Faisant face, avant la pandémie du coronavirus, à un réel déséquilibre en matière de protection sociale, l’humanité se retrouve à un niveau plus critique. C’est ce que révèle le rapport mondial sur la protection sociale 2020-2022, réalisé par l’Organisation internationale du travail (OIT).
Sylvestre TCHOMAKOU
A travers le monde, plus de 4 milliards de personnes restent non couvertes de protection sociale. Ce, malgré la pandémie du coronavirus qui a propulsé le niveau mondial de protection sociale, notamment dans les pays développés. C’est la conclusion à laquelle est parvenue l’Organisation internationale du travail (OIT) dans son rapport sur la protection sociale 2020-22 intitulé : « La protection sociale à la croisée des chemins – en quête d’un avenir meilleur ». Pour le Directeur général de l’OIT, Guy Ryder, « Les pays sont à la croisée des chemins… C’est le moment critique pour utiliser la réponse à la pandémie et construire une nouvelle génération de systèmes de droits à la protection sociale. En protégeant les populations de futures crises, de tels systèmes donnent aux travailleurs et aux entreprises la sécurité nécessaire pour aborder avec confiance et espoir les multiples transitions qui les attendent. Nous devons reconnaître qu’une protection sociale complète et efficace n’est pas seulement essentielle pour la justice sociale et le travail décent mais qu’elle permet aussi de créer un avenir durable et résilient.». Selon le rapport, la réponse à la pandémie a été insuffisante et hétérogène, creusant l’écart entre les pays à haut revenu et les pays à faible revenu, et n’a pas permis d’offrir la protection sociale indispensable que mérite tout être humain. En matière de protection sociale, l’étude souligne que les inégalités régionales sont significatives. L’Europe et l’Asie centrale affichent les taux de couverture les plus élevés, 84 pour cent de personnes bénéficiant d’au moins une prestation de couverture sociale. Les Amériques sont aussi au-dessus de la moyenne mondiale, avec 64,3 pour cent. L’Asie et le Pacifique (44 pour cent), les Etats arabes (40 pour cent) et l’Afrique (17,4 pour cent) ont des lacunes manifestes en matière de couverture.
Inégalités à plusieurs variables
Dans le monde, explique l’OIT en évoquant le rapport, la grande majorité des enfants n’ont toujours pas de réelle couverture de protection sociale, seul un enfant sur quatre (26,4 pour cent) bénéficie d’une prestation de protection sociale. Seuls 45 pour cent des femmes ayant un nouveau-né reçoivent une allocation de maternité en espèces. Seule une personne gravement handicapée sur trois (33,5 pour cent) dans le monde touche une pension d’invalidité. La couverture des indemnités de chômage est encore plus faible : seuls 18,6 pour cent des travailleurs au chômage sont effectivement couverts. Si 77,5 pour cent des personnes ayant dépassé l’âge de la retraite perçoivent une pension de vieillesse sous une forme ou une autre, des disparités majeures subsistent entre les régions, entre zones urbaines et rurales, et entre hommes et femmes. A en croire le rapport, les dépenses publiques relatives à la protection sociale varient considérablement elles aussi. En moyenne, les pays consacrent 12,8% de leur produit intérieur brut (PIB) à la protection sociale (hors santé). Les pays à revenu élevé y consacrent 16,4 % de leur PIB et les pays à faible revenu seulement 1,1%. Par ailleurs, le rapport indique que le déficit de financement (les dépenses supplémentaires nécessaires pour assurer au moins une protection sociale minimale à tous) a augmenté d’environ 30 pour cent depuis le début de la crise du COVID-19. Pour offrir ne serait-ce qu’une couverture de protection sociale de base, les pays à faible revenu devraient investir 77,9 milliards de dollars supplémentaires par an, les pays à revenu intermédiaire inférieur 362,9 milliards de dollars supplémentaires et les pays à revenu intermédiaire supérieur 750,8 milliards de dollars de plus par an. Cela équivaut, respectivement, à 15,9%; 5,1% et 3,1% de leur PIB. Conscient de l’importance de ce que la protection sociale est un outil important qui peut générer des bénéfices sociaux et économiques de grande ampleur pour les pays à tous les stades de développement, le DG de l’OIT Guy Ryder a invité les Etats à engager des mesures spécifiques visant à promouvoir une plus grande égalité et des systèmes économiques durables.