L’émancipation de la femme passe par sa capacité à travailler au même titre que l’homme, à la construction de la nation. Au Bénin, les femmes osent de plus en plus s’exprimer dans des secteurs d’activités longtemps vus comme la panacée de la gent masculine. C’est le cas de Fernande Nély Oloufadé, ingénieure de conception en énergie électrique au sein de l’entreprise ‘’Eco’’à Tankpè dans la commune d’Abomey-Calavi. A travers un entretien, nous avons mené une incursion au cœur de son travail sans oublier les conséquences de ce dernier sur sa vie de femme.
L’économiste du Bénin : Comment pouvez-vous présenter votre travail ?
Fernande Nely Oloufadé : Dans l’entreprise dans laquelle je travaille, nous avons deux départements, à savoir : le département des Réseaux Electriques et le département des Energies Renouvelables. Dans le département des Réseaux Electriques, j’assiste le Chef Chantier dans les travaux de construction et d’extension de lignes électriques moyenne tension et basse tension. Le département des Energies renouvelables est un nouveau département que j’ai initié dans l’entreprise et dont j’assure la responsabilité. L’objectif est de faire des travaux de dimensionnement et de réalisation des systèmes solaires photovoltaïques. Les activités de ce département n’ont pas encore commencé, car il a été initié tout récemment. Mais toute l’équipe y travaille.
Donnez-nous un bref aperçu de votre cursus scolaire jusqu’à l’université.
J’ai fait l’enseignement général et j’ai eu un baccalauréat (BAC) série D, en 2013. Après mon BAC, je m’étais inscrite à l’Ecole Polytechnique d’Abomey-Calavi (EPAC), pour faire le cycle Ingénieur en Génie Electrique. Je suis sortie Ingénieure de Conception en Génie Electrique, option Energie Electrique, en 2019. Je suis actuellement étudiante à l’Ecole Doctorale des Sciences pour Ingénieur, en vue de l’obtention de mon Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA).
Pourquoi avoir choisi de faire carrière dans les métiers liés à l’énergie solaire ?
J’ai décidé de faire carrière dans ce domaine, parce que pour moi, l’électricité est une passion d’enfance.
Quelle a été l’attitude de vos proches et parents quand vous aviez décidé d’embrasser ce corps de métier ?
Mes parents m’ont demandé si c’est vraiment le Génie Electrique que je veux embrasser comme filière. Je leur avais répondu « oui, c’est ma volonté ». Mon papa m’avait répondu à son tour, « Avec la volonté, on peut tout ». Ma maman m’avait souhaité une bonne chance et m’avait demandé de me donner à fond pour réussir. Dès lors, j’ai eu tout leur soutien, aussi bien matériel, moral que financier. Mes proches et certains oncles m’avaient demandé si ma tête est bien faite pour résister. Cette question était due au fait que, l’étudiant inscrit dans le secteur industriel à l’EPAC, n’est pas autorisé à échouer au cours des années préparatoires, au risque de se faire exclure. Alors, je leur répondais « C’est ma volonté. Avec la volonté, on peut tout ».
Qu’est-ce qui vous a motivée à avancer malgré tous les préjugés auxquels font face les femmes dans la société béninoise ?
Plusieurs raisons étaient ma source de motivation. La première est que l’électricité est une véritable passion depuis mon enfance. Les autres raisons sont entre autres, l’envie de : prouver qu’il n’y a pas de métier exclusivement réservé aux hommes ; prouver qu’avec la volonté et le courage, la femme peut faire tout ce qu’elle désire comme métier ; rendre fiers et honorer mes parents, pour la confiance qu’ils ont eue en moi et aussi leur montrer qu’ils ne doivent aucunement regretter de n’avoir eu que des enfants de sexe féminin ; montrer à tout le monde, qu’avec la volonté et le courage, on peut faire tout ce qu’on désire et très bien ; contribuer au développement du secteur énergétique au Bénin ; être parmi les femmes qui vont réécrire l’histoire du secteur de l’énergie au Bénin et en Afrique.
Quels sont les avantages dont bénéficie une femme qui travaille dans le secteur solaire ?
La femme qui travaille dans le secteur solaire, mieux, dans le secteur énergétique en général, a plusieurs avantages de nos jours. C’est un secteur prometteur, un métier d’avenir, dans lequel la femme peut faire carrière et réussir. De même, avec la politique de promotion et de développement de l’aspect genre de nos jours, la femme a beaucoup plus des ouvertures ou des opportunités que l’homme. Certaines structures et/ou formations, certains projets encouragent fortement les candidatures féminines, lors d’un appel à candidature, par exemple. Aujourd’hui, c’est possible pour une femme du secteur solaire, d’être dans un espace communautaire dans lequel les hommes et les femmes prennent part.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de votre formation ?
Au cours de ma formation, les difficultés étaient surtout axées sur l’insuffisance des cours pratiques pour mieux faciliter la compréhension.
Quel regard portez-vous sur la femme au sein de la société béninoise ?
Pour moi, la femme béninoise est capable de prendre des initiatives. Au Bénin, nous n’avons pas encore atteint l’autonomisation complète de la femme. Mais, j’y crois fortement, car la femme est essentielle pour le développement de notre pays. Elle peut intervenir dans toutes les couches ou tous les domaines de la société. Avec la volonté, la compétence et le courage, elle est capable de gérer et très bien. Alors, la femme béninoise doit œuvrer tout le temps pour son autonomisation et pour la réussite de sa vie.
L’émancipation de la femme est quelque part un frein à son épanouissement au sein de sa famille car on remarque que plus la femme est évoluée plus elle a des difficultés à s’équilibrer sur le plan matrimonial. Beaucoup d’hommes préférant se marier à des femmes qui ont un niveau moins élevé que le leur. Quelle est la responsabilité des femmes dans cet état de choses puisqu’elles ont des difficultés à se soumettre à leurs époux quand elles assument des responsabilités professionnelles ?
Oui, c’est parfois le cas. Une femme qui a trop étudié n’arrive pas à avoir une vie de couple stable et a du mal à être soumise à son mari. Mais, je connais aussi des couples de cadres qui ont parfaitement réussi leur vie conjugale, malgré tout. Alors, je pense que c’est un problème à remédier. Pour ce faire, je propose qu’une femme, peu importe son niveau d’études, doit s’efforcer pour témoigner du respect, de l’attention et de la soumission à son mari. Je pense que, tout est question de volonté, d’organisation et de communication. Je propose également que, la femme se renseigne sur les couples de cadres qui ont pu surmonter cette situation, afin de prendre conseil, pour le bien-être de son couple.
Quels conseils avez-vous à l’endroit des femmes pour leur émancipation ?
Comme conseils, j’invite les femmes à mieux se connaître elles-mêmes, à savoir ce qu’elles veulent, à oser, à avoir confiance en elles-mêmes, à inciter les autres à pouvoir leur faire confiance. Je les invite également à s’affirmer, à se définir des objectifs pour réussir, à travailler ardemment pour atteindre les objectifs fixés. Tout ceci, dans le respect de soi et de l’autre. Pour finir, je les invite aussi à s’intéresser au domaine du solaire, à contribuer au développement du secteur énergétique au Bénin.
Interview réalisée par Nafiou OGOUCHOLA