Les défenseurs des droits du climat et de l’environnement viennent d’accuser l’Union européenne (UE) de vouloir « gazer » l’Afrique et de l’enfermer dans un cycle éternel des combustibles fossiles, après la reclassification le mois dernier du gaz et du nucléaire comme des énergies vertes.
Issa SIKITI DA SILVA
La décision quelque peu controversée des eurodéputés de classer officiellement le gaz et le nucléaire sur la liste des énergies durables dans l’UE permettrait d’y attirer les investissements publics et privés et les rendre éligible aux prêts et subventions, précipitant ainsi les investisseurs occidentaux de ces secteurs vers l’Afrique.
La guerre russo-ukrainienne a poussé les européens à jeter un deuxième regard vers les ressources énergétiques africaines, dans le cadre de sa recherche d’autres alternatives énergétiques pour se défaire complètement du gaz russe. Ainsi, plusieurs accords de coopération énergétique ont été signés entre les européens et certains Etats africains, qui vont bénéficier de centaines de millions de dollars d’investissement.
Cependant, les militants de l’environnement sont le vent debout, exprimant leur inquiétude quant aux conséquences dramatiques que cela pourrait avoir sur la prospérité future de l’Afrique. Selon 350.org, une organisation de défense de l’environnement basée à Nairobi et à Johannesbourg, cela risquerait d’enfermer massivement les actifs et d’endommager les perspectives de développement, tout en donnant la priorité aux exportations vers l’Europe et le Nord.
L’UA complice ?
Des échos provenant d’Addis-Abeba ont laissé entendre qu’un comité technique de l’Union africaine (UA) – composé de ministres de l’énergie et non des experts du climat – a récemment proposé une « Position commune africaine sur l’accès et la transition énergétiques ».
Cette position, rapporte-t-on, qui est centrée sur le gaz fossile et l’énergie nucléaire, au détriment des énergies renouvelables, est proposée pour être adoptée et lancée par les chefs d’État africains en Egypte au mois de novembre pendant la COP27.
« Ensemble, ceux-ci ouvriraient la voie aux pourparlers sur le climat de la COP27 en Égypte pour annoncer un effort massif visant à accroître la production de gaz fossile en Afrique, détournant ainsi l’attention du besoin évident d’énergies renouvelables et enfermant le continent dans les combustibles fossiles pour les décennies à venir, tout en déplaçant de dangereuses technologies nucléaires dont les Européens ne veulent pas sur le sol africain », a souligné l’organisation dans un communiqué.
A en croire 350.org, cela pourrait nuire à la crédibilité de la COP27 et à la viabilité des objectifs climatiques mondiaux tels qu’énoncés dans l’Accord de Paris.
« En tant que citoyen africain concerné, il est totalement inacceptable que les dirigeants africains accordent la priorité au gaz alors que des millions de personnes les plus durement touchées par la crise climatique en cours ont du mal à s’adapter aux réalités dévastatrices du changement climatique », a déclaré Charity Migwi, chargée de campagne régionale pour l’Afrique chez 350.org.
« Le développement du gaz enfermerait non seulement les nations africaines dans la production de combustibles fossiles, mais saperait également tout plan visant à réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre dans le but de faire baisser les températures », a-t-elle ajouté.