Depuis le début de cette année, le monde des affaires et les experts assistent – impuissamment – à la montée en flèche de la valeur du dollar américain, qui s’est apprécié de 22% face au yen, de 13% face à l’euro et de 6% face aux diverses devises des marchés émergents. Cette ressuscitation du billet vert semble constituer un chemin de croix pour les économies en développement en ces temps incertains.
Issa SIKITI DA SILVA
Un tel raffermissement du dollar en quelques mois a des implications macroéconomiques importantes pour presque tous les pays, compte tenu de la prédominance de cette devise dans le commerce et la finance à l’international, se sont lamentés deux spécialistes de l’économie mondiale du Fonds monétaire international (FMI). En effet, à en croire Gita Gopinath et Pierre-Olivier Gourinchas, pour de nombreux pays qui luttent pour faire baisser l’inflation, l’affaiblissement de leur monnaie par rapport au dollar a rendu la lutte plus difficile. En moyenne, ont-ils expliqué, la répercussion estimée d’une appréciation du dollar de 10% sur l’inflation est de 1%. « Plus de la moitié du commerce international est réglée en dollar. On imagine aisément l’effet négatif que cela peut avoir sur les entreprises de toutes tailles et les particuliers. Beaucoup de pays émergents ont une partie de leur dette libellée en dollar américain. Certains peuvent couvrir les intérêts qui viennent à échéance en puisant dans leurs réserves de change », a affirmé William Gerlach, country manager France chez IbanFirst, cité par le site d’informations Capital.fr.
Réponse appropriée
Selon le FMI, la réponse appropriée consiste à permettre au taux de change de s’ajuster, tout en utilisant la politique monétaire pour maintenir l’inflation proche de son objectif. « Le prix plus élevé des biens importés contribuera à apporter l’ajustement nécessaire aux chocs fondamentaux car il réduit les importations, ce qui contribue à son tour à réduire l’accumulation de la dette extérieure. La politique budgétaire devrait être utilisée pour soutenir les plus vulnérables sans compromettre les objectifs d’inflation », ont recommandé Gita Gopinath et Pierre-Olivier Gourinchas. Dans cet environnement fragile, il est prudent de renforcer la résilience. Bien que les banques centrales des marchés émergents aient accumulé des réserves en dollars ces dernières années, reflétant les enseignements tirés des crises précédentes, ces réserves sont limitées et doivent être utilisées avec prudence, dixit le FMI. Les deux experts du FMI appellent les pays à préserver des réserves de change vitales pour faire face à des sorties et des turbulences potentiellement pires à l’avenir. « Ceux qui le peuvent devraient rétablir les lignes de swap avec les banques centrales des économies avancées ». Face à la hausse du dollar, l’environnement économique devient de plus en plus compliqué pour toute une myriade de pays émergents ou en voie de développement, a indiqué William Gerlach, ajoutant que la hausse du dollar fragilise aussi l’économie chinoise, dont la fuite des capitaux qui a lieu en ce moment a atteint la proportion connue en 2015-16 au moment de la dévaluation du yuan.