Alors que l’Afrique investit massivement dans les câbles sous-marins pour améliorer la connectivité numérique, la solution satellite se dessine comme un complément incontournable pour garantir un accès universel et stable à l’internet. Une stratégie mixte qui pourrait accélérer la transformation digitale tant espérée, en particulier au sein de la sous-région UEMOA.
Sylvestre TCHOMAKOU
Le 14 mars dernier, une nouvelle série d’incidents sur les câbles sous-marins de fibre optique a plongé des millions de clients en Afrique de l’Ouest, centrale et australe dans le noir numérique. Ce genre de coupures, malheureusement récurrentes, affecte gravement les Petites et moyennes entreprises (PME), qui dépendent d’Internet pour leur efficacité opérationnelle. Ce, quand bien-même les investissements dans les câbles sous-marins se multiplient, avec des initiatives visant à renforcer la connectivité internet sur tout le continent. Des projets tels que le câble Equiano, financé par Google, et le câble 2Africa, cofinancé par Facebook, figurent parmi les efforts les plus notables pour faire de l’Afrique une plaque tournante numérique. Malgré ces progrès significatifs, la fibre optique seule pourrait ne pas suffire pour répondre aux besoins croissants d’une économie numérique naissante. Dynamique, le marché africain, combiné à une croissance démographique rapide et à une urbanisation croissante, pose des défis considérables en matière de connectivité. L’infrastructure de fibre optique, bien qu’utile, présente des limites, notamment dans les zones rurales et enclavées où l’installation de câbles reste difficile, coûteuse et parfois impraticable. De ce fait, une importante partie de la population africaine risque d’être laissée en marge de l’inclusion numérique pourtant indispensable au développement. C’est ici que les satellites entrent en jeu. Contrairement aux câbles sous-marins qui nécessitent des investissements lourds en infrastructure terrestre, les satellites offrent une solution plus flexible et rapide à déployer. Des entreprises comme SpaceX avec son projet Starlink, ou encore OneWeb, l’ont bien compris, en visant à offrir une couverture internet mondiale, y compris dans les régions les plus isolées.
Un levier pour l’innovation et la croissance économique
L’intégration du satellite comme complément à la fibre optique pourrait également stimuler l’innovation dans divers secteurs, tels que l’éducation, la santé, l’agriculture et le commerce. Les zones rurales, en particulier, pourraient bénéficier d’un accès accru aux ressources éducatives en ligne, à la télémédecine, et aux plateformes de commerce électronique, favorisant ainsi une réduction des inégalités et un développement plus équilibré. De plus, le développement de l’infrastructure satellitaire est susceptible d’encourager l’émergence d’un écosystème technologique africain, attirant des investissements étrangers et renforçant les capacités locales en matière de technologie spatiale. Pour l’UEMOA, c’est, à n’en point douter, une opportunité de création de nouveaux emplois, de promotion de la recherche et du développement, et de positionnement plus compétitif sur la scène mondiale. Alors que les États membres de l’Uemoa continuent de déployer des efforts pour harmoniser leurs politiques numériques, l’adoption d’une stratégie duale pourrait garantir une couverture plus uniforme et fiable sur l’ensemble de la région.
Un cadre réglementaire à adapter
Malgré ses promesses, le développement du satellite en Afrique se heurte encore à plusieurs obstacles. Les régulateurs télécoms doivent adopter des cadres réglementaires plus flexibles pour encourager un marché concurrentiel. La neutralité technologique, une simplification des régimes de licences, et une réduction des frais de spectre et de fiscalité sur les équipements sont autant de mesures indispensables pour rendre ces solutions accessibles au plus grand nombre.
En plus de faciliter l’offre de services pour les opérateurs privés, il paraît nécessaire que les États africains, dans le cadre de leurs regroupements régionaux, envisagent des projets communs d’infrastructures satellitaires. Un exemple inspirant vient de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), qui a récemment décidé d’investir collectivement dans un satellite régional pour améliorer la connectivité Internet.
Si l’Afrique aspire à réaliser son potentiel numérique, adopter une vision stratégique qui intègre à la fois les câbles sous-marins et les satellites paraît plus responsable et à la taille des ambitions. Loin de se substituer à la fibre optique, les satellites doivent être envisagés comme un complément essentiel, garantissant une connectivité efficace et inclusive pour tous. Pour l’Uemoa, en particulier, cette voie hybride représente non seulement une réponse aux défis actuels, mais aussi une réelle opportunité pour accélérer sa transformation digitale.