(Les réactions du Patronat, de la CCI Bénin et de la Coneb attendues)
L’Ordre des experts comptables et comptables agréés du Bénin (OECCA-Bénin) n’est plus favorable à l’exercice de certification des états financiers des entreprises que les comptables externes leur présentent. Ce sentiment qui tend à exclure les comptables externes (ceux –ci n’ont pas le titre d’expert-comptable) de la pratique comptable des entreprises n’est pas du goût de ces derniers. Dès lors, les comptables externes accusent les experts et agréés de la comptabilité de vouloir caporaliser la profession au mépris des réalités tangibles des entreprises au Bénin.
Falco VIGNON
Les comptables externes des entreprises sont en colère contre l’ordre des experts comptables et des comptables agréés. La pomme de discorde réside dans les campagnes de dénonciation de l’Ordre de l’exercice de la profession comptable par les comptables externes au profit des entreprises. En effet, profitant de la mise en œuvre du nouveau code général des impôts 2022, l’OECCA-Bénin est monté au créneau diffusant des communiqués et spots sur la pratique comptable en République du Bénin. A en croire les différents communiqués, seuls les experts comptables sont habilités à exercer la profession comptable en externe et établir les états financiers des entreprises. La pratique qui consiste à établir les états financiers par des comptables externes et à les soumettre à un expert-comptable pour la délivrance d’une « attestation des états financiers » constitue, selon l’OCCEA-Bénin, un « exercice illégal » de la profession d’expertise comptable. De plus, la tâche du suivi régulier de la comptabilité et des déclarations fiscales périodiques d’une entreprise est aussi une activité illégale d’exercice de la profession d’expertise comptable. Selon les membres du bureau de l’OECCA-Bénin, les différentes interdictions ci-dessus énumérées trouvent leur source dans la loi N° 2004-03 du 27 avril 2006 portant création de l’Ordre des experts comptables et comptables agréés en République du Bénin (O.E.C.C.A.-Bénin). En montant au créneau au début de l’année 2022 et en interprétant unilatéralement la loi N° 2004-03 du 27 avril 2006, le nouveau bureau de l’OECCA-BENIN a fini par déclarer illégal l’exercice de l’activité comptable par un comptable externe. Or, cette activité avait existé avant la création de l’OECCA-BENIN et a existé pendant 16 ans après la création de l’OECCA-BENIN. Plusieurs bureaux de l’OECCA-BENIN se sont succédé durant ces années. L’attitude de l’OECCA-BENIN atteste aujourd’hui que les bureaux de l’OECCA-BENIN qui se sont succédé et les autorités étatiques à divers niveaux ont méconnu pendant 16 ans une activité illégale passible d’emprisonnement.
Le bureau de l’OECCA-BENIN accuse les comptables externes de minimiser l’assiette fiscale et sociale lors de la déclaration du revenu annuel. Or il a été observé ces dernières années que des comptes de plusieurs entreprises publiques et privées régulièrement certifiés par un expert-comptable membre de l’OECCA-BENIN ont été redressés par le fisc. Il en résulte que le travail des experts comptables et des comptables agréés n’est pas aussi exempt d’insuffisances. De plus, leur travail laisse révéler parfois des malversations grotesques conduisant des dirigeants en prison et parfois à la fermeture de leur entreprise. Ces faits décrédibilisent aujourd’hui la campagne menée par le nouveau bureau de l’OECCA-BENIN. Il est curieux de savoir que le bureau de l’Ordre milite pour la disparition pure et simple de cette corporation qui emploie aujourd’hui plus de 1000 personnes.
Une campagne irréaliste
Les cabinets des experts comptables sont-ils capables d’embaucher plus de 1000 personnes et payer un salaire décent ? Les entreprises surtout privées sont-elles capables de payer les honoraires faramineux des experts et des agréés en comptabilité ? Quelle est l’organisation qui sera mise en place pour répondre spontanément aux sollicitations des entreprises en cas de disparition des comptables externes? Ce sont là des questions que le nouveau bureau n’a pas cherché à solutionner avant de se lancer dans sa croisade. Dans cette campagne, le nouveau bureau de l’OECCA-BENIN a publié un communiqué fixant une nouvelle grille tarifaire des prestations des membres de l’OECCA-BENIN. Elle présente une augmentation drastique des charges des entreprises en ces moments de morosité économique due à la pandémie de COVID-19 et à la guerre en Ukraine. Ainsi, une entreprise dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 millions FCFA doit débourser 236.000 FCFA pour les honoraires d’un expert-comptable même si elle a réalisé un résultat déficitaire alors que l’impôt minimum pour le régime TPS est de 10.000 FCFA. Ensuite, une entreprise dont le chiffre d’affaires est compris entre 50 millions et 150 millions, devra débourser entre 259.600 et 590.000 FCFA pour la présentation des états financiers qui n’est rien d’autres que l’obtention de l’attestation de certification des états financiers. Enfin, l’échelonnement des honoraires en fonction des chiffres d’affaires des entreprises va jusqu’à 3.540.000 pour les entreprises. Dans cette perspective de renchérissement du coût de présentation des états financiers, les entreprises n’auront d’autre choix que de répercuter le surcoût sur les prix, rallongeant ainsi le chemin de croix des consommateurs en cette période de cherté des denrées. C’est d’ailleurs pourquoi les promoteurs des entreprises surtout les micros et petites entreprises trouvent très curieux le silence de l’administration fiscale qui est le premier utilisateur des états financiers de cette tranche d’entreprise.
Complot par silence des institutions de l’Etat
La date butoir de 30 avril s’approche à grand pas et la croisade déclenchée par l’OECCA-BENIN sème le cafouillage et la confusion dans l’esprit de la plupart des chefs d’entreprise et curieusement aucune institution de la République notamment la CCIB ne s’est encore penchée sur la situation qui va créer encore des chômeurs et entraîner une baisse de la consommation des ménages. L’économie béninoise prendrait à coup sûr un coup si plus de 1.000 personnes arriveraient à se retrouver au chômage du fait d’une nouvelle interprétation unilatérale de la loi créant l’OECCA-BENIN. Il faut rappeler que l’exercice de l’activité de la comptabilité par un comptable externe à l’entreprise a toujours existé et s’est renforcée dès la création de l’OECCA-BENIN. Les comptables externes en étant en amont dans les activités de présentation des états financiers, imputent, saisissent, enregistrent les pièces comptables des entreprises et éditent les états financiers puis les soumettent à un expert-comptable ou un comptable agréé pour l’obtention de « l’attestation de certification ». Telle est la collaboration qui a existé entre les comptables externes et les membres de l’OECCA-BENIN jusqu’au début de cette croisade. Il est à signaler que dans cette organisation du métier lors de la présentation des états financiers, les experts comptables et comptables agréés ont été toujours rémunérés en fonction du chiffre d’affaires des entreprises pour leurs travaux de délivrance de « l’attestation de certification ». C’est ce qui fait croire aux comptables externes que le silence des autorités à divers niveaux, notamment l’Assemblée Nationale, le Ministère du travail, le ministère des finances, la CCIB, etc. Au sujet de la campagne du nouveau bureau de l’OECCA-BENIN est un complot orchestré pour les renvoyer dans le lot des chômeurs de la République.
Il est à signaler que l’activité des comptables externes n’a jamais pris en compte le champ de délivrance d’attestation des états financiers, d’audit comptable et financier, commissariat aux comptes, audit contradictoire, certification des comptes qui sont réservés strictement aux experts comptables agréés. Les activités des comptables externes se limitent uniquement, au suivi comptable, déclarations fiscales et sociales, l’accompagnement pour répondre aux sollicitations fiscales et sociales, imputations, enregistrements et l’édition des états financiers qui sont par la suite présentés à un membre de l’OECCA-BENIN pour l’obtention de « l’attestation de certification ». La pratique de leur activité se justifie par le fait que bon nombre d’entreprises béninoises ne disposent pas de moyens financiers pour rémunérer conséquemment un comptable en interne. Aussi, la plupart des comptables externes nantis de diplômes universitaires ont travaillé et se sont fait former dans les cabinets d’expert-comptable avant de s’émanciper dans la profession de comptable externe. A en croire les comptables externes riches d’expériences avérées, l’argumentaire de manque de professionnalisme dans le traitement des données comptables des entreprises est un curieux prétexte pour les vouer aux gémonies et les rendre coûte que coûte chômeurs. Ainsi, les comptables externes souhaitent vivement l’arbitrage des institutions de la République notamment l’Assemblée Nationale, la CCIB ou le ministère du travail afin que la rage actuelle du bureau de l’OECCA-BENIN ne conduit pas à enregistrer encore plus de 1.000 chômeurs ; ce qui entacherait les réformes entreprises par le Bénin depuis 2016.