(Environ 45 milliards FCFA pour doper l’infrastructure qualité et normalisation)
Les infrastructures qualité et la normalisation jouent un rôle de plus en plus important en Afrique de l’Ouest avec la globalisation des échanges commerciaux, l’élimination des barrières tarifaires et l’entrée en vigueur de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). Dans le cadre de l’harmonisation des normes dans la région, un programme système qualité a été mis en place pour renforcer la compétitivité des entreprises et garantir la santé et la sécurité des consommateurs. Le coordonnateur technique national de ce programme, Youssouf Mama Sika, présente dans cette interview, les actions menées à travers cet outil incontournable de développement.
L’économiste : Youssouf Mama Sika, présentez-nous le Programme système qualité Afrique de l’Ouest qui est un programme de la CEDEAO (PSQAO).
Youssouf Mama Sika : Le Programme système qualité Afrique de l’Ouest qui est un programme de la CEDEAO est un projet financé par l’Union Européenne et mis en exécution par l’organisation des Nations Unis pour le développement industriel (ONUDI). Elaboré pour établir la connexion entre les produits de l’Afrique de l’Ouest et le marché international, il œuvre à mettre l’infrastructure qualité de chacun des pays en harmonisation avec l’infrastructure qualité régionale pour une connexion à l’infrastructure qualité mondiale. Il y a les 15 pays de la CEDEAO et la Mauritanie qui bénéficient de ce programme.
Quelles sont les mesures mises en place pour permettre au Bénin de profiter de ce programme ?
En matière de mesure, nous allons tabler sur 5 piliers. Le premier, c’est l’harmonisation des normes sur le plan régional. Comme chaque pays ayant des normes nationales, nous avons réussi à participer aux travaux de normalisation. Au niveau de la CEDEAO, nous avons des normes communautaires. C’est déjà un premier pas d’ouverture de marché. Cela veut dire que nous avons des produits et des services qu’on peut voir de façon communautaire. Le deuxième pilier, c’est la reconnaissance mutuelle. C’est-à-dire la conformité des produits au niveau de chacun des pays. Chaque pays était volontaire pour développer la certification de produit. Le programme a accompagné le Bénin a avoir une accréditation du service de certification de produit. Ce service permettra au Bénin d’être reconnu par la marque de la région. La CEDEAO est en train de mettre en place une marque pour une libre circulation des biens et services. Cela veut dire qu’au niveau régional, nous sommes très reconnus sur cette question de certification. Même la communauté veut utiliser notre appareil de certification pour établir la marque CEDEAO de la qualité.
Toujours au plan national, nous avons eu comme 3ème pilier, des activités métrologiques (la science de la mesure). Grâce au PSQAO on a augmenté sa capacité par rapport aux analyses accréditées. 4ème pilier, nous avons réussi à avoir pour la sous-région, un organisme d’accréditation basé en Côte d’Ivoire pour les 8 pays membres de l’UEMOA. Le dernier pilier, c’est le règlement technique pour harmoniser tout ce qui est texte et loi.
On peut aussi citer plusieurs formations et études. Pour couronner tout cela, nous avons élaboré la politique nationale qualité du Bénin en 2015 qui a finalement été adopté par le gouvernement le 11 juillet 2018.
Est-ce que le Bénin dispose aujourd’hui de laboratoires accrédités pour mieux analyser les produits ?
On peut dire aujourd’hui que le Bénin a 4 laboratoires accrédités reconnus. Mais là n’est pas le souci. Un laboratoire peut être accrédité pour un seul essaie alors qu’il y a dans son domaine une cinquantaine d’essaies. Alors il est question d’ouvrir la fourchette de la gamme des essaies qu’on peut faire dans un laboratoire. Un laboratoire accrédité ne veut rien dire pour un spécialiste. Ce sont les essaies qui sont accrédités.
Lorsque nous pennons l’exemple de l’eau minérale, il y a une dizaine de paramètres que le laboratoire doit analyser. Mais le laboratoire en charge de l’analyse d’une partie des paramètres, lorsqu’il n’est pas qualifié pour le reste des paramètres, c’est qu’il n’est pas mondialement qualifié. Et là, il ne pourra pas donner des résultats fiables. C’est pour cela qu’on parle d’accréditation, car, ce laboratoire doit normalement être accrédité pour chacun des paramètres.
L’accréditation, c’est la reconnaissance de la conformité ou la compétence du laboratoire à analyser des essaies. Aujourd’hui, le Bénin a 4 laboratoires accrédités : 1 laboratoire dans le domaine de l’agro alimentaire mais qui n’a pas tous les essaies ; 2 laboratoires accrédités dans les Btp et enfin dans la métrologie, il y a 1 laboratoire (le laboratoire d’étalonnage des masses). Nous cherchons aujourd’hui à élargir l’assiette des essaies accrédités.
Quel est le processus pour obtenir la certification ?
L’organisme de certification travaille sur la base des essaies de laboratoire, plus les essaies sur le site et l’échantillonnage… Donc un certain nombre d’évaluations et d’analyses sont faites par un groupe d’experts pour dire que oui, ce produit là est certifié pour un temps donné. A ce niveau le produit est désormais surveillé. Par ailleurs, un organisme qui veut être reconnu mondialement doit être accrédité suivant la norme 17065 pour la certification de produit. Alors que la norme qui régit tous les laboratoires d’essaies et d’étalonnage, c’est le 17025. Au Bénin, il y a un seul organisme dont je suis le chef service du volet certification de produit. Il s’agit de l’Agence national de métrologie (ANM) qui a été accrédité en décembre 2018 pour des essaies et le paramètre boissons gazeuses. Nous avons encore besoins d’être accrédités sur plusieurs paramètres pour être compétent sur l’ensemble des programmes que nous offrons. Le programme que nous offrons présentement porte sur l’agroalimentaire : les boissons gazeuses. Nous sommes en train d’ouvrir un autre programme sur les ciments. Ce n’est pas encore prêt pour le moment mais nous allons demander une accréditation.
Vous avez cité la politique nationale élaborée par le Bénin en 2015. Quel est le contenu de ce document ?
Ce document est obtenu à la suite des travaux de deux grands groupes : les organismes qui offrent les services sur le système infrastructure qualité et les organismes qui bénéficient des services par rapport à ce système. Au terme des sessions, nous avons réussi à avoir un document consensuel. Ce travail de terrain a été réalisé en 2015, 2016. Finalement, il a été adopté en 2018. Globalement, le document fait le diagnostic de la situation actuelle en matière de qualité, et propose les solutions avec l’adhésion des acteurs. Il faut une quarantaine de milliard (environ 45 milliards FCFA) pour résoudre ces problèmes au plan national. La stratégie a été consensuelle parce qu’elle a permis de toucher tous les acteurs socioéconomiques, des banques, les acteurs de l’agroalimentaire, de l’industrie, du tourisme…
Est-ce que ce plan offre un cadre adéquat pour le développement du Bénin en termes de qualité convenable, pertinente et efficiente ?
Oui. La politique nationale qualité du Bénin a proposé des solutions pour sortir de l’impasse. Déjà au niveau de l’ANM, nous offrons les services de la certification. Pour que le consommateur soit sécurisé, il faut un minimum de service. Est-ce que le consommateur béninois est prêt à payer le prix de la qualité ? Non. Avec une vingtaine d’années d’expérience dans le secteur, je vois que c’est là le challenge. Le consommateur béninois cherche le moins cher. Très peu se soucient de la qualité.
Que faut-il faire pour corriger le tir ?
Nous sommes à l’essai mais chacun doit jouer un petit rôle de mutualisation. Il faut la conscientisation et la sensibilisation. Le jour où le consommateur va prendre conscience, tout sera résolu. Car, les offreurs se cachent derrière le fait que le consommateur n’est pas prêt à payer les produits de qualité. Lorsque le consommateur va commencer par réclamer la qualité quel que soit le prix, cela va tout révolutionner.
Avec cette situation, pensez-vous que le Bénin est prêt pour profiter de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) ?
Je ne pourrai dire ni oui ni non. C’est vrai que depuis quelques années, il y a eu beaucoup d’efforts. Si on compare la situation d’aujourd’hui par rapport il y a, 5 ans, il y a eu beaucoup d’efforts en ce qui concerne la conscientisation des promoteurs. On peut même dire qu’aujourd’hui nous avons fait de très bon travail car, les professionnels sont rentrés dans le secteur. Mais il y a encore de gros efforts à fournir puisqu’il y a des gens qui sont restés à une étape stationnaire. Cela vient plomber tous les efforts consentis par les autres. La ZLECAF est ouverte à tous les producteurs. Mais quels sont les services que le Bénin est capable d’offrir ? Là va intervenir les questions de norme communautaire.
Qu’est-ce qu’on peut alors espérer en terme de perspectives ?
Chacune des structures impliquées dans la Politique nationale de la qualité doit pouvoir disposer des ressources pour mettre en œuvre les actions indiquées dans le document. Quant au PSQAO, c’est parce qu’il y a eu des activités en retard qu’on a permis un retard de 7 mois pour finir les activités déjà entamées. Les activités dans ce cadre on été bouclées déjà. Normalement l’année prochaine on doit pouvoir faire une évaluation. Nous avons beaucoup de réalisations qui n’étaient pas prévues dont certaines accréditations. Il faudra faire le point et chercher le financement pour le reste des activités.