que nous voyons tous, c’est accident de voiture, des motos. Mais ce n’est pas que ça. Il y a également tout risque qui pèse sur les autres secteurs d’activités. L’assurance prend en charge ces risques-là. Dans le domaine des BTP, il y a beaucoup de risques que l’assurance non vie prend en charge. Il y a également les risques divers et dans ça, c’est souvent les gens qui voyagent qui s’assurent. Ce que nous appelons souvent assurance voyage, assurance multi risques professionnels pour les chefs d’entreprises. Dans la construction d’un immeuble, il peut y avoir des risques. C’est l’assurance non vie qui prend en charge ces risques-là. Quand on parle de l’assurance, ce sont des risques qu’on prévoit.
Qu’en est-il des risques divers ?
Dans les risques divers on peut citer les multi risques professionnels, pour les entreprises pour couvrir les risques éventuels lors des grands travaux. Je viens de parler d’incident. Dans un grand bâtiment, il y a tout un circuit, on regarde un peu, quand on parle de l’assurance, c’est des risques qu’on prévoit, un jour, il peut avoir un incendie, donc, c’est l’assurance des risques divers qui permet de couvrir tous ces risques-là.
Quel avantage a un citoyen en souscrivant à une police d’assurance ?
Je vais simplement dire que dans nos pays africains, notamment au Bénin, il y a la culture de l’assurance qui n’est pas encore très visible ou développée. Nous disons que le taux de pénétration est très faible et déjà, on se dit que l’assurance n’a pas un avantage ou ne sert à rien. C’est souvent, ce que tout le monde dit. Mais de nos jours, on voit que celui qui se lève pour prendre une assurance, c’est une perte d’argent. De par son rôle de protection sociale, l’assurance permet de se prévenir de certains risques. Quand on est dans une activité, il y a beaucoup de risques qui nous entourent. Donc nous ne voyons souvent pas l’importance de l’assurance. C’est quand on se retrouve dans la situation même et que l’assurance intervient une fois qu’on reconnaît son importance. Je donne un exemple très simple. Dans le cas général, l’assurance non vie court sur une période d’une année et si au cours de l’année on n’a pas de sinistre ou d’accident, on se dit qu’on a perdu de l’argent. Ce que nous appelons, sinistre, c’est quand le risque se réalise qu’on parle de sinistre. C’est le cas d’un accident par exemple. Si au cours d’une année il n’y a pas de sinistre, ont dit qu’on a perdu de l’argent.
L’assurance est une mutualité. Au moment où je paie l’assurance sur une année, et que je n’ai pas de sinistre, dans le même temps, il y a d’autres qui ont de sinistres. Donc, la mutualité va permettre que ces gens soient indemnisés. Je viens dans une compagnie d’assurance pour assurer ma voiture, et la prime que nous payons tourne autour de 60.000 FCFA et si un accident de circulation survient, l’assureur peut être amené à dédommager les assurés sur un montant de 5.000.000 FCFA. Ça peut arriver. Donc, la prime que nous payons est juste une prime de 60.000 FCFA. L’assureur qui est amenée à indemniser ses assurés à hauteur de 5.000.000 et on peut se demander mais où est-ce qu’il a pu trouver l’argent ? Ce n’est rien d’autre que la mutualité. Voilà les subtilités de l’assurance. Pour le commun des mortels, l’assurance est une perte d’argent mais, il faut vraiment se retrouver dans la situation pour comprendre effectivement l’importance de l’assurance notamment l’assurance non vie que nous appelons IARDT.
Quelle est la procédure pour bénéficier d’une protection de l’assurance en cas d’un sinistre ?
Il faut préciser que l’assurance est un secteur très règlementé. Il y a le code CIMA qui a prévu un certain nombre de règles qu’il faut respecter dans le secteur. Le législateur a instauré des mécanismes de contrôle qui obligent l’assureur à respecter les règles de transparence dans le processus d’indemnisation des victimes. A cet effet, que ça soit les procédures d’indemnisation, les règles de fixation des primes d’assurance, la règlementation est claire sur ça. Si les étapes ne sont pas respectées, que ça soit, du côté des assurés ou des assureurs, les questions de vices de procédures peuvent retarder l’indemnisation. Pour répondre à votre question, il est prévu des étapes, des formalités élémentaires qu’il faut suivre en cas d’un sinistre. Si un accident de circulation survient, le premier réflexe, c’est de faire le constat et aller faire la déclaration à la maison d’assurance. La police ayant fait le constat envoie son procès-verbal. Dans les cas d’accident, il y a toujours quelqu’un qui a mal conduit et quelqu’un qui a raison. L’assureur instruit le dossier. Il y a également des pièces qu’il faut mettre à la disposition de l’assureur. Le PV de constat est envoyé entre temps à l’assureur et à partir de là, on regarde qui a raison, qui a tort.
Il faut souligner simplement que dans l’assurance si l’autre n’a pas raison, son assureur vient pour couvrir les dommages causés. C’est vrai que dans l’assurance, il y a plusieurs risques qui sont souscrits mais ce que nous connaissons habituellement c’est la responsabilité civile. Donc si l’autre partie n’a pas raison, son assureur répare les dommages causés et vice versa. Si tout est vérifié et finalisé, alors la victime est appelée pour rentrer dans ses droits. C’est vrai que par moment cela prend un peu de temps. Et c’est par là qu’on dit que les assureurs ne respectent pas les engagements. Mais ce n’est pas souvent le cas. Parce qu’il est prévu un certain nombre de choses dans le règlement du sinistre. Si ces formalités ne sont pas accomplies par la victime, il n’y aura pas règlement du sinistre. Il est bien prévu, un certain nombre de choses dans le code CIMA. Dans un accident par exemple, il y a plusieurs personnes qui sont impliquées. Il a des fois où la victime n’a aucune pièce ou bien c’est un document qu’on demande et que la victime ne produit pas. Cela prend un peu de temps et c’est par là qu’on dit que le règlement du sinistre prend du temps. Voilà un peu les problèmes au niveau des assureurs et des assurés que nous pouvons dire.
Nous avions appris qu’il y a une augmentation des frais d’assurance. Est-ce vrai ?
En réalité il faut dire qu’il n’y a pas une augmentation des frais en tant que tel. Je viens de dire que le secteur des assurances est un secteur très réglementé. Dans toute corporation il y a toujours des maldonnes. Au regard de la concurrence qui s’organise dans le secteur, il y a des compagnies d’assurance qui arrangent souvent les coûts. Il faut reconnaître qu’il y a des arrêtés ministériels qui ont fixé les niveaux de primes que tous les assureurs doivent respecter. Vu qu’il n’y avait pas un contrôle au niveau des primes que les assureurs appliquent, certains allaient dans tous les sens. Cette année 2021, le Ministère des finances a rappelé tout le monde à l’ordre. Et c’est ça qui s’impose à tous les assurés que nous sommes : le respect des tarifs et des primes. Partant de là, la population ne peut que voir une hausse des primes d’assurance. Si non en réalité, ce n’est pas que les compagnies se sont levées du jour au lendemain pour augmenter les primes d’assurance. Mais c’est juste un rappel à l’ordre qui a amené toutes les compagnies d’assurance au respect des tarifs règlementaires. Donc, on ne peut pas appeler ça une augmentation des primes d’assurance. Mais c’est la loi du marché et aujourd’hui, je vous assure que cette mesure va quand même corriger la concurrence si on peut l’appeler déloyale.
Peut-on dire que le secteur des assurances a été touché par la pandémie du coronavirus ?
Il faut dire que la pandémie du coronavirus a un effet négatif sur tous les secteurs et l’activité économique en général. Quand on parle d’activité économique, on peut citer les banques et les compagnies d’assurance qui financent l’économie. Les compagnies d’assurance sont des structures à capacité de financement. De par leur capacité de mobilisation de l’épargne nationale, les compagnies d’assurance comparées aux banques, sont touchées dans leur capacité de financement.
La réglementation impose aux compagnies d’assurance d’avoir un matelas financier suffisant. Et c’est cela qui fait que les compagnies d’assurance font souvent des placements très importants pour pouvoir assurer l’équilibre entre les engagements financiers et leurs actifs représentatifs. Si les compagnies d’assurance ne collectent pas de fonds, elles ne peuvent pas avoir une augmentation du chiffre d’affaires et par ricochet injecter de l’argent dans l’économie ou constituer l’épargne nationale. Et donc ne pourront pas se hasarder à faire des placements. Voilà comment le coronavirus a agi négativement sur la bonne marche des activités économiques. C’est clair que la pandémie du coronavirus a eu un impact négatif sur l’activité des compagnies d’assurance.
Quel est le rôle essentiel d’une compagnie d’assurance ?
Nous pouvons dire que le rôle traditionnel d’une compagnie d’assurance, c’est sa capacité à mobiliser de l’épargne dans l’économie. Les obligations ou emprunts obligataires qui sont lancés souvent par les Etats, c’est souvent à l’endroit des compagnies d’assurance et ces obligations sont émises par les Etats pour engager les travaux de construction, pour les travaux publics. Les compagnies d’assurance arrivent à mobiliser une grande partie de leurs ressources en vue de souscrire à ces titres. A part cela, le rôle institutionnel d’une compagnie d’assurance, c’est la protection sociale dans un pays. Car souvent il y a des sinistres qui touchent la population et si ces risques ne sont pas couverts, je ne sais pas si un individu peut se lever et dire qu’il a les moyens pour réparer certains dommages d’envergure. Donc, ce sont les compagnies d’assurance qui jouent le rôle de protecteur social. Si nous parlons de protection sociale, nous pouvons trouver plusieurs éléments à titre illustratif.
Le secteur des compagnies d’assurance offre-t-il des opportunités aux jeunes ?
Il y a toujours des opportunités dans le secteur des assurances. D’abord, c’est un secteur fermé du point de vue fonctionnement.
Il y a ce que nous appelons, l’inversion du cycle de production qui marque la particularité du secteur. Dans une entreprise classique, quand il arrive les moments de faire les prévisions des ventes, on part d’abord des charges. Nous partons du point A qui est l’achat pour aller au point B qui est la vente. Dans les compagnies d’assurance on part du point B pour le point A. C’est-à-dire les compagnies d’assurance vendent d’abord le produit et on fixe le prix de vente pour venir au coût d’achat. Quand quelqu’un vient souscrire à une police d’assurance nous savons déjà combien cela coûte. La prime c’est souvent entre 50.000 et 70.000 FCFA. Après si nous sommes là, un à deux mois après le sinistre peut survenir, et on fait l’éventaire, l’assureur peut se retrouver à 5.000.000 FCFA. Vous convenez avec moi que c’est après avoir vendu son produit que l’assureur se rend compte du coût de revient. C’est l’inversion du cycle de production et c’est le premier aspect. Par ailleurs, en assurance nous évoluons dans un référentiel qui est le code CIMA.
N’’ayant pas encore suffisamment la culture de l’assurance, je trouve que les jeunes peuvent y saisir aujourd’hui, beaucoup d’opportunités, identifier d’autres débouchés connexes pour s’occuper.
Que diriez-vous pour conclure ?
Je vais dire que l’Etat a un grand rôle à jouer dans le développement du secteur des assurances. Il faut vraiment informer la population sur l’importance de l’assurance. L’importance de l’assurance on ne cessera jamais de le souligner. C’est vrai sur le marché, il y a des maldonnes. Les compagnies d’assurance n’ont pas le droit de garder ce qui revient aux victimes. La Caisse de dépôt et de consignation du Bénin est une structure qui montre aujourd’hui que les fonds qui sont destinés aux assurés n’appartiennent pas aux compagnies d’assurance. Il est dit que les fonds destinés aux victimes non identifiées ou bénéficiaires non retrouvés doivent être transférés à la Caisse de dépôt et de consignation après un certain nombre d’années. A ce titre, les compagnies d’assurance ne doivent pas être considérées comme des structures avec moins de sérieux. Nous devons poursuivre la sensibilisation, les campagnes d’informations pour toucher les populations qui se trouvent encore dans l’incertitude. Les compagnies d’assurance jouent toujours leur rôle de protection sociale. A l’interne, au niveau de chaque compagnie d’assurance des efforts doivent se faire pour augmenter la crédibilité des assureurs. J’invite donc la population à faire confiance davantage aux compagnies d’assurance et à donner plus de priorité à l’assurance.
Propos recueillis par Abdul Wahab ADO