Ces dernières années, les inondations, les vagues de chaleur et la sécheresse ont aggravé plus de la moitié des centaines de maladies infectieuses connues chez l’homme. L’impératif est clair pour une action accélérée mettant la santé des personnes et de la planète au-dessus de tout.
Félicienne HOUESSOU
« … Nous constatons aujourd’hui la résurgence de maladies mortelles telles que la rougeole, et les conséquences de ces perturbations se feront sentir pendant plusieurs décennies en ce qui concerne d’autres maladies », a averti le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS, il y a quelques mois. Les conséquences de la pandémie de COVID-19 ont montré à la face du monde la vulnérabilité sanitaire massive résultant des émissions de gaz à effet de serre. Les 44 indicateurs du rapport de ‘’The Lancet Countdown’’, publié en octobre 2021, révèlent une augmentation sans relâche des impacts du changement climatique sur la santé, et une réponse tardive et incohérente des pays du monde entier. De nombreuses régions du monde sont aux prises avec des sécheresses et des vagues de chaleur record, qui viennent s’ajouter aux effets dévastatrices de la pandémie de COVID-19. Si rien n’est fait face à cette situation, le réchauffement pourrait exacerber toutes les luttes menées pour l’élimination de plusieurs maladies anciennes gelées sous le pergélisol. Ce 8 août 2022, un article de recherche publié par une équipe de chercheurs de l’Université d’Hawaï à Mānoa confirme que plus de la moitié des maladies pathogènes humaines connues telles que la dengue, l’hépatite, la pneumonie, le paludisme, le Zika et bien d’autres, peuvent être aggravées par le changement climatique. Des chercheurs de l’Université d’Hawaï à Manoa ont calculé l’impact des maladies en rassemblant trois facteurs auparavant sans rapport : ‘’quel type d’agent a rendu les gens malades ?’’, ‘’comment les gens ont attrapé la maladie’’ et ‘’tout événement lié au changement climatique qui aurait pu avoir un impact’’, tel que les précipitations, les sécheresses ou le réchauffement.
L’équipe a examiné plus de 70 000 articles et, sur 375 maladies infectieuses, elle en a trouvé 218 qui avaient été exacerbées par le changement climatique. Ils ont constaté que la hausse des températures augmentait la zone sur laquelle les organismes pathogènes – souvent transmis par les insectes – sont actifs, ce qui a un impact sur des maladies comme la dengue, le chikungunya, la maladie de Lyme, le virus du Nil occidental, le Zika, la trypanosomiase, l’échinococcose et le paludisme. Le danger d’infections paludéennes augmente dans les régions plus fraîches, tandis que les côtes du nord de l’Europe et des États-Unis sont de plus en plus sujettes aux bactéries qui produisent la gastro-entérite et la septicémie. Pendant ce temps, près de 600 millions de personnes vivent à moins de 5 mètres (16 pieds) au-dessus du niveau de la mer, ce qui les expose à un risque accru d’inondations et de tempêtes intenses. Beaucoup pourraient être contraints de quitter définitivement leur domicile, selon le rapport. Les résultats de cette étude sont terrifiants et illustrent bien les énormes conséquences du changement climatique sur les agents pathogènes humains. L’étude a cartographié les 1 006 liens entre les aléas climatiques et la maladie. Ainsi, ils ont également découvert que les virus pouvaient être renforcés après une exposition à des vagues de chaleur, car la fièvre réduisait l’efficacité du mécanisme de défense de l’organisme. Cette étude souligne comment le changement climatique peut charger la donne pour favoriser les mauvaises surprises infectieuses. Mais, en réalité, il ne s’agit que d’une redondance des alertes émises ces derniers mois par d’autres organisations intervenants dans le secteur de la santé.
Cas de la rougeole et la poliomyélite
Selon l’OMS, la région de la Corne de l’Afrique, sous l’effet des conflits, des changements climatiques et de la pandémie de COVID-19, est devenue un foyer de famine, ce qui a des conséquences désastreuses pour la santé et la vie de la population. On note, déjà, des flambées de rougeole qui frappent six des sept pays, où la couverture vaccinale est faible. Les pays luttent simultanément contre des flambées de choléra et de méningite alors que les conditions d’hygiène se sont détériorées, que l’eau potable se fait rare et que les gens quittent leur maison à pied pour trouver de la nourriture, de l’eau et des pâturages pour leurs animaux. Alors que le nombre de cas de rougeole recensés à travers le monde a augmenté de 79 % au cours des deux premiers mois de l’année 2022 par rapport à la même période en 2021, l’OMS et l’UNICEF préviennent que les conditions actuelles sont propices à l’apparition de graves flambées épidémiques de maladies à prévention vaccinale. Dans un rapport conjointement publié les deux partenaires ont indiqué que l’augmentation préoccupante des cas de rougeole en janvier et février 2022 indique un risque accru de propagation des maladies à prévention vaccinale et pourrait engendrer d’importantes flambées épidémiques, en particulier de rougeole. Des millions d’enfants pourraient ainsi être touchés en 2022, avertissent l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’UNICEF. Quelque 17 338 cas de rougeole ont été recensés dans le monde en janvier et février 2022, contre 9 665 au cours des deux premiers mois de l’année 2021. « En plus d’être une maladie dangereuse et potentiellement mortelle, la rougeole est un signe avant-coureur qui révèle des lacunes dans la couverture vaccinale à l’échelle du globe – des lacunes dont pâtiront les enfants vulnérables », a déclaré Catherine Russell, Directrice générale de l’UNICEF. Parmi les pays où la rougeole a le plus sévi depuis l’an dernier figurent la Somalie, le Yémen, le Nigéria, l’Afghanistan et l’Éthiopie.
Les besoins de financement, plus que jamais !
Le changement climatique menace de propager des virus dans un monde non préparé. Si les catastrophes naturelles créent des conditions idéales pour la transmission des maladies infectieuses, il urge que les systèmes de santé s’apprêtent pour le choc qu’elles causeront. Les pays doivent tous réduire leurs émissions et s’adapter aux changements climatiques. Toutefois, de nombreux pays en développement ne disposent ni des ressources ni des technologies nécessaires pour y parvenir. Les inégalités dans la réponse mondiale au changement climatique doivent être comblées. Les pays sous-développés qui sont les moins responsables de l’augmentation des émissions sont à la traîne dans les efforts de décarbonation. Ces pays seront les plus durement touchés par le réchauffement climatique, car les sécheresses menacent la sécurité alimentaire et hydrique, un problème qui a touché 2 milliards de personnes en 2019. C’est pourquoi tous les pays ont convenu que les nations industrialisées qui disposent de fonds et de compétences technologiques doivent intensifier et accroître leur soutien financier en faveur de l’action pour le climat dans les pays en développement, en particulier dans les pays les plus pauvres et les plus vulnérables. La mobilisation des fonds servira à prendre des mesures d’urgence pour préserver des vies, notamment en renforçant la capacité des pays à détecter les flambées épidémiques et à y faire face, en achetant des médicaments et des équipements vitaux et en assurant la distribution, en repérant et en comblant les lacunes dans les prestations de soins. La coopération internationale est essentielle pour lutter contre les changements climatiques et rendre le système sanitaire plus solide.