Les développements intervenus dans l’affaire domaniale qui a coûté sa chaise l’ancien préfet du Littoral renseignent sur un aspect très important des opérateurs économiques béninois. Malgré le fait que les parcelles à eux vendues aient été prélevées dans un domaine public, ils n’ont pas hésité à s’en approprier. C’est sur cette habitude qui étend ses tentacules dans le monde économique de notre pays que je m’appesantis aujourd’hui pour rédiger l’éditorial de ce jour.
Les présumés complices du forfait commis par l’ancien homme-fort du département du Littoral ont été écroués avec lui. Si la justice a procédé ainsi, c’est parce qu’elle a jugé que les opérateurs économiques qui ont acquis ces parcelles n’ont pas été sincères. Et si ceux-ci n’ont pas pu démontrer qu’ils n’étaient pas informés de la situation des parcelles acquises, c’est parce qu’il y a anguille sous roche. Mieux, plusieurs des opérateurs économiques qui ont été inculpés pour la même affaire que Modetse Toboula ont déjà été cités dans des affaires d’acquisitions de domaine public. Ainsi donc, loin d’être un acte répréhensible, le manque de crédibilité des hommes d’affaires béninois tend à devenir une norme. Et le jugement que fait la société sur ce fléau dépend de la position de l’individu qui se prononce. Si l’homme d’affaires acquéreur du domaine public est un parent ou proche, on n’y trouve rien à y dire. Et quand celui qui se prononce n’a aucune relation avec le mis en cause, la vérité est vite libérée. Ainsi, jour après jour, forfait après forfait, le mal étale ses tentacules dans le cœur des citoyens qui ont appris, depuis quelques années déjà, à ne chercher que le côté positif de la chose, c’est-à-dire leurs intérêts immédiats. Sans se rendre compte de la portée de leurs actes, des tiers supportent les hommes d’affaires qui s’accaparent des terrains publics.
Les conséquences des bradages de domaines publics sont énormes. Tout d’abord, cela fausse la programmation de la réalisation des infrastructures faite par l’Etat central. Par exemple, les parcelles vendues étant contenues dans un projet, les bâtiments qui y seront érigés ne pourront qu’obliger l’Etat à modifier le plan initial retenu pour exécuter les travaux. De même, les infrastructures qui étaient prévues pour être érigées sur les parcelles illégalement vendues devront être réalisées ailleurs ou ne le seront simplement pas.
Ensuite, la vente des domaines publics a des répercussions négatives sur l’éducation et la santé des populations. Ce phénomène a une part de responsabilité dans la difficulté que rencontre le pouvoir exécutif quand il s’agit de construire des écoles et centres de santé dans certains quartiers de ville. Au moment des lotissements dans plusieurs quartiers de Cotonou et environs, des domaines avaient été réservés pour recevoir ces installations. Mais, l’un après l’autre, ils ont été morcelés en parcelles pour être cédées à des tiers. Des années plus tard, au moment où l’exécutif est prêt à construire cette école ou ce centre de santé, il n’y a plus de parcelle disponible. Et tout un quartier ou arrondissement se trouve privé d’infrastructures pour cause de bradage du domaine devant les accueillir.
Enfin, le bradage des domaines publics oblige les commerçants et revendeurs à se livrer à des gymnastiques inimaginables pour trouver un espace où promouvoir leurs produits. Lors des lotissements dans chaque quartier il est prévu un domaine pour recevoir les infrastructures d’un marché. Si ce domaine n’était pas vendu, la plupart du temps, les commerçants ne seraient pas obligés de prendre d’assaut les abords des routes et lieux publics, dès qu’ils n’ont pas les moyens de louer une boutique.
Toutefois, c’est à une conscience collective que j’appelle. Au-delà de tout, si notre société n’avait pas cautionné le fait que l’argent règne en maître, le mal n’aurait pas l’ampleur qu’il a. Il faudra donc travailler à combattre ce fléau. Et le gouvernement a déjà donné le ton. Suivez mon regard.