Le chaos inédit des morgues au Bénin, depuis que mis à nu par l’Ong « Bénin Diaspora », à travers des enquêtes réalisées, n’a pas manqué de susciter beaucoup d’émois de part et d’autre, au vue des « produits hautement toxiques et cancérigènes » libérés dans le sol. Trois ans après, où en est-on avec la loi devant réglementer le secteur ?
S.T.
Si des actions sporadiques ont été menées avec l’assurance de la définition d’une nouvelle règlementation du secteur funéraire au Bénin, environ trois (03) ans après (2017-2020), le statu quo semble régner en maître. Décharge de « produits hautement toxiques et cancérigènes » dans des fausses sceptiques sans fond ; entassement des corps à 1m80 de hauteur ; régulier commerce du jus de morts pour la fabrication de savons de chance ; des enfants morguiers et fossoyeurs des morgues ; trafics d’organes de cadavres. Voilà le tableau dégoûtant que présentent les morgues au Bénin. Sur les 45 morgues privées que compte le Bénin, seule celle de Covè, dans le Sud du Bénin est en règle vis-à-vis de la loi. Selon le président de l’Ong « Bénin diapora assistance », Médard Koudébi, les 44 autres exercent dans l’illégalité absolue. Sollicité en 2012 par le gouvernement du président Boni Yayi pour l’assainissement du milieu funéraire au Bénin et récemment par le gouvernement du Président Patrice Talon, le spécialiste de l’hygiène funéraire regrette qu’aucun changement majeur n’ait émergé en dépit des multiples propositions faites pour rendre à ce secteur toute sa dignité. Pour rappel, après la vague de dénonciation faite sur la gestion du secteur funéraire au Bénin, conscient de la gravité des faits dénoncés, le gouvernement béninois n’a pas hésité à s’ouvrir pour que des solutions soient trouvées. C’est dans cette logique qu’ont été organisées en juillet 2017, des formations à l’endroit des promoteurs des morgues et élus locaux. A cela se sont ajoutées aussi des formations à l’endroit de plusieurs agents du ministère de la santé. Ceci, afin de lutter contre les trafiquants d’organes humains et de minimiser le risque de contamination défunt-vivants au Bénin. Les actions ne se sont pas limitées à ces quelques unes. En l’absence de réglementation dans le secteur, aussitôt passé le cap des formations, le gouvernement ne s’est pas fait prier avant de mettre en place la commission devant proposer le nouveau cadre règlementaire. Les travaux de la commission achevés depuis le premier trimestre 2018, où en est-on avec l’adoption de ce texte ? Qu’est-ce qui a véritablement changé dans le secteur depuis lors ?
« Rien n’a changé, la situation est catastrophique »
Alors qu’après ces actions, des changements profonds étaient envisagés, il aura fallu peu de temps pour que remontent à la surface les habitudes à la peau dure. Chantages et quête du pouvoir aidant, dans les milieux traditionnels, en dépit de leur fermeture effective au lendemain de la vague d’alertes, les morgues traditionnelles ont repris du service à en croire Médard Koudébi. « Après les dénonciations, grand-choses n’ont pas changé. Les morgues traditionnelles qui sont dans les villages, une bonne partie a été fermée entre temps et les gens ont commencé à faire du chantage aux élus locaux, comme quoi, « si vous ne nous autorisez pas, nous n’allons pas voter. On n’a pas de morgue ici, c’est le seul qu’on a ». C’est ainsi que de chantage en chantage, d’autres ont repris leur activité de conservation de corps à domicile et de séchage de corps au soleil sans aucune autorisation. », renseigne-t-il. En ce qui concerne le projet de décret rédigé et validé entre juillet et août 2017 par la commission commise à cette tâche, aucune suite favorable n’a pu être donnée à ce jour. « Ce décret, explique-t-il, est resté bloqué… C’est tellement encadré mais malheureusement, tout cela semble trop clair. Rien n’a changé, la situation est catastrophique. Je regarde tout le monde et j’observe ». Ainsi relatée, la situation des morgues au Bénin reste toujours d’actualités. Au centre de certaines grandes villes -du Bénin telles que Cotonou et Calavi, des morgues se trouvant au minimum à 150 mètres des habitations, on en dénombre que dans l’imaginaire. Cela va sans dire que le secteur funéraire au Bénin nécessite une profonde mutation.