Dans une récente publication, la Banque africaine de développement (BAD) a établi le profil genre du Bénin qui retrace l’intégration du genre dans différents secteurs. Le document montre que de plus en plus de femmes s’engagent dans les filières agricoles phares au Bénin, en dépit de la persistance des discriminations.
Félicienne HOUESSOU
Les femmes jouent un rôle important dans la production, la transformation et la commercialisation des produits agricoles. Elles constituent une part considérable de la main d’œuvre agricole, soit près de 90%. Dans les champs familiaux, les femmes effectuent des tâches telles que semer, désherber, arroser, récolter, transporter et sécher les produits agricoles tandis que les hommes sont impliqués dans les activités de défrichement, de labour, de fumage et de stockage. Selon l’étude de la BAD, des parcelles sont réservées aux femmes pour la production de cultures vivrières afin de compléter l’alimentation du ménage. Les analyses sur la division du travail dans les exploitations familiales montrent que les femmes consacrent beaucoup plus de temps aux activités rurales que les hommes pendant la saison des récoltes. La forte présence des femmes dans les filières vivrières fait d’elles des actrices incontournables des stratégies de sécurité alimentaire du pays. Cependant, dans certaines filières de rente telles que les filières ananas et anacarde, les activités locales et régionales de collecte, de transformation et de commercialisation sont les maillons privilégiés sous le contrôle des actrices. « On constate de plus en plus qu’une forte proportion de femmes agriculteurs sont engagés dans les filières ananas (15 à 30% des petits producteurs/producteurs d’ananas en Province Atlantique) et riz (42% des producteurs avec une forte complémentarité genre à tous les maillons de la filière) (PSDSA, 2017-2020) », indique le rapport. Malheureusement, les femmes agricultrices ne bénéficient pas encore suffisamment de la mise en œuvre de ces politiques et stratégies. En plus des problèmes sociologiques auxquels elles doivent faire face, elles sont en outre contraintes par un accès limité aux facteurs de production (terre, crédits saisonniers, intrants, équipements et services de conseil agricole, etc.). Le très faible niveau d’éducation/formation, le faible accès aux opportunités et aux marchés liés à la productivité agricole, la faible participation aux instances de décision et la méconnaissance de leurs droits limitent les performances des femmes en termes de production et, par conséquent, leur participation au développement du secteur.
Importante discrimination dans l’accès à l’emploi et au financement agricole
La participation des femmes aux emplois agricoles rémunérés est un domaine où la discrimination à l’égard des femmes est importante. Alors que les hommes peuvent facilement être employés comme ouvriers agricoles, le rapport souligne que la majorité des femmes travaillent dans la ferme de leur mari sans rémunération en plus des tâches ménagères qu’elles sont tenues d’accomplir. L’héritage est l’un des principaux moyens d’accès aux ressources foncières au Bénin. Ce mode d’accès continue d’être discriminatoire à l’égard des femmes. Malgré la promulgation de la loi n° 2013 du 14 août portant Code foncier en République du Bénin, 6% des femmes contre 94% des hommes ont accès à des droits fonciers garantis et 36,4% des hommes possèdent des terres contre seulement 13% des femmes selon l’EDSB-V. Ce taux souligne le faible accès garanti des femmes à la terre en raison des pressions sociologiques qui attribuent la propriété foncière aux hommes, notamment en milieu rural.
Concernant la traction pour réduire la pénibilité des tâches agricoles, les experts de la BAD soulignent que seules 4,6% des femmes ont accès à la motorisation et à la traction animale contre respectivement 10,82% et 21,74% pour les hommes. Les hommes ont également deux fois plus accès (24,41%) aux services de conseil agricole que les femmes (11,96%). Le Bénin a encore du pain sous la planche en ce qui concerne l’accès des femmes au financement agricole. Selon les évaluations institutionnelles, les difficultés d’accès au crédit proviennent des difficultés d’accès au foncier qui offre une forme de garantie. Malgré les nouvelles modalités de financement par le biais des institutions de microfinance, le Fonds National de Développement Agricole (FNDA) et les autres mécanismes, seules 37,35% des femmes employées dans l’agriculture ont accès aux services financiers et seuls les hommes ont pu souscrire une assurance.