L’aide publique au développement (APD), une politique qui tire ses origines du Plan Marshall et mise en orbite au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par l’ancien président américain Harry Truman pour soulager la souffrance des populations des régions sous-développées, a atteint près de 2 000 milliards US$ dans le monde au cours des 20 dernières années. Et près de la moitié de ce montant a été accordée à l’Afrique, qui a utilisé 70% de ces fonds pour financer des programmes sociaux visant à améliorer l’accès à l’eau potable, aux soins de santé, à l’électricité, à l’école, à un logement décent ou à la préservation de l’environnement.
Issa DA SILVA SIKITI
Au cours des années, l’APD semble devenue une source incontournable pour les gouvernements africains à tel point que sa suspension – par les pays donateurs – provoque souvent une panique générale dans les couloirs du pouvoir et des associations de bienfaisance, lesquels se lamentent à propos de son impact négatif sur les revenus du pays et les programmes sociaux.
Par exemple, la suspension de l’APD au Niger au lendemain du coup d’État du 26 juillet 2023 signifie que près de 1,2 milliard US$ n’étaient pas versés dans ses caisses l’année dernière, selon la Banque mondiale, une somme qui représente plus de 6% du Produit intérieur brut (PIB) du pays.
La suspension de cette aide a aussi causé la déscolarisation de près de 2 millions d’enfants du Niger, dont 800 000 filles, a affecté les projets d’infrastructures (dont ceux de l’électricité), et empiré l’insécurité alimentaire et la pauvreté, selon les données de la Banque mondiale, citées par RFI. Il est important de noter que l’Agence française de développement (AFD) avait engagé 97 millions d’euros dans ce pays pauvre du Sahel en 2021.
Au Mali, où en 2020 la France a fourni 130 millions d’euros d’APD, la suspension de l’APD avait également suscité des émois et des inquiétudes de la part des associations de bienfaisance.
Argent facile ?
Mais, pendant que les uns ne cessent de louer les bienfaits et l’indispensabilité de cette manne intarissable tombée du ciel, les autres (économistes, souverainistes, néo-panafricanistes, Afro-pessimistes, activistes anti-occidentaux et autres catégories) vilipendent l’APD, disant qu’elle n’a apporté rien de bon au continent.
A en croire Jean-Michel Bos, journaliste de DW, ceux qui critiquent l’APD disent que c’est l’argent facile qui n’encourage pas la prise d’initiatives et l’autonomie des États. « Une autre critique porte sur la mauvaise utilisation des fonds qui sont détournés par la corruption, ou encore investis dans des projets aussi gigantesques qu’inutiles (les fameux « éléphants blancs ») », souligne Bros, qui indique que certains gouvernements répartissent l’APD, parfois sous forme d’appels d’offres, avec un manque de transparence dont pâtissent les entreprises locales.
Quant à Laurent Bigot, chroniqueur au journal Le Monde, il a allégué sur le site de ce média que l’APD est d’abord un business qui faisait vivre des dizaines de milliers de fonctionnaires internationaux et nationaux mais aussi une myriade de consultants. « Ils ont tous en commun un objectif : ne pas scier la branche sur laquelle ils sont assis et sur laquelle ils vivent grassement. J’ai toujours été fasciné par l’irresponsabilité que génère l’argent de l’APD. C’est l’argent de personne. Tout le monde se comporte comme si c’était de l’argent créé ex nihilo ».