L’Enquête sur le budget ouvert révèle des avancées, mais aussi des points d’attention et des reculs du Bénin en termes de disponibilité d’informations, de participation du public au processus budgétaire et du rôle des institutions formelles de contrôle.
Aké MIDA
Scores : 79 sur 100 pour la « Transparence », 31 sur 100 pour la « Participation du public » et 61 sur 100 pour le « Contrôle ». Telles sont les notes obtenues par le Bénin sur les trois dimensions de l’Indice du budget ouvert (Ibo) de l’International Budget Partnership (Ibp), à l’issue de l’édition 2023 de l’Enquête sur le budget ouvert (Ebo) menée dans 125 pays. L’Ebo a mesuré des faits observables à l’aide de 145 indicateurs notés par des experts indépendants en matière de budget. Elle a évalué les documents publiés et les événements, les activités ou les développements qui ont eu lieu jusqu’au 31 décembre 2022.
Le Bénin a largement franchi le seuil de transparence budgétaire fixé à 61 pts sur 100, en se hissant à la 9e place dans le monde et au 2e rang en Afrique après l’Afrique du Sud. En fait, le score flatteur du Bénin émane de l’accroissement de la disponibilité des informations budgétaires à travers la publication en ligne du Rapport d’audit, de l’augmentation des informations fournies dans le Projet de budget de l’Exécutif et l’augmentation des informations fournies dans la Revue de milieu d’année, fait observer Jean-Pierre Dégué, évaluateur indépendant Ibp, secrétaire exécutif de Social Watch Bénin.
Cependant, relativise-t-il, des efforts restent à faire en termes de l’exhaustivité des données ou de la qualité de certains des documents. Le Bénin devrait donner à l’amélioration de l’exhaustivité du Rapport d’audit en y incluant les audits des fonds extrabudgétaires relevant du mandat de la Cour des Comptes, ainsi qu’une note de synthèse, recommande le Rapport Ebo 2023.
Associer le public
Quinzième dans le monde et 4e en Afrique, le Bénin devra combler le fossé en matière de « Participation du public », qui évalue les possibilités formelles offertes aux citoyens pour une participation significative aux différentes étapes du processus budgétaire, volet pour lequel il a eu la plus faible note (31/100). Examinant les pratiques de l’Exécutif, du Législatif et de l’Institution supérieure de contrôle des finances publiques qu’est la Cour des comptes, l’Ebo note que le ministère de l’Économie et des Finances du Bénin a mis en place des délibérations pré-budgétaires pendant l’élaboration du budget et l’Assemblée nationale du Bénin a initié des audiences publiques pour l’approbation du budget annuel.
Cependant, le ministère devra renforcer davantage la participation du public au processus budgétaire, en donnant la priorité au pilotage des mécanismes de suivi de l’exécution du budget tout au long de l’exercice budgétaire, à l’élargissement des mécanismes durant l’élaboration du budget qui associent toute organisation de la société civile (Osc) ou tout membre du public qui souhaite y participer, conseille Jean-Pierre Dégué, se référant aux recommandations du rapport. Il devra aussi faire participer activement les communautés vulnérables et sous-représentées, soit directement ou par l’intermédiaire des Osc qui les représentent, ajoute-t-il.
Quant au Parlement, il devrait permettre à tout membre du public ou à toute organisation de la société civile de témoigner lors des débats sur la proposition de budget avant son approbation ou sur le rapport d’audit.
La Cour des comptes, pour sa part, est exhortée à mettre en place des mécanismes formels permettant au public de l’aider à développer son programme d’audit et de contribuer aux enquêtes d’audit nécessaires.
Concernant le volet « Contrôle budgétaire », le Bénin est 36e sur 125 pays 3e en Afrique après l’Afrique du Sud et l’Ouganda. Il est noté que le pouvoir législatif et la Cour des comptes assurent ensemble un contrôle suffisant au cours du processus budgétaire.
Dispositif à renforcer
Pris individuellement, le degré de contrôle est évalué à 67 sur 100 pour l’Assemblée nationale qui assure un contrôle suffisant pendant la phase de planification du cycle budgétaire et le contrôle suffisant pendant la phase d’exécution et juste 50 sur 100 pour la Cour des comptes.
Pour améliorer le contrôle budgétaire, l’Ibp estime que les commissions parlementaires doivent examiner le Projet de budget de l’Exécutif et publier en ligne les rapports contenant leurs analyses. Dans la pratique, détaille M. Dégué, il est question de veiller à ce que le pouvoir législatif soit consulté avant que l’Exécutif ne transfère des fonds entre les unités administratives spécifiées dans le budget adopté au cours de l’exercice budgétaire. Aussi, une commission parlementaire doit-elle examiner le rapport d’audit et publier un rapport avec ses conclusions en ligne.
Quant à la Cour des Comptes, elle est appelée à publier ses rapports annuels 2022 et 2023 sur son site web. La publication des actes et décisions de la Cour vise à informer le public sur la gouvernance et la gestion des fonds publics conformément au code de transparence dans la gestion des finances publiques. Il s’agira aussi de veiller à ce que les processus d’audit soient examinés par une agence indépendante et de créer des passerelles d’interaction avec les Osc dans le cadre de sa stratégie de communication.
Pour renforcer l’indépendance et d’améliorer le contrôle de l’audit par la Cour des Comptes du Bénin, les ministères sectoriels sont appelés à produire et transmettre à la bonne date (le 30 juin au plus tard), les Rapports annuels de performance (Rap) et tous les autres documents qui doivent permettre à la Cour des Comptes d’exercer sa mission de contrôleur général des dépenses publiques.
Après avoir partagé les résultats de l’enquête avec les parties prenantes, mercredi 5 juin à Cotonou, la Société civile, sous le leadership de Social Watch Bénin et avec l’appui de la Giz, a appelé à la mise en œuvre effective des actions préconisées afin de rehausser les scores du Bénin lors des prochaines évaluations.
Ces notes obtenues par le Bénin appellent à des actions diligentes pour améliorer les performances du pays en matière budgétaire