La transformation du cajou est en petite forme au Bénin. Le gouvernement fait un gros travail pour améliorer la production et l’exportation. Mais la transformation continue de souffrir face au manque de financement et de mesures adéquates.
Félicienne HOUESSOU
L’un des défis du gouvernement béninois est de faire de l’anacarde la deuxième filière porteuse après le coton en vue de booster l’économie nationale. Cette ambition se traduit à travers la pluralité des mesures pour accroitre la récolte. Une fois produit, la transformation de la noix de cajou est faible dans notre pays est pratiquement laisser pour conte. Sur une production de 130.000 tonnes, le pays ne parvient à transformer qu’environ 15.000 tonnes. Seulement trois produits donnent de la valeur ajoutée au cajou béninois. Il s’agit du baume de cajou qui est vendu sur le marché international ; de la coque qui est utilisée pour le chauffage ; du jus de la paume de cajou et l’amande qui est le plus vieux et le premier produit fini issu de l’anacarde béninois. Cette amande est exportée vers les Etats-Unis, l’Europe, le Japon, la Chine et l’Inde. Malheureusement, les prix s’effondrent et la filière entière souffre. Selon le spécialiste international N’Kalô, les prix de l’amande ne sont guère mieux. Cette baisse correspond à leur plus bas niveau depuis août 2014. « Au Burkina Faso, au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Ghana, la demande se tarit, les acheteurs se retirent et les prix chutent fréquemment en dessous du prix minimum officiel. Les prix sont revenus au niveau de 2015 », explique N’Kalô dans son dernier rapport. Allant dans le même sens, Roland Riboux, le Président directeur général de la société Fludor Sa, Bénin président du Conseil des investisseurs privés du Bénin (CIPB), explique : « La raison c’est que les quantités une fois arrivées au Vietnam ou en Inde, les banques de ces pays ont relevé comparable à compte qu’aux prix actuels, on n’arrivait pas à avoir une marge bénéficiaire de ce qu’elles vendaient sur le marché américain et autres. Donc les banques ont arrêté leurs financements. Ce qui fait que beaucoup d’acheteurs vietnamiens ou indiens n’achètent plus. Ceux qui avaient vendu, (les exportateurs intermédiaires de l’Afrique de l’ouest en particulier) ont dû aller sur place pour s’occuper de la cargaison qui est arrivée. Certaines quantités sont restées sur le quao ». La faiblesse de la demande en amandes et les problèmes de financement des transformateurs asiatiques, indique N’Kalô. Pour manque de financement, les transformateurs réduisent leurs achats de noix brute et, pour pouvoir continuer à tourner, ils vendent rapidement leurs stocks d’amande de cajou quitte à accepter des prix extrêmement bas et vendre à pertes.
La main forte du pouvoir public sollicitée
« Le défi c’est acheter pendant 2 mois et transformer pendant 10 mois. Donc il faut avoir des reins solides du point de vue financier et crédit bancaire pour pouvoir accumuler un gros stock et ensuite l’écouler petit à petit », indique Roland Riboux. Plus grand transformateur de noix de cajou, ce dernier nourri plusieurs ambitions mais le manque de soutien vient changer la donne. « Nous sommes en principe dans une phase de monter en puissance. Puisque théoriquement en 2016, 2017, on voulait être à 6000 tonnes, 2018 à 12000 tonnes et 2019 à 18000 tonnes. Mais en réalité l’année dernière on s’est arrêté aux environs de 8000 tonnes parce que ce n’était pas rentable. On perdait de l’argent sur l’anacarde transformé. Cette année nous comptons aussi atteindre 8000 tonnes. Il faut attendre que le marché mondial se stabilise avant d’aller plus loin. Pour que nous ayons aussi un soutien significatif de l’Etat, ce qui n’est pas encore le cas pour le moment », informe-t-il. Le taux actuel de transformation de l’anacarde au Bénin est de 10%. Le défi du gouvernement c’est d’atteindre au moins 50% d’ici 2021. Et pour cela, il va falloir mettre la main à la pâte. Comme l’avait souligné le ministre de l’agriculture, Gaston Dossouhoui, « on ne se lève pas un matin pour grandir, il faut de l’anticipation et du dynamisme. Afin de mieux accroitre la transformation, les transformateurs citent en exemple la Côte d’Ivoire qui accorde une subvention de 400f par kilo sur l’amande exportée. Ce qui fait 90 Fcfa sur la noix brute. « Si cela pourrait être le cas ici, ça aiderait énormément et encouragerait à transformer davantage », conseille Roland Riboux.
Le Bénin à l’école de la Côte d’Ivoire
La Côte d’Ivoire met en place de nombreuses stratégies afin de renforcer la compétitivité dans la transformation de cette spéculation en vue d’accroître les investissements dans ce secteur. Depuis 2014, l’Etat de la Côte d’Ivoire a adopté un ensemble de mesures dont les plus importantes sont le système de récépissé d’entreposage, la subvention à la transformation, le mécanisme de garantie auprès des banques et le Projet de promotion de la compétitivité de la chaîne de valeur de l’anacarde. Dans le souci de dynamiser la transformation locale, notamment par l’entrée de nouveaux investisseurs, une plateforme d’échanges entre le secteur privé et le secteur public a été mise en place par l’Etat en vue d’identifier et de favoriser des mesures incitatives au profit des investisseurs. Mieux, pour renforcer la compétitivité et la rentabilité des entreprises engagées dans la transformation de l’anacarde, la Côte d’Ivoire a institué en juillet dernier des mesures fiscales incitatives favorables aux investissements. Parmi lesquelles : la subvention pour les amandes blanches exportées, financées sur une partie des taxes à l’exportation et la priorité à l’approvisionnement des transformateurs avant toute exportation.
De plus, le gouvernement ivoirien a récemment signé huit conventions avec des industriels en vue de la transformation de 107.000 tonnes d’anacarde sur quatre ans, ce qui devrait permettre au pays d’atteindre au moins 47% de noix de cajou transformées en 2022. Ces conventions consacrent entre autres l’exonération de droit de douane et de la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée) sur les lots de pièces de rechange, en fonction de la zone d’investissement. Les entreprises bénéficiaires devront accroître les quantités de noix de cajou transformées. Ce qui devrait permettre d’atteindre un taux de transformation locale d’au moins 47%. A cet effet, le ministre ivoirien de l’Économie et des finances, Adama Koné, assure que le gouvernement garantira les conditions favorables à l’application des conventions. Une panoplie de mesures incitatives dont le gouvernement béninois devrait s’inspirer. Ceci permettra de redorer le blason de la filière anacarde, deuxième culture d’exportation du pays après le coton. L’offre en noix de cajou brute est abondante et elle pourrait l’être davantage lorsque la transformation connaitra un rebond significatif. Car, dit-on, la demande crée l’offre.