Le Ministère des Petites et Moyennes Entreprises et de la Promotion de l’Emploi, Modeste Kérékou a fait le point des quatre ans du PAG dans son département ministériel. C’était le vendredi 17 Avril 2020 à l’ORTB. Voici la substance de son entretien.
Que peut-ont retenir des quatre dans votre ministère ?
Modeste Kérékou : Pour faire simple, au lancement du Programme d’Actions du Gouvernement (PAG) le 16 décembre 2016, le Président de la République avait clairement dit que le programme que son Gouvernement allait conduire est basé sur la rupture. La rupture dans tous les secteurs de la vie socio-économique et politique. De mon point de vue, le secteur de l’activité économique est fondamental. Au lancement du PAG, vous avez su que c’est un Programme qui se caractérise par des investissements massifs dans tous les domaines, chiffré à plus de 9 mille milliards de francs CFA. La partie qui est attendue du secteur privé est à plus de 60%. Quand la vision est claire comme cela, naturellement, il faut mener des politiques qui conduisent ce secteur privé à être suffisamment à l’aise pour jouer sa partition.
Le Ministère dont j’ai la charge a été créé par le Chef de l’Etat à la faveur du remaniement du 27 octobre 2017. En me confiant les rênes de cet important département ministériel, moi-même j’étais quelque peu dubitatif mais le Président de la République a levé toute l’inquiétude qu’il y avait à mon niveau à l’occasion de son adresse sur l’état de la Nation, fin décembre 2017. Il a dit exactement ceci : «La relance de l’activité économique engagée par mon gouvernement mise sur la promotion des petites et moyennes entreprises et l’emploi dont j’ai désormais confié à plein temps la charge à un département ministériel.» J’ai dit bingo ! J’ai ma feuille de route et mon bréviaire et c’est désormais très clair dans mon esprit. Et je dis que c’est en cohérence avec la stratégie et la vision du Gouvernement. Depuis la conférence des forces vives de la Nation, notre pays, le Bénin, a fait l’option du libéralisme économique mais l’Etat a toujours continué de se considérer comme un Etat providence. Il va donner de l’emploi, il va tout faire. Ce n’est plus possible dans les temps modernes face aux enjeux de tous ordres. C’est ce que le Président Patrice TALON, de par son parcours et son expérience, aussi a compris. C’est dire que l’Etat a un rôle catalyseur. L’Etat crée les conditions favorables au développement du secteur privé. C’est le secteur privé qui est créateur de richesses et d’emplois.
Avec ce portefeuille ministériel, qu’est-ce que vous avez pu faire réellement?
Nous sommes dans la coordination de toutes les initiatives gouvernementales tendant à offrir de meilleures conditions à nous tous. Quand notre département a la charge de la promotion de l’emploi, c’est dire à dessein par le président de la République. C’est pour cela qu’au-delà du département dont nous avons la charge, tous les autres départements concourent aux mêmes fins. L’action gouvernementale est orientée et a une seule finalité ; c’est assainir le climat des affaires, permettre au secteur privé d’être à l’aise et de jouer fondamentalement son rôle. C’est pour cela que toute une batterie de mesures, qu’elles soient législatives, règlementaires ou administratives sont prises. Que ce soit au Ministère de l’Economie et des Finances, de l’ensemble de ses régies, de l’APIEX, de nos agences comme l’ANPE, tout ce que le Gouvernement fait dans toute sa mission concourt à soulager la peine aux créateurs de richesses et aux chercheurs d’emplois. La question d’emplois est traitée de manière holistique. Ce n’est pas seulement la prérogative du département dont j’ai dont la charge mais l’ensemble des actions du Gouvernement concourt à cette fin.
Est-ce qu’on peut avoir une idée de l’état des lieux en 2016?
La situation, c’est qu’il y avait pas mal d’initiatives. La question de l’emploi dans tous les pays est une question préoccupante. La question de l’éclosion des initiatives privées est une question assez importante donc tout le monde essaie de la prendre en charge d’une manière ou d’une autre.
Vous pouvez donner acte à notre Gouvernement que cette fois-ci, c’est fait avec plus de cohérence et de méthode. C’est depuis 1990 que nous avons opté pour le libéralisme économique. Mais entre une déclaration d’intention et des actions qui se mènent au quotidien, il y a un gap. Parfois, nous savons dire les choses sur papier mais les actions concrètes et pertinentes ne suivent pas. Aujourd’hui, tout un ensemble de mesures sont prises quotidiennement pour permettre au secteur privé d’être au rendez-vous et de jouer sa partition. Je veux parlerdes lois votées sur l’embauche, des réformes engagées dans le domaine foncier, dans le domaine fiscal, dans le domaine de la création de l’emploi, dans le domaine de la simplification des impôts et autres taxes à payer, dans le domaine du partenariat public – privé… Tout est fait au quotidien pour faciliter la vie aux entrepreneurs nationaux et étrangers pour qu’ils soient à l’aise à jouer leur rôle. Tout est fait pour accroître l’attractivité de notre pays et vous avez vu les gains de points que nous avons faits dans le classement Doing business. Vous avez vu les différentes notations des agences qui ont référence en la matière et qui apprécient les mesures, les politiques publiques conduites sous le leadership du Président Patrice TALON. Avant, notre pays n’avait pas ce positionnement. C’est tout ça qui concourt à l’attractivité de notre pays parce que, s’il y a quelque chose à ne pas perdre de vue, c’est que nous sommes dans un environnement concurrentiel avec les autres pays de la sous-région. Un investisseur, même un Béninois, peut aller investir dans un autre pays s’il trouve que les conditions lui sont meilleures là-bas. Quelqu’un ne viendra pas investir dans notre pays juste parce qu’on s’appelle le Bénin. Pas du tout !
Parlant de cette attractivité, pouvez-vous nous parler de ces réformes structurelles qui ont permis aux PME de créer la richesse?
Aujourd’hui, il y a par exemple la loi qui a été votée sur la procédure d’embauche et de résiliation. Cela n’a l’air de rien du tout mais un investisseur sérieux quand il décide d’aller dans un pays, ce que nous appelons l’investissement direct étranger, ce sont des choses qu’il regarde à la loupe. Il regarde toutes les conditions qui sont disponibles dans le pays et qui peuvent l’attirer. La mise en service du tribunal de commerce et son opérationnalisation est une mesure importante. La disponibilité de l’énergie en quantité et en qualité est un élément non négligeable. Je ne veux pas vous rappeler quelques périodes difficiles que nous avons connues par le passé et qui ne pouvaient pas concourir à l’installation d’entreprises d’une certaine facture.Aujourd’hui, grâce aux efforts de l’APIEX, il est facile de créer son entreprise en moins d’une heure ou deux heures de temps. Tout a été dématérialisé.
Les efforts, c’est un processus et je pense que nous sommes sur la bonne trajectoire. Les structures autorisées le disent. L’ensemble de ces mesures donnent une visibilité et une clarté à ceux qui sont intéressés, qui veulent vraiment investir et développer leurs affaires.
Je ne vous parle pas des questions sécuritaires. La sécurité est quelque chose dont on ne se rend compte que lorsqu’elle est menacée. Quand tout est normal, on voit que cela va de soi. La sécurité et la sérénité dans lesquelles nous sommes aujourd’hui, c’est toujours dans la stratégie du Chef de l’Etat d’offrir les conditions favorables à notre pays.
Monsieur le Ministre, vous avez mis un point d’honneur sur la sécurité de l’emploi mais on a l’impression que le code de l’emploi au Bénin est plutôt bénéfique à la promotion qu’à la sécurité de l’emploi. Avez-vous cette même lecture?
Pas du tout ! C’est une vue de l’esprit. A la prise de cette loi, nous avons eu des retours de ce genre d’impression. La première ressource d’une entreprise, d’un pays ou de toute organisation, c’est l’homme. Dire que parce que le code a dit que pour se séparer d’un collaborateur, on pourrait le faire et n’avoir à lui payer qu’à peu près 9 mois de salaire, que cela pourrait induire une insécurité dans le travail? C’est la première réflexion qui, je m’excuse de le dire, n’a pas poussé très loin. Aucun chef d’entreprise ne veut se séparer d’une ressource de qualité. La ressource a un coût. Dans sa vie professionnelle, on peut passer de plusieurs entreprises, des plus petites aux plus grandes et plus performantes, en conséquence en améliorant son revenu. Si vous-même vous savez qu’il y a une possibilité qui est donnée à votre employeur et que vous êtes performant, vous faites la preuve de votre compétence ; jamais il ne se séparera de vous. Sauf cas de force majeure, bien sûr.
Moi, je suis du secteur privé. C’est dans l’administration publique que quand on vient, l’on a 30 ans à faire. Dans le secteur privé, on est challengé et il faut montrer sa qualité. Nous, jeunes béninois, devons aussi comprendre qu’on ne rentre pas dans une entreprise privéeet même dans l’administration publique pour forcément faire 30 ans et aller à la retraite. Même quand il n’y avait pas cette loi, lorsque les activités d’une entreprise ne prospèrent plus, elle n’attendait pas cette loi avant de licencier. Dire que cette loi introduit une quelconque forme d’insécurité du travail, je dis non. Bien au contraire. C’est elle qui a permis que des grands groupesque nous n’avons jamais vus dans le pays commencent à s’installer et recruter des jeunes parce qu’ils savent qu’en cas de tension sur le marché, la loi sécurise leurs investissements et leur permet de se séparer ponctuellement de quelques collaborateurs. L’emploi ne se décrète pas. Ce n’est pas une variable immuable. L’emploi est la résultante d’un certain nombre de variables sur le marché du travail.
Mais 9 mois, ce n’est pas trop pour demander à quelqu’un d’attendre d’abord?
C’est d’ailleurs pourquoi les travailleurs des entreprises doivent considérer comme s’il s’agit de leurs propres affaires, comme si leur vie et avenir en dépendent. Dans certaines entreprises, des gens, se considèrent comme s’ils n’en ont rien à foutre à partir du moment où ils ne savent pas d’où vous avez réuni votre capital. Des entreprises ont eu des difficultés parfois à cause de la négligence et de la légèreté des collaborateurs. Ça aussi, il faut le dire. Les entrepreneurs qui prennent des risquesont quand même besoin d’être sécurisés. C’est parce que parfois, à défaut du promoteur lui-même, les collaborateurs qu’il associe à diriger son entreprisene font pas preuve de professionnalisme, de rigueur et de la méthode qu’il faut. Ceux qui gèrent avec parcimonie, perspicacité et efficacité, forcément leurs entreprises prospèrent. Et à titre individuel, tout collaborateur qui montre sa loyauté, sa compétence et sa disponibilité au service de l’entreprise ou l’organisation qui l’emploie, je peux vous dire qu’il a zéro pour cent de chance de se faire licencier. C’est une évidence. Ce qui n’est pas le cas de ceux qui paressent dans une entreprise privée comme dans une administration publique.
C’est possible que parfois, sur un coup d’humeur, le chef d’entreprise renvoie un collaborateur parce qu’il ne l’aime plus.
Si c’est une ressource humaine de qualité, ce faisant, lui-même met son entreprise en péril. Une entreprise, ce n’est pas seulement le nom encore moins le logo. Une entreprise prospère à cause du dynamisme, du talent et de la compétence des employés. Aucun chef d’entreprise sérieux ne peut se séparer d’un collaborateur sur une saute d’humeur. C’est des vues de l’esprit.
Le temps des moissons, c’est également 126 unités de transformation de matières premières. Le constat est qu’il y a la mise en place d’un projet de promotion de ces PME. Parlez-nous-en.
Vous faites allusion là à deux importants programmes que notre département ministériel met en œuvre.
Le premier avec l’accompagnement de l’USADF, la Fondation des Etats-Unis pour le développement en Afrique. Quand on parle de l’emploi, il n’est pas qu’urbain, il y a aussi l’emploi en milieu rural. Le Gouvernement du Président Patrice TALON a souhaité que nous puissions accompagner aussi les coopératives et groupements, souvent dans la formation, dans les appuis en équipements, pour leur permettre d’augmenter leurs capacités de production, de mieux vendre et d’accroître leurs revenus et donc de contribuer à un meilleur niveau de vie à leur niveau. Avec l’USADF, ce que nous faisons dans à peu près une cinquantaine de communes et bientôt, nous allons l’élargir à d’autres communes et in fine, couvrir les 77 communes de notre pays, c’est d’accompagner ces groupements et coopératives et de les formaliser.Elles opèrent souvent dans les chaines de valeur d’un certain nombre de spéculations comme le maïs, le manioc, le fonio, l’ananas… Donc, ces groupements qui sont souvent composés d’une centaine de femmes et de jeunes sont appuyés avec des formateurs qui sont mis à leur disposition.Des infrastructures sont construites avec leur collaboration à leur profit pour le stockage, pour la vente ; des instruments de pesage sont mis à leur disposition.
La dernière fois, nous étions à Kpomassè pour remettre un important lot d’équipements et de matériels avec le Coordonnateur de l’USADF ici au Bénin pour plus d’une centaine de millions de francs CFA. Dans quelques jours, je dois être à Djakotomey pour le même exercice et ce sont des choses qui permettent d’occuper les jeunes et les femmes dans nos communes un peu éloignées de la capitale de notre pays et des centres villes car ils ont aussi besoin d’emploi, de gagner leur vie.
Parlant de cette action à Kpomassè où des femmes réunies en coopérative ont bénéficié de l’appui du Gouvernement. Qu’en est-il dans les autres communes ?
Ce type d’action qui rentre dans notre partenariat avec l’USADF est l’une des actions qui apportent un soutien décisif aux groupements et aux coopératives de femmes qui en bénéficient dans plus d’une cinquantaine de nos communes.
J’ai souhaité aller à Kpomassè moi-même, parce qu’il y a d’autres remises de ce type qui se font où je ne me déplace pas forcément, pour saluer le leadership de ces femmes qui font la transformation du manioc en gari amélioré, en tapioca et autres choses, et qui les conditionnent très bien.C’est important que le gouvernement puisse apporter son soutien à ces groupements de femmes sur l’ensemble du territoire national. Toutes choses qui contribuent à créer desmilliers d’emplois.
Il n’y a pas que l’emploi dans l’administration et les grandes compagnies à Cotonou. Il y a aussi l’emploi en milieu rural et c’est une instruction qui a été fortement donnée par le Chef de l’Etat afin que nous puissions accompagner ces groupements. A Kpomassè, c’est une ONG et la Fondation américaine qui gèrent de manière indépendante, totalement dépolitisée.
Nous lançons des appels à projets, les groupements se manifestent et c’est la fondation américaine elle-même qui sélectionne et finance. Les fonds sont totalement gérés par la partie américaine qui donne 500 millions de francs CFA, le Gouvernement du Bénin aussi donne 500 millions de francs CFA, donc nous avons un budget d’un milliard l’année pour exclusivement assurer le financement des groupements et coopératives et promouvoir l’emploi des femmes et des jeunes en zone rurale.
Est-ce que ce montant n’est pas insignifiant ?
C’est déjà un début. Avant 2016, c’était à 250 millions et le Gouvernement a décidé de le porter à 500 millions sur la période de 5 ans. Au terme de cette période, le partenariat sera réexaminé et en son temps, le Gouvernement pourra aviser. Mais avec cette cagnotte, je peux vous dire que le travail qui se fait est excellent.