Après les récents mouvements d’activistes réclamant la fin du Franc CFA en Afrique, des économistes et universitaires de renommée mondiale, appellent aussi les dirigeants africains à faire passer le continent à l’âge de maturité. Au nombre de cinq cents (500), ceux-ci restent convaincus qu’il n’y a pas de développement sans autonomisation.
Sylvestre TCHOMAKOU
En droite ligne de la première conférence sur « la quête de la souveraineté économique et monétaire en Afrique au XXIe siècle », tenue du 06 au 09 novembre 2019 à Tunis ; de la déclaration des intellectuels africains et celle des féministes africaines, 500 économistes et universitaires de renommée mondiale appellent à repenser la stratégie de développement de l’Afrique. Ceci, après des décennies d’échecs socio-économiques coloniaux et postcoloniaux. Intervenant dans un contexte où la pandémie du coronavirus a mis en évidence les carences économiques de l’Afrique et ses vulnérabilités structurelles, cet appel soutient que « l’Afrique a la capacité d’offrir une qualité de vie décente à tous ses habitants ». Pour les signataires de cette note, « des décennies de dislocation socio-économique coloniale et postcoloniale, exacerbées par des politiques de libéralisation économique, ont plongé les pays africains dans un cercle vicieux entretenu par plusieurs problèmes structurels, parmi lesquels, l’absence de souveraineté alimentaire, l’absence de souveraineté énergétique, et des industries manufacturières et extractives à faible valeur ajoutée ». Ces trois facteurs, à les en croire, sont à la base de la baisse du taux de change des Etats africains, et augmentent la facture des importations de produits de première nécessité sur le continent. Ce qui amène les dirigeants à contracter de manière régulière des prêts pour permettre à leurs monnaies de tenir par rapport au dollar américain et à l’euro. Mieux, précisent-ils, « les conditionnalités du FMI et des créanciers internationaux se concentrent généralement sur cinq stratégies économiques problématiques et infructueuses : une croissance tirée par les exportations, la libéralisation des investissements directs étrangers (IDE), une promotion excessive du tourisme, la privatisation des entreprises publiques, et la libéralisation des marchés financiers. Chacune de ces stratégies est un piège déguisé en solution économique ».
Rompre avec le modèle de développement habituel
Voyant en ces réalités les causes de la léthargie chronique et sans assurance de l’Afrique, il s’avère donc impérieux d’opérer de profondes réformes structurelles afin de renforcer la résilience des sociétés africaines face à la covid-19 et après la pandémie. C’est à ce titre qu’ils appellent à travers leur note, à rompre avec le modèle de « développement économique fondé sur le principe de la course vers le bas au nom de la concurrence et de l’efficacité ». « Nous appelons les États africains à élaborer un plan stratégique axé sur la reconquête de leur souveraineté économique et monétaire, qui doit inclure la souveraineté alimentaire, la souveraineté dans le domaine des énergies (renouvelables) et une politique industrielle centrée sur un contenu manufacturier à plus forte valeur ajoutée. L’Afrique doit mettre un terme au type de développement économique fondé sur le principe de la course vers le bas au nom de la concurrence et de l’efficacité. Les partenariats commerciaux régionaux au sein du continent doivent être basés sur des investissements coordonnés visant à former des liens industriels horizontaux dans des domaines stratégiques tels que la santé publique, les transports, les télécommunications, la recherche et le développement, et l’éducation », peut-on lire dans la note. Ainsi, de plus en plus, des voix internes comme externes se lèvent pour appeler à un changement de paradigme de développement en Afrique.