Plus qu’une simple route, le projet de développement de l’autoroute du corridor Abidjan – Lagos vise à stimuler l’investissement, le développement durable et la réduction de la pauvreté. Il met l’accent sur la libre circulation, l’intégration des marchés, le développement des infrastructures et l’interconnectivité dans la région ouest-africaine.
Aké MIDA
Le Projet de développement de l’autoroute du corridor Abidjan-Lagos ne se réduit pas à une simple autoroute. Il s’agit du développement d’un corridor économique qui recèle un grand intérêt pour les Etats membres et les populations des cinq pays concernés : Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Nigeria et Bénin.
Convaincus des retombées positives du projet, les chefs d’Etat et de gouvernement ont signé en 2013 un traité pour sa création. Longue de 1 028 km, ce corridor relie les principales capitales et pôles économiques de la région partant d’Abidjan jusqu’à Lagos en passant par Accra, Lomé et Cotonou. Cette autoroute supranationale constitue une partie importante du réseau routier transafricain et particulièrement dans la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
C’est la première phase de l’autoroute Transafricaine n° 7 qui commence par la liaison maritime de Praia au Cabo Verde en passant par Dakar jusqu’à Abidjan par la route. Elle est identifiée comme l’une des priorités du Programme de développement des infrastructures en Afrique (Pida) porté par l’Union africaine. Il vise à favoriser le développement socio-économique en reliant les parties les plus densément peuplées et économiquement actives de la sous-région, tout en offrant des interconnexions avec un réseau ferroviaire et les principaux ports et aéroports de sa zone de couverture.
En termes d’avantages directs potentiels, l’autoroute, une fois mise en service, réduira les coûts d’exploitation des véhicules de 28 %, réduira le temps de trajet de 48 % en moyenne et contribuera à la croissance du volume des échanges commerciaux inter régionaux de 15 à 25 %, souligne Amadou Diongue, représentant résident de la Cedeao au Bénin, représentant le commissaire des Infrastructures, de l’Energie et de la Digitalisation à la Commission de la Cedeao lors de la vingtième réunion du Comité ministériel de pilotage du projet, tenue le 15 décembre à Cotonou.
Libre circulation
A en croire M. Diongue, il s’agit d’un projet d’intégration clé desservant plus de 400 millions habitants d’Afrique de l’Ouest, soit environ 34 % de la population totale du continent africain. Il est en parfaite adéquation avec la vision 2050 de la Cedeao, celle de réaliser « Une communauté de peuples pleinement intégrée, vivant dans une région pacifique et prospère, dotée d’institutions fortes et respectant les droits et libertés fondamentaux, luttant pour un développement inclusif et durable », ajoute-t-il.
La construction de l’autoroute contribuera à consolider la libre circulation des personnes et des biens, accélérer l’intégration des marchés, faire de la Cedeao une zone économique pleinement intégrée et interconnectée et intensifier le développement des infrastructures et l’interconnectivité, renchérit Nweze David Umahi, ministre des Travaux publics du Nigeria et président du comité de pilotage. Des réalisations « louables » sont déjà accomplies dans la mise en œuvre du projet, salue-t-il, allusion faite aux études en cours relatives à la conception technique détaillée, à la stratégie de financement et d’exécution du projet et à la préparation des documents d’appel d’offres, qui seront finalisés d’ici juillet 2024.
Bien que des postes de contrôle juxtaposés soient prévus aux frontières entre les pays dans les études de conception technique, il est prévu de les démanteler pour assurer la libre circulation des personnes et des biens sur l’ensemble du corridor à partir de 2045. A cette date, un système de péage à flux libre complet est envisagé. Mais avant, la stratégie prévoit une phase de « Free Flow » avec un système de péage et contrôle à l’entrée ou « Semi Free Flow » à partir de 2030.
Le système sera basé sur des étiquettes d’identification par radiofréquence (Rfid Technolgie). La stratégie met également en avant les contrôles en place concernant les surcharges et les camions surdimensionnés ainsi que les modes de paiement des utilisateurs.
Facilitation des échanges
Le projet met un accent particulier sur la facilitation du commerce et du transport le long du corridor. Une étude y est consacrée. Au nombre des mesures de connectivité douanière prévues, des réformes concernent le traitement tarifaire préférentiel de la Cedeao pour les marchandises baptisé « Schéma de libéralisation des échanges de la Cedeao » (Sle) et le Système de transit automatisé baptisé « Sigmat ».
Il est question de remédier aux entraves sur le corridor qui ont noms : blocage de cargaisons de marchandises en transit et, ou reconnues originaires de la Cedeao aux frontières, prélèvements illicites et autres tracasseries routières. Il s’agira de mettre en place une meilleure approche pour rendre fluide et réelle la libre circulation des biens et services sur ce corridor qui représente près de 65 % du trafic commercial du Sle de la Cedeao et du transit des marchandises.
En fait, la libre circulation et le droit d’établissement font partie des priorités de la région, afin d’assurer la promotion et le renforcement du commerce intra-communautaire, a souligné Dr Mohamed Ibn Chambas, président de la Task Force sur le Schéma de libéralisation des échanges (Sle) de la Cedeao, lors de la réunion des experts tenue en octobre dernier à Cotonou, en prélude à la réunion des ministres en charge du Commerce et des Finances des pays du corridor sur la facilitation des échanges. Les dysfonctionnements constatés sont contraires aux protocoles de la Cedeao sur le Sle d’une part, et à la règlementation internationale sur le commerce du transit d’autre part, a-t-il martelé.
Encadré
Avancées notables des travaux
La vingtième réunion des experts tenue, les 13 et 14 décembre en prélude à la réunion du Comité ministériel de pilotage du 15 décembre, a traité des questions liées à l’avancement des composantes du projet. L’on note le démarrage de la soumission des dossiers de la conception détaillée de l’autoroute, qui seront examinés durant les deux prochains mois. Aussi, le rapport de cadrage de l’étude de développement spatial a-t-il été examiné et validé par la Commission de la Cedeao et les pays membres.
D’après les conclusions des travaux présentés par Ibi Terna, président du comité d’experts, les études financées, notamment par l’Union européenne, touchent à leurs fins. L’année 2024 sera une année charnière pleine d’activités sur tous les plans : technique, financier, institutionnel et légal. Toutes les composantes évoluent en parallèle, en vue de soumettre les rapports finaux et les dossiers d’appel d’offres de construction de l’autoroute dans un bref délai.
Entre autres, la Cedeao soumettra des copies du rapport d’étude de conception préliminaire qui devraient être suffisantes pour que les Etats membres délimitent et protègent l’emprise requise, d’ici fin décembre 2023. L’étude de facilitation du commerce et du transport commencera début janvier 2024 pour un délai d’exécution de sept mois.
La recherche de financement se poursuit avec la collaboration de la Banque africaine de développement (Bad) qui a déjà organisé, en collaboration avec la Cedeao, une table ronde spécialement dédiée au projet du corridor Abidjan – Lagos en septembre dernier. Le projet a été présenté aux investisseurs lors du Forum d’investissement en Afrique (Fia) organisé au Maroc les 9 et 10 novembre derniers.
Le Comité de pilotage se préoccupe non seulement du financement, mais aussi de l’opérationnalisation de l’Autorité de gestion du Corridor Abidjan-Lagos (Alcoma) dont le siège sera établi en Côte d’Ivoire.
Afin de rendre la mise en œuvre du projet de l’autoroute du corridor attractive pour les investissements, les Etats sont appelés à envisager des dérogations spéciales et applicables pendant la phase de construction et d’exploitation de l’autoroute.
A. M.
Le projet de l’autoroute du corridor se veut un catalyseur de l’intégration économique et du développement durable en Afrique de l’Ouest
