Le jeudi 05 juillet 2018 dernier, a eu lieu, une brillante soutenance de thèse de doctorat en économie à Orléans en France sous le thème : » Libéralisation commerciale et réaction de l’offre des huiles alimentaires dans les pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Cette soutenance de Noukpo HOMEGNON est une véritable rétrospection scientifique de l’impact des politiques commerciales communautaires sur la performance des économies des pays de l’UEMOA. Ainsi, Noukpo HOMEGNON est sacré Docteur en Economie avec les félicitations du Jury à l’Université d’Orléans en France. La thèse était dirigée au départ par feu Fulbert Géro Amoussouga. Ce travail de recherche a été conduit sous la Direction de Monsieur Philippe Saucier, Professeur émérite à l’Université d’Orléans en France et du feu Amoussouga Géro Fulbert à qui l’impétrant a énormément rendu hommage et à qui il a dédié le travail. Au terme de la présentation des fruits de ses recherches, le jury a présenté ses félicitations à la fin de la soutenance à Noukpo HOMEGNON qui est ainsi sacré Docteur de l’Université d’Orléans dans la Discipline, Sciences Économiques. C’est l’École doctorale sciences de l’homme et de la société de l’université d’Orléans qui a accueilli le Béninois Noukpo HOMEGNON.
Voici la quintessence de cette thèse de doctorat qui a reçu les félicitations des membres du jury.
En effet, les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont reconnu la place prépondérante de l’agriculture dans l’économie ouest-africaine et le rôle d’entraînement que son développement est susceptible d’exercer sur les autres secteurs économiques. C’est dans cette vision que, lors de la Conférence Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union africaine à Maputo, en juillet 2003, ils ont pris, à l’instar de leurs homologues, l’engagement d’allouer au moins 10 % des budgets d’investissements nationaux au développement du secteur agricole afin (i)d’assurer la sécurité alimentaire et la qualité sanitaire des produits dans une perspective de souveraineté alimentaire de la région et (ii) de réduire la dépendance vis-à-vis des importations en accordant la priorité aux productions alimentaires ainsi qu’à leur transformation.
Pour le cas particulier des pays de l’UEMOA, la Commission de l’UEMOA, mise en place en janvier 1995, est devenuel’outil d’intégration et de développement pour l’unification des espaces économiques nationaux. Elle a initié plusieurs politiques économiques dont les plus importantes concernent l’agriculture, l’industrie et le commerce.
Sur le plan agricole, l’objectif de la Politique Agricole de l’UEMOA (PAU) est de réduire la dépendance alimentaire et d’améliorer le fonctionnement des marchés des produits agricoles. Sur le plan industriel, l’objectif de la Politique Industrielle Commune (PIC) est d’assurer et de consolider la compétitivité des entreprises industrielles de l’Union, de favoriser la diversification et la densification du tissu industriel de l’Union. Dans le domaine commercial, le Tarif extérieur Commun de l’UEMOA (TEC-UEMOA) devrait permettre l’ouverture de l’Union sur l’économie mondiale, la protection de la production communautaire, l’intensification des échanges intra-communautaires et la lutte contre les détournements de trafic.
Toutefois, les réformes de libéralisation et d’ouverture commerciale ont été à la fois individuelles et collectives. Elles ont commencé dans les années 1980 avec les Programmes d’Ajustement Structurels qui démontraient aux États qu’ils devraient » se désengager de toute activité industrielle et commerciale en procédant sans plus tarder à la privatisation de leurs actifs… » Ensuite, il y eu les accords sous l’égide de l’OMC, les conventions ACP-UE (Yaoundé, Lomé et Cotonou) sans oublier les APE-UE. Dans l’espace UEMOA, les réformes de libéralisation commerciale ont connu leur épilogue en janvier 2000 avec le TEC-UEMOA où les pays ont adopté des principes de libéralisation au-delà des prescriptions ou recommandations, plongeant la filière des huiles alimentaires dans un véritable cercle vicieux où chaque acteur contribue au déclin de la filière comme le démontre Robert Hirsch en 2002:
- les États, privés de financements concessionnels et contraints de privatiser les sociétés relevant du secteur productif, n’assument même plus les fonctions d’encadrement et de suivi des petits agriculteurs que personne ne leur a jamais demandé d’abandonner;
- les sociétés privées, bloquées dans leur expansion et trouvant difficilement, compte tenu des risques encourus, des financements à long terme pour des plantations dont les performances sont jugées hasardeuses et trop dépendantes de cours médiocres et volatiles, s’intéressent en priorité à leurs propres problèmes et voient dans les petites plantations périphériques davantage un moyen d’alimenter à bon compte leurs usines qu’un potentiel de développement à long terme de la filière;
- les bailleurs de fonds, se retranchant derrière l’absence d’opérateurs fiables ou de structures professionnelles capables d’emprunter, demeurent à l’écart de toute intervention dans le secteur productif, préfèrent consacrer leurs ressources, elles-mêmes en diminution, aux secteurs sociaux et laissent au secteur privé le soin de «faire de la croissance ».
Les béninois se souviendront encore de la crise de gestion entre les Coopératives d’aménagement rural (CAR) et les Unions régionales de coopératives d’aménagement rural (URCAR) de Grand Agonvyqui a conduit à des tueries en 2010. Il serait aussi nécessaire de mentionner les mesures d’austérité de réduction drastique de 90% du personnel de l’Industrie Béninoise des Corps Gras (IBCG-SA)entre 2003 et 2009 passant de 538 à 54agents. De même, les burkinabé se souviendront de l’huile de vidange qui atterrit dans les assiettes des consommateurs du fait des commerçants indélicats.
Ce contexte devient rapidement un terreau fertile pour les importations qui flambent. En effet, en 2008, le Bénin a importé 4363% des huiles alimentaires par rapport à 1999, le Mali ; 2083% et le Togo ; 1000%. Parallèlement, il est observé une dépression de la production. Ainsi, en 1961, le continent africain contrôlait par exemple 72,3% de la production mondiale de l’huile de palme, mais en 2013, seulement 3,9% de la production mondiale. Soit une déprime de 68,4% au profit de l’Asie qui produisait 22,5%en 1999, mais 90,4% en 2013 (soit un rebond de 67,9%).
Ces faits stylisés deviennent suffisamment préoccupants sur la filière des huiles alimentaires où la région dispose quand même des avantages comparatifs certains. Ainsi, les diverses performances envisagées au niveau des politiques communautaires devraient s’observer au niveau de la filière des huiles alimentaires de l’UEMOA, berceau justement de la culture du palmier à huile.
Cependant, la confrontation des objectifs de ces politiques aux tests de cohérence ont révélé des incohérences et des contradictions. D’ailleurs, l’UEMOA n’a plus jamais atteint ses performances d’échanges intra-communautaires des huiles alimentaires après l’adoption du TEC-UEMOA censé pourtant intensifier ou renforcer la dynamique des échanges intra-communautaires. De même, les estimations des équations simultanées, des équations des données de panel et des équations gravitationnelles en données de panel,mobilisées et appliquées sous l’éclairage de la littérature économique, convergent vers les mêmes résultats : Les politiques de libéralisation commerciale ont favorisé une déstructuration du tissu productif et une désorganisation de l’architecture commerciale. De facto, l’offre des huiles alimentaires affiche deux réactions contradictoires au regard de la libéralisation commerciale au sein des pays de l’UEMOA : une réaction dépressive affichée par la production qui plombe et une réaction explosive affichée par les importations qui flambent.
Dans cette perspective, quatre (4) domaines nous paraissent mériter de faire à l’avenir l’objet d’une attention particulière de la part des instances nationales et régionales de décisions : (i) l’adoption des mesures plus protectionnistes de la production des huiles alimentaires dans les pays de l’UEMOA conformément aux mesures antidumping (article 6) et de sauvegarde (article 19) de l’OMC, (ii) le renforcement des structures de contrôle des normes de qualité « Codex alimentarius », (iii) la promotion des Cellules de cohérence de politiques commerciales et (iv) l’adoption d’une clause de flexibilité de politique commerciale communautaire.
Encadré