La convergence est d’abord un concept, ensuite une disposition pratique qui permet de définir les caractères spécifiques d’un projet commun : « convergence » : Ainsi, apparaissent nécessairement deux notions essentielles : le critère et la norme.
Le critère, c’est le principe auquel on se réfère, c’est-à-dire la règle générale théorique qui guide la conduite d’un groupe d’Etats en matière de la bonne gouvernance. Tandis que la norme, c’est ce qui est conforme à la règle établie et adoptée, d’un commun accord par ce groupe d’Etats, cette communauté. C’est donc une action commune de tendre vers un même but. C’est pourquoi la convergence n’est pas et ne peut devenir, par la suite, un engagement politique neutre de tout Etat membre d’une Union Economique.
La « convergence », lato-sensu consiste donc à engager pour un même résultat des efforts convergents dans une tendance évolutive liée à la vie d’une communauté humaine ayant un destin, à priori inséparable ou unie par un intérêt.
Mais, cet engagement politique, vu comme une injonction à mieux gérer devient un fardeau et, enlève son caractère incitatif et créatif pour une bonne gouvernance. Les sociétés occidentales se vantent d’avoir crées un monde meilleur, libre et généreux. Vraiment est-ce le sentiment de l’Africain ? Cette modernité n’a rien changé aux problèmes de l’humanité : les conflits armés, plusieurs millions de personnes qui meurent de faim chaque année, des sans abris, les inégalités sociales inacceptables produisant des laissées pour compte avec l’éclatement de divers scandales dont politico-financiers… Il s’agit d’établir, dans la douceur, un monde de paix, de justice et d’amour entre les hommes. Ce n’est ni l’uniformisation de la société, ni la recherche d’une société parfaitement égalitaire. C’est appliquer progressivement une nouvelle convention de vie ; un modèle dit : Revenu pour le Plein Emploi (RPE) permettant de réduire les inégalités sociales et de valoriser la personne humaine, maitriser les spéculations financières et autres. C’est également l’imposition des fortunes, des patrimoines. Une priorité, c’est financer l’économie réelle, c’est-à-dire les biens essentiels de première nécessité, par tranches d’âges laissant à chaque citoyen de progresser dans une autre catégorie sociale ; sous la présence d’un Etat régalien mais dans une mission de compassion et de régulation de la société afin d’éviter en perspective un affrontement de classes sociales.
UEMOA/CEDEAO, des convergences incomparables
Pourquoi, l’on constate encore une lenteur dans l’unification des pratiques de bonne gouvernance au sein de la CEDEAO ?
Le tableau de convergence-bilan de l’UEMOA, ci-après intitulé : « état de la convergence en 2018 » mentionne cinq (5) grandes rubriques selon l’objet recherché par cette communauté, elle-même partie intégrante de la CEDEAO. Tandis que les sept (7) autres Etats membres de la CEDEAO, (avec une situation particulière du CAP Vert, identique au système UMOA), fixent la priorité sur deux (2) critères : La convergence du premier rang : ratio du déficit budgétaire/ PIB nominal, taux d’inflation, financement du déficit budgétaire par la banque centrale et réserves brutes. Et la, convergence de second Rang qui se préoccupe : des arriérés, du ratio recettes fiscales/ PIB nominal, du ratio masse salariale/ recettes fiscales, du ratio investissements publics financés sur ressources internes/ recettes fiscales, du taux d’intérêt et de la stabilité des taux de change réel.
Par la réalité économique, selon les travaux du Professeur Jean Fourastie, cet « immortel », une pensée économique fondée sur le réel (Cf productivité et richesse des nations Callimard, Paris), il est conséquent d’admettre que les préoccupations de bonne gouvernance de ces deux organisations apparaissent identiques. Mais, chacune de ces communautés se réclament des approches expérimentales propres qui sont de nature à ne pas favoriser, du moins dans la solidarité économique et politique, la convergence unitaire : Celle qui permet de disposer d’un principal instrument de politique de développement, la banque Centrale multinationale. Au mieux, ces Etats peuvent demeurer à la fois dans une Union Monétaire, pour un groupe et, en Entente Monétaire, avec le second groupe et, sans un grand succès de parvenir à une Union Monétaire définitive pour l’ensemble de cette Communauté.
Il nous apparait que cette principale difficulté est connue de l’ensemble des chefs d’Etats de la CEDEAO. Et, celle-ci a été évoquée dans une interview par Alassane Ouattarra, gouverneur honoraire de la BCEAO, président en exercice de l’UEMOA qui a reçu mandat de ses pairs de l’UEMOA pour mener cette réforme, en ces termes précis : « La réforme doit se faire de manière graduelle avec les pays qui respecteront les critères de convergence. Nous devons également nous accorder sur le statut de la Banque Centrale Fédérale, le régime de change et d’autres éléments techniques » (cf jeune Afrique N° 3088 du 15 au 21 Mars 2020 »).
La création d’une monnaie commune des pays membres de la CEDEAO est officiellement en discussion depuis 1989, soit il y a au moins une trentaine d’année en 2020.
Le 29 juin 2019, les dirigeants de la CEDEAO ont adopté formellement le nom « Eco », pour la monnaie unique. Mais qu’en est-il du respect des quatre principaux critères de convergence qui sont :
- Un déficit budgétaire n’excédant pas 3%
- Un taux d’inflation annuel moyen inférieur à 10%
- Le financement des déficits budgétaires par la Banque centrale ne devrait pas dépasser 10¨% des recettes fiscales de l’année précédente
- Des réserves extérieures brutes représentant au moins trois mois d’importations doivent être disponibles.
La Commission de la CEDEAO, sur instructions des instances suprêmes de l’Organisation, devait produire en Octobre 2019, un rapport sur l’état de la conformité des dits critères susmentionnés. Où en sommes-nous ? On note que les chefs d’Etats de la CEDEAO, en session extraordinaire, le 23 avril 2020, convoque une réunion du Conseil de convergence « afin d’examiner l’impact de la pandémie à la COVID-19 et ses implications sur les performances en matière de convergence macroéconomiques en 2020 et pour les années avenir ». Du reste, rien ne s’y oppose durant cette crise du coronavirus, d’adopter la « convergence » : Critères et normes de bonne gouvernance. Car, le financement de l’économie réelle, les besoins de première nécessité dans un système de plein emploi ne crée pas de surcharge, d’inflation incontrôlée.
UEMOA, zone de déflation
Concernant l’UEMOA, on constate que cette zone monétaire est semblable à une zone de déflation : pour une norme de 3% d’inflation, les Etats membres réalisent plutôt des taux d’inflation nettement plus bas, cependant que les normes relatives à la pression fiscale et à la masse salariale sur les recettes fiscales sont insuffisamment respectées. Cette déflation n’est pas fortement ressentie pour deux principales raisons. La première raison, il existe une forme de croissance artificielle, donc de rattrapage, pas homogène, ni inclusive en profondeur.
La déflation- lato sensu, dans une acception monétariste, la monnaie n’étant pas neutre et comme un des instruments de la politique économique- est une diminution continue du niveau des prix, associée généralement à une contraction de l’activité économique : baisse de la demande et un marché de l’emploi déprimé qui résulte soit d’un mouvement spontané de l’économie, soit d’une politique : réduction de la masse monétaire, encadrement du crédit.
L’autre raison tient à une illusion de parfaite réussite par le niveau du PIB, lequel à l’origine, est un indicateur de crise, celle de 1929-30.
Par la suite, le PIB après Bretton Woods est imposé, sous une forme « améliorée », au reste du monde par les Etats-Unis et voilé, secrètement, par et/ ou grâce au Plan Marshall, comme un indicateur de bien-être. Cependant le PIB ne mesure pas plusieurs indicateurs de bien-être dont la santé, l’éducation, l’accès à l’eau potable, à la nourriture, au logement. Le secteur dit « informel », réellement productif, créateur d’emplois et animateur de l’économie sociale du fait que ces petites unités, PME, TPE, ne répondent pas à la norme occidentale de collecte des impôts ; ces initiatives africaines que nous baptisons : Unité Dénaturée de Création de Richesse (UDCR) demeure identifiée comme faisant partie du secteur informel, avec l’adhésion des décideurs africains : hommes politiques, Universitaires, Religieux….
L’Indice du Développement Humain (IDH) du PNUD a réduit, sous ces regards complices, le mythe du PIB et du taux de croissance.
Depuis nos recherches publiées partiellement sous le titre : « Doit-on redéfinir une nouvelle parité du franc CFA ? » (in le Monde de l’Economie, Septembre 1977 ; Paris France), seuls les éléments récents de « l’état de la convergence » dans l’UEMOA permettent de mettre en évidence la véritable nature de zone de déflation du franc CFA. Il n’est pas excessif de dire que la mission de la BCEAO est proche du mandat de la BCE (Banque Centrale Européenne), de maintien de la stabilité des prix ». D’ailleurs, l’institut Monétaire multinational ouest africain et ses archives affirment : « Outre l’objectif explicite de stabilité des prix assigné à la politique monétaire….(et) sans préjudice de l’objectif de la stabilité des prix , la BCEAO apporte son concours aux politiques économiques de l’union ».Cependant, peut-on relever, que dans le système des Banques Centrales Européennes, la BCEAO n’est pas une interlocutrice directe da la BCE. C’est plutôt la Banque de France.
L’Afrique doit cesser de se faire peur et décider de battre monnaie : elle a l’avantage de s’inspirer des expériences africaines et des autres monnaies notamment le dollar américain, surtout le franc français institué le 7 Avril 1803 et, soumis à plusieurs réformes sur le chemin de la création de l’Euro. Mais l’expérience de l’Allemagne est véritablement intéressante. Que s’est –il passé au sortir de la deuxième guerre mondiale ? Toutes les dettes des pays occidentaux en reconstruction ont été annulées dont celle de l’Allemagne qui a créé par la suite, sur des critères précis de bonne gouvernance, sa monnaie nationale, le Deutsche Mark. L’Allemagne n’est-elle pas de nos jours la 1ère économie de l’Europe ?
Un nouvel espoir fondé sur des Ensembles intégrés
Le droit de battre monnaie devient un acte fort de négociation et de souveraineté dans nos sociétés d’individualisme. L’éveil des responsables des institutions panafricaines consiste à agir dans la discrétion, rompus à la persuasion et avec une foi inébranlable, afin d’obtenir des dirigeants politiques africains, une volonté ferme de participer effectivement à la prise des décisions mondiales, ce qui n’est possible que si le continent africain dispose des instruments de négociation : une monnaie de souveraineté, une économie intégrée, attractive et participative pour des populations, certes différentes mais ayant en commun le sentiment de bienveillance. Dans un tel modèle naturel de société, le message divin : aime, pardonne, sers ton Dieu créateur et ton prochain sans te lasser est un objectif commun recherché. C’est la prédominance de l’amour parfait, oblatif qui ne fait aucun mal au prochain. (Sainte Bible, Jean 13,14).
Mais nous devons surtout retenir le double rôle de toute monnaie : un rôle de stabilité et un rôle déterminant dans la politique économique, donc du développement d’une nation. Voilà comment se présentent l’enjeu et le défi de battre monnaie pour une nation, une Communauté économique et sociale. Il faut admettre que toute décision, en cette matière, est un pari à gérer rigoureusement. C’est un choix de souveraineté, raisonné de tout Pouvoir d’Etat en charge et conscient des intérêts communs. C’est pourquoi, cette mise en garde a été faite aux nations par le professeur Emile James, cet « immortel », qui a révélé au monde qu’ « il existe (toujours) des monnaies dominantes et des monnaies dominées », quelque soit le partenaire qui est en face. Ce sont des négociations parfois longues, sécrètes, qui doivent consacrer, en l’espèce, à la monnaie africaine son identité de souveraineté (internationale) négociée et rétablie selon les règles et /ou conventions relatives à la gestion de l’économie mondiale. En effet, de notre époque pour qu’une monnaie soit véritablement internationale, il faut qu’elle remplisse ces trois fonctions : a) monnaie de réserve avec possibilité de contrôle par le Pouvoir concerné. b) monnaie de paiement et, enfin c) monnaie de facturation, c’est-à-dire la fixation des prix des échanges des pays concernés dans leur monnaie, nonobstant que les marchés des capitaux (et/ou flottants) font l’objet de surveillance. Et l’Afrique, à cet égard, dispose de divers instruments dont la BAD. Et les Bourses des Valeurs…
Il n’existe plus une règle rigide liée à un système Monétaire International, depuis que le Président américain Richard Nixon, en 1974, a mis fin au système monétaire international issu des accords de Bretton Woods, en déclarant l’inconvertibilité du dollar en or, et la fin de la stabilité des changes. A cette époque, les Etats-Unis avaient décidé de jouer un rôle mondial de paix et de reconstruction de l’Europe après la seconde guerre mondiale. Cette politique est désormais révolue, à la lumière du rejet du multilatéralisme par les Etats-Unis, notamment au sein des instances de l’ONU et du G.7.
La Discipline Budgétaire
Le Communiqué final de la session extraordinaire des chefs d’Etat de l’UEMOA du 27 Avril 2020, ne fait pas clairement mention de la discipline budgétaire, ainsi celui des chefs d’Etat de la CEDEAO du 23 Avril 2020. C’est l’une des conséquences d’une faible intégration.
La commission de l’Union Européenne, au contraire, avait très tôt annoncé officiellement la suspension des règles de discipline budgétaire pour les 27 Etats membres, afin de permettre à chaque Etat de prendre des mesures pour atténuer les conséquences économiques du Covid-19. En ce qui concerne l’Etat français,Gérald Darmanin, ministre chargé du budget, des comptes publics, annonce un déficit budgétaire de l’ordre de 115% du PIB d’ici fin 2020.
Ce fut le même cheminement politique pour les Etats-Unis. Et, Jérome Powel, Président de la FED, la Banque Centrale Fédérale américaine a annoncé que « la FED fera tout pour utiliser toute la puissance budgétaire sans se préoccuper du déficit », suite à la baisse importante -4,8% du PIB américain au1er trimestre 2020, dans une triste perspective que : « ce plongeon n’est pas terminé », a conclu le président de la FED.
Il y a une parfaite coordination entre la politique budgétaire et la politique monétaire des Etats-Unis et, à des degrés divers de l’Union Européenne, que les Etats africains, faiblement intégrés, dans une position de chacun pour soi, ne peuvent envisager une suspension officielle des règles de discipline budgétaire. Alors que, ces Occidentaux (Etats-Unis +Europe) disposent de la puissance pour annuler les dettes ressortant des mesures de relance de leurs économies post Covid-19. L’on se rappelle de l’histoire réelle de « La monnaie hélicoptère ». C’est le financement tous azimuts des économies avec possibilité d’effacer les dettes.
La « monnaie ZLECAf » dont nous parlerons à propos, n’est pas une véritable création de monnaie. Elle permet, dans la rigueur, de créer des multinationales africaines, de rétablir des secteurs dits stratégiques. C’est une bonne utilisation et stratégique de tous les moyens dont disposent les Etats parties de la ZLECAf, en proposant aux occidentaux et au reste du monde, sans rejeter les règles d’orthodoxie financière, ses propres règles de convergence et ses critères de bonne gouvernance adaptés aux économies africaines. En l’absence d’une telle perspective, l’Afrique serait totalement exposée à toute influence extérieure.
Tout financement de l’économie réelle n’est pas source d’inflation et ignore l’existence de dettes. « Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent » (Saint Bible, Matthieu 6,24 ; Luc 16,13). L’argent est le serviteur élevé au rang de maitre par l’homme qui a créé , de façon factice et fallacieuse, un lien entre la monnaie (l’argent) et la dette en éliminant son simple rôle (naturel) de serviteur pour introduire un autre objectif : l’accumulation de l’argent , son idolâtrie fondée sur un système bancaire de distribution de crédit et du rôle perfide des marchés des capitaux aux objectifs plutôt spéculatifs ; car ils ne financent pas nécessairement l’économie réelle, rôle premier et unique de la monnaie serviteur.
Dieu, source de vie à un amour infini pour les hommes, ses créatures. Tandis que l’argent élevé au rang de Dieu par l’homme, n’aime pas les hommes. C’est l’homme qui aime l’argent, une réelle idolâtrie comme modèle de vie.
L’argent serviteur, dans un rôle divin crée et consolide un lien d’amour parfait entre les hommes et, non un lien de soumission entre un débiteur et son créancier dans une relation d’endettement d’assujettissement et d’orgueil. L’homme est un gérant puisque Dieu a dit : « A Moi l’argent ! A Moi l’or !» (Sainte Bible, Aggée 2,8).
L’Afrique doit se fédérer sur la base des Régions (CER) pour se hisser à la périphérie des Etats-Unis d’Afrique. Que l’Afrique cesse d’attendre de l’extérieur la réponse à tous ses problèmes de développement. Le Ghana, dans le cadre de la riposte contre les effets du covid-19, demande un plan de sauvetage des compagnies aériennes : la multitude en Afrique ? N’est ce pas l’occasion de recréer une ou deux compagnies panafricaines, en remplacement de Air Afrique dissoute par les Etats africains, dans leur illusion de promouvoir une compagnie nationale à vocation internationale ?.
L’Union Africaine devrait créer un Centre de Stratégie et d’Idées (CSI), consultatif, ouvert aux intellectuels africains et de la diaspora, dans l’unique esprit de servir l’intérêt général.
L’Afrique doit s’inscrire dans un multilatéralisme au sein duquel , le continent devient dans la gouvernance mondiale ,une force de propositions et un interlocuteur à qui on fait attention à ses préoccupations, en regard de l’importance de sa population, de son économie et de ses convictions fondées de participer à la création d’une humanité de plus d’amour et de véritable paix avec une foi contagieuse liée à la confiance en un véritable Etre suprême, voire en Dieu : acceptons-le, dans l’humilité, dans la méditation. Car Dieu vit en tout homme.
Dr François Kouadio,
Ancien fonctionnaire international, Economiste-Monétariste.