Face aux problèmes d’insertion professionnelle, nombre de jeunes béninois optent pour la vente de l’essence de contrebande. Si le choix est favorisé par la proximité du Bénin avec le Nigéria et la facilité de ceux qui vont dans le secteur à faire aisément fortune, cela hypothèque la lutte des gouvernements successifs pour enrayer le fléau de l’essence de contrebande qui prend de l’ampleur dans le pays et absorbe des milliers de jeunes.
Bidossessi WANOU
L’essence de contrebande, communément dit ‘’kpayo’’ a la peau dure en République du Bénin. Les différentes actions des gouvernements successifs pour en venir au requiem de cette denrée qui, tel un château de carte, fait des riches comme des malheureux de par ses feux ravageurs, se heurtent non seulement à un faible taux de couverture du territoire national en station service mais aussi au taux croissant de chômage au Bénin. A la sortie des écoles et universités, pouvoir se frayer un chemin vers le marché de l’emploi est une équation presque insoluble pour la majorité des jeunes béninois qui, pour joindre les deux bouts, vont chercher refuge dans certaines activités, et ceci, malgré eux, notamment quand il s’agit du commerce de l’essence frelaté Kpayo. Toutefois, la réalité au Bénin fait des opérateurs du kpayo, des arrivistes qui se sont moquée des risques. Le département de l’Ouémé, notamment, la ville capitale, Porto-Novo, détient le palme d’or de la commercialisation de ce carburant. Toutes les catégorises socioprofessionnelles s’en accommodent même. Gildas, un fonctionnaire de Police confie par exemple qu’il fait le business avec son véhicule : « Je rentre au Nigéria avec mon véhicule, je fais le plein et je reviens livrer à Cotonou. Pour cet agent de police, c’est la manière trouvée pour arrondir les fins du mois encore que le rançonnement est interdit. Contrairement à ce flic, Sylvain Yoclounon, titulaire d’une licence en allemand a carrément abandonné les vacations pour ce business. Il raconte « j’ai fait deux ans de vacation mais à côté de ce que je gagne avec le ‘’Kpayo’’, j’ai opté de poursuivre uniquement avec çà ». Comme, lui, dans la ville capitale comme’ dans certains artères de Cotonou et Abomey-Calavi, nombre de jeunes sortis des universités évoluent dans la commercialisation du ’’kpayo’’. Si pour les uns, c’est un héritage, pour d’autre, c’est une échappatoire pour tromper le chômage. Gilberte Yaovi, commerçante du ‘’kpayo’’ à Akpakpa confie par exemple qu’elle s’y dévoue à défaut du mieux ; « c’est parce que je n’ai pas trouvé mieux » a-t-elle confié confiante des risques qu’elle court.
Acteurs malgré eux
Tous ceux qui opèrent dans la vente du ‘’kpayo’’ au Bénin n’y sont pas allés de leur gré. Des têtes biens faites foisonnent dans ce secteur et s’exposent à de dangereux risques. Au fait, selon les explications de Dègbo Béranger, docteur en médecine, l’essence frelatée a de graves répercutions que ce soit, à court, moyen et à long terme aussi bien sur ses distributeurs que ses consommateurs. Ceux-ci ne l’ignorent pas certes pas mais, le contexte sociologique influence assez. Pour Dénis Hodonou, Sociologue à l’Université d’Abomey-Calavi, certains y vont par suivisme car, il est facilement démontrable que ceux qui s’orientent vers le Kpayo font fortune en un lapse de temps. Spécialiste en sociologie de débrouillardise, Bruno Montcho explique que les jeunes diplômés et même ceux qui s’orientent dans ce secteur en faisant fi des dangers, y vont par souci de se débrouiller parce que lassés d’attendre un emploi dont ils ignorent le moment précis pour l’obtenir. Mais les facilités apparentes qu’offre le secteur en profits contribuent aussi à une ruée des jeunes malgré les nombreux cas de dangers qui le secouent. « Je tourne environ des millions chaque mois, avec un bénéfice journalier de l’ordre de 30 à 40 milles francs CFA » a confié par exemple Gilbert Yaovi, qui enchaîne, « dans aucune fonction publique au Bénin, cela n’est possible » à moins que vous ne voliez l’Etat. Pour ces jeunes donc, la vente de l’essence ‘’kpayo’’ où ils s’aventurent en vue de tromper le chômage, rivalise bien avec d’autres projets et souvent, ils ont de la peine à se reconvertir.