Le développement de l’Afrique est sujet à plusieurs polémiques. Elle est vue comme un continent maudite qui peine à briser les chaînes de l’aliénation et à s’engager sur la voie du développement. Entre pandémies, crimes, abandon des valeurs, le continent noir doit réfléchir et opérer de nouveaux choix de vie. Dans cet entretien, Docteur Coovi Raymond Assogba, enseignant chercheur, Maître de conférences des universités du Cames, Sociologue, anthropologue, spécialiste de la boologie se prononce sur la pandémie du Covid-19, les éventuelles raisons du retard persistant du développement en Afrique. Expert en spiritualité de développement, il pose des diagnostiques et fait des suggestions.
C’est qui un Boologue ?
Un boologue, c’est l’enseignant qui utilise les modèles d’analyse tirés de tout ce qui concerne les savoirs endogènes, les avoirs-faire comme Fa, Vodoun, Obo, pour répondre aux préoccupations de développement à partir de ce que le peuple a en commun, ce qu’on appelle les « Hwendomènou » ou encore la connaissance suprême encore appelée « Noun dodo ».
La connaissance suprême, la spiritualité…, quelle place occupe tout cela dans Noun dodo ?
Disons que le XXè siècle a été le siècle de la suprématie des connaissances du capitalisme. Laquelle suprématie prend source dans les travauxde Karl Marx qui a élaboré le changement social à partir des modes de production. Quand vous prenez l’évolution dans le temps, l’Afrique n’a pas de place. Quand on arrive au capitalisme, on parle du communisme et c’est toujours l’occident. Aujourd’hui, la science, telle que pratiquée en Afrique, quand vous prenez la sociologie, l’anthropologie, ce sont des sciences qui sont des résidus du capitalisme. Et depuis bientôt 60 ans que nous avons reçu l’indépendance, ces sciences n’ont pas pu développer le Bénin et elles ne peuvent pas, parce que la science est utilisée comme une idéologie de domination. Un travail a été fait à partir de Georges Balandier qui a permis la formation d’authentique africains pour travailler sur les « hwendomènous ». Dans ce sens, Le professeur Honorat Aguessy a travaillé sur le Lègba, le professeur Niangoran-Bouah de l’université d’Abidjan, il a travaillé sur les poids Akan à peser l’or et, il y a le professeur Diabaté, celui qui va inventer l’indicamétrie, qui a travaillé sur l’énergie de Fa-Sa et nous avons ici, le professeur Cossi Jean-Marie Akpovo qui a travaillé sur la « Bodissé » ; c’est-à-dire le système dans lequel bo est au centre. Il a appelé ça la boologie. Donc à partir de cette pensée, le chercheur aujourd’hui à la possibilité d’utiliser Vodoun comme la pensée ; « la pensée du Vodoun » pour prendre en charge la dynamique des Béninois et trouver les solutions à partir de ce qu’eux même ont comme savoirs et surtout savoir-faire. Par exemple, face à la situation de la pandémie du covid-19, le boologue doit partir des savoirs et savoir-faire des thérapeutes, ceux qu’on appelle les Bokonon, Hounnnon, tradipraticiens et autres acteurs connexes. C’est à partir de ceux-là qu’on devrait trouver la solution et, c’est ce que promeut la boologie. C’est bien ce que le Madagacar a démontré. Ce pays est parti des savoir-faire sur l’artémisia pour sortir un produit sans demander l’autorisation de l’Occident ou encore de l’OMS et c’est cela la problématique des savoirs et savoir-faire dans Noun dodo. On n’a pas besoin de demander une quelconque autorisation des blancs pour faire face aux problèmes qui se posent à nous et à nous peuple. Mais ça ne se fait pas et la boologie entend révolutionner les choses en collaboration avec Noun dodo, riches de savoirs et de connaissances qu’il faut utiliser pour sauver et développer le Bénin
A vous suivre, le Bo est une force positive mais généralement, les Africains, le Béninois s’en méfient. Comment l’expliquez-vous ?
Je dois vous dire qu’il y a deux niveaux. Le premier, lorsqu’on dit bo, c’est normal qu’on ait peur parce que quand on parle de virus aujourd’hui, les églises sont fermées, il n’y a plus de compétitions sportives, le transport est suspendu et même les grandes puissances paniquent…Mais, bo traite de l’infiniment petit. Ça, beaucoup le savent et c’est pourquoi ils ont peur. Cet infiniment petit appelé Bo, le professeur Akpovo a appelé ça, la ruse de la pensée. C’est à partir de là justement que le peuple béninois depuis l’époque du Danhomey avec les rois, a toujours géré ses situations. Rechercher ce qui est caché, qui crée des problèmes et c’est pourquoi, on a la trilogie Ofa-Vodun-Obo. Fa, c’est la métaphysique, le système de toute la pensée, Vodoun en est l’énergie et Bo, la technicité qui permet d’utiliser cette énergie pour construire de la technologie comme solution. Le second niveau, vous verrez que depuis que le pays Vodoun a rencontré l’idée capitaliste avec la suprématie des armes, le capitalisme s’est servi des religions pour nous ramener à un niveau négligeable. La prétention du royaume du Danhomey a été cisaillée pour nous réduire à l’état d’esclave. C’est pourquoi, ce sont les religions qui ont élaboré les catéchismes pour dire que obo, c’est le niveau diabolique ou satanique. Ils ont pris cela pour traumatiser les chrétiens et cette transmission de traumatisme se poursuit jusqu’à nos jours. Mais les jeunes aujourd’hui, comprennent petit à petit. La jeunesse béninoise face à l’échec économique, au chômage et à l’incapacité des aînés de donner à la jeunesse la possibilité de vivre ses rêves, a créé de contact avec d’autres réseaux de jeunes. Et vous allez voir que aujourd’hui, les jeunes, ils cherchent la connaissance dans d’autres domaines et ils se rendent comptent qu’ils reviennent aux savoirs endogènes, à la connaissance de leur pères et grands parents. Beaucoup ont été catéchisés, on leur a appris la peur mais je vous assure que beaucoup voient mieux. Je peux vous dire que j’en ai parmi mes étudiants qui sont déjà Bokonons et qui prennent appui sur les savoir de nos parents pour résoudre leurs problèmes économique, social et tout ce qui concoure au bonheur de l’être.
En votre qualité d’enseignant à l’université, que faites-vous pour rasseoir cette base chez les cadres et citoyens que vous formez pour leur permettre d’impacter à leur tour, la société ?
A l’université, je suis responsable de l’unité d’enseignement de la boologie. Et dans ce sens, j’ai fait assez de travaux académiques. J’ai écris des ouvrages dans ce domaine dont la métaphysique et l’épistémologie de la boologie. J’ai inventé une théorie appelée la contracculturation (c’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle), c’est-à-dire, la dialectique du discours que l’africain tient sur lui-même et sa société et sans se couper de la mondialisation. Nous avons fait assez de conférences et d’animations scientifiques et nous « influençons » nos étudiants qui sont courageux pour choisir des sujets de recherche sur les traditions béninoises, sur les savoirs et savoir-faire endogènes. Tout au moins, à partir de nos écrits, le Cames sait qu’il y a la boologie, la contracculturation. Nous avons des pas que nous devons franchir. Nous avons organisé la dernière fois, le 02 avril précisément une conférence de presse sur « Les bootechnologies face aux pandémies mondiales ». C’est à cette occasion que nous avons rassuré et demandé à tous les béninois de ne pas avoir peur. Nous avons eu à insister sur la « pipithérapie ». Nous leur avons conseillé de boire leur urine qui contient des nutriments et contrairement à ce qu’on nous a dit à savoir que l’urine est sale, nous leur avons montré que ça peut permettre d’élever le taux d’immunité acquise et d’augmenter le champ magnétique de leur protection. Nous avons également découvert que ce n’est pas la première fois que nous avons à combattre une pandémie de l’infiniment petit. La maladie est une maladie respiratoire et celui qui utilise son ruine peut nettoyer les voies respiratoires et, il ne peut être vulnérable par ce virus. Nous avons été invité sur certaines chaînes de télévision et nous avons développé tout cela après la conférence publique. C’est là autant d’actions que mène l’unité d’enseignement de la boologie pour montrer d’efficacité de la science du point de vue de la boologie dans la résolution de cette situation de pandémie.
Est-ce que l’unité a déjà entrepris des démarches auprès du CNE et des ministères pour que cette science et les autres richesses endogènes trouvent une place dans le programme scolaire, mieux pour qu’on en vienne à une chair de boologie à l’université?
Une chair de boologie, c’est même une idée que vous nous avez donnée qu’on va essayer de cultiver. Vous savez, il y a la géopolitique et il y a la politique. L’Etat béninois aujourd’hui, il faut le dire, est une excroissance de l’Etat capitaliste et qui gère les intérêts de la métropole. C’est une situation politique. Vous verrez qu’au niveau des ministères, le budget de la santé est financé de l’extérieur pour une certaine partie et l’histoire de cette pandémie a montré que pour le fait que, même pour les recherches de certains collègues, le financement vient des laboratoires. Du coup, il a été révélé que le peuple béninois sert de cobaye pour expérimenter des vaccins de laboratoires. C’est la grande vérité qu’on a découverte et c’est cela qu’a voulu camoufler le capitalisme en décidant d’accorder des aides financières au Etats. Il me revient ici à l’esprit la situation de Drobo, le Ghanéen qui a déclaré sa capacité à guérir le Sida. Il s’est rendu au Japon et on a voulu l’assassiner. Il a tout faire pour revenir mais il n’a pas survécu. Je pense que comme il y a la liberté et que nous sommes sous un régime libéral, nous allons surtout nous appesantir sur les tradithérapeutes, bokonon et autres, pour partir de ces derniers pour qu’on s’organise de manière horizontale. Si tu veux rechercher des financements, la reconnaissance, le Conseil national de l’éducation (CNE), elle sait que la boologie existe et suit même de près tout ce que nous faisons. Ce sont des béninois qui sont dans cette commission et qui savent tous autant qu’ils sont, que leurs ancêtres ont développé la connaissance des plantes. C’est donc à elle maintenant de savoir faire les choix et promouvoir ceux qui ont le savoir au plan national. Nous avons une attitude de discrimination mais aussi, de sauvegarde. Nous exerçons déjà à l’université, nous faisons la vulgarisation à travers les médias et en son temps, nous pensons que si nous avons l’occasion de nous retrouver avec des interlocuteurs institutionnels, nous n’hésiterons pas à faire connaître ce qui est. Et je vous l’ai dit, nous avons écrit aussi des ouvrages et articles scientifiques sur le sujet. On doit pouvoir par exemple interroger la situation que Valentin Agon a vécue. Nous devons ensemble interroger ce qui se passe à Madagascar. Les Etats-Unis auraient donné un financement au Madagascar. Dans nos rapports avec les institutionnels, nous voulons convoquer l’histoire de la mondialisation pour constater qu’elle a échoué et pour la plupart, elle nous impose le mode de vie des occidentaux. C’est un échec, osons le dire. Les USA ont fermé leur frontière contre les accords de GATE sur le commerce, la France a fermé ses frontières. Cela voudrait dire, comme le disait déjà Cheik Anta Diop, comment reprendre le chantier historique, comment être aujourd’hui les fidèles continuateurs de l’œuvre de Dada Béhanzin ? Les Chinois, il faut le dire, veulent les terres des africains, Sarkosy, Macron ont doigté trivialement, la fécondité de nos femmes. Mais le fait qu’on a beaucoup d’enfants, qu’est-ce qui les concerne? Or, pour asseoir et développer l’industrie, il faut des consommateurs. Mais est-ce que nous les béninois, nous réfléchissons à partir de ce fait qu’ici, nous ne sommes pas un pays pauvre très endetté, nous ne sommes pas un pays à risque de fragilité, de conflits et de violences mais un pays Vodoun. Il faut budgétiser cela et changer les structures de l’économie, former les jeunes et se préoccuper de leur insertion. Il faut que nous travaillions à partir de la pensée Vodoun. Mais en même temps, nous constatons que si nous réfléchissons par nous même, nous allons nous inscrire dans l’histoire de nos ancêtres et non dans l’histoire des autres. Ce faisant, nous allons être moins sous-développés, nous n’aurons pas besoin d’autant d’aides, nous allons emprunter de l’argent pour avancer et nos progénitures auront un avenir. C’est entre autres les perspectives politiques de la boologie à partir de la pensée scientifique. C’est ce que nous voulons faire ensemble d’un point de vu horizontale avec « Noun dodo » qui veut dire la pensée suprême, la connaissance suprême. Et lorsqu’on parvient à cette connaissance, on devient le sauveur de son peuple ou on en est le traître. C’est pourquoi nous avons décidé de nous regrouper pour voir quelles stratégies mettre en œuvre pour être efficace. Pour se faire, la boologie en tant qu’unité d’enseignement à l’université, sera appuyée par ceux-là parce que ce que nous enseignons, c’est la connaissance que les Boconons (consultants de fâ), hounons (Chef de culte), tradipraticiens et autres gardiens de la tradition ont maîtrisée. Nous allons donc les associer pour qu’ils partagent un peu ce savoir avec les jeunes et les stimulent pour qu’en retour, ils puissent librement se décider quant à l’aspect à développer.
Votre conclusion ou un appel à lancer
Je vous remercie d’abord de nous avoir donné la parole. Nous allons également rassurer la population africaine face à cette pandémie qui décime le monde. Que chacun réfléchisse plus à sa vie, le monde a changé et il faut que nous changions avec. Lorsque nous nous présentons comme des pauvres, des nécessiteux, les gens nous donnerons de poison en lieu de place de la vitamine. Nous disposons de très grandes et de nombreuses richesses malheureusement, nous sommes les seuls peuples au monde qui avons des richesses et qui ne les exploitons pas. Il nous faut changer de fusil d’épaule.
Entretien réalisé par Bidossessi Oslo WANOU