Le multipartisme né des conférences nationales, a inauguré depuis 1990, une ère de renouveau démocratique en Afrique. Ainsi du cas du Bénin où, comme ailleurs en Afrique francophone, les régimes se succèdent à l’issue d’élections démocratiques. Ces joutes électorales sont des occasions d’énormes dépenses pour les pays dont le niveau de développement est encore embryonnaire. Mais, sur la période des 15 dernières années, le coût des élections présidentielles au Bénin a une tendance baissière.
Jean-Claude KOUAGOU
Des élections onéreuses à des élections à coûts raisonnables. Ainsi peut se traduire la tendance des dépenses en matière d’élections présidentielles au Bénin sur les 15 dernières années. En 2006, la Commission électorale nationale autonome (CENA) du Bénin, avait élaboré un budget initial d’environ 34 milliards de francs CFA sur lesquels, la CENA avait reçu une avance de 11 milliards de Francs CFA pour conduire les premières activités. Dix ans après l’élection présidentielle de 2016 coûtera environ 15 milliards de francs CFA. Soit une réduction de plus de la moitié des dépenses de 2006. Le budget présenté par la Commission électorale nationale autonome (CENA) s’élève à plus de 14 milliards 830 millions de francs CFA… Ledit budget prend en compte les dépenses de sept institutions impliquées dans l’organisation, le contrôle de la régularité et la sécurisation du scrutin présidentiel de février 2016. En présentant son budget au ministre des Finances, le Président de la CENA, Emmanuel Tiando avait insisté sur le caractère pas toujours prévisible des dépenses liées aux élections : « L’organisation des élections est une tâche complexe dont on n’arrive pas toujours à cerner le coût en raison surtout du caractère urgent des dépenses. C’est pour ça que je voudrais vous prier d’avoir toujours une oreille attentive lorsque nous allons vous dire que nous avons peut-être besoin d’une petite rallonge ». Le gouvernement, avec l’appui des partenaires, jouera sa partition pour le financement de l’élection, avait pour sa part rassuré le ministre des Finances, Komi Koutché. L’organisation de la présidentielle 2021 a nécessité un budget de 14.416.959.243 FCFA adopté par la Commission budgétaire réunissant les commissaires de la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA) et les cadres du Ministère de l’Économie et des Finances. S’il est vrai que la tendance des coûts des élections présidentielles au Bénin est baissière, il est à noter qu’il est encore énorme. Car, il faut travailler à capitaliser certains acquis sur le terrain pour ne pas toujours reprendre leur réinvention ou leur réinstallation qui engendre des dépenses importantes. En effet, les soldes qui pourraient résulter de ces dépenses pourraient servir à des réalisations d’infrastructures sociocommunautaires dont les populations ont tant besoin.
Les faces d’une même médaille
Suivant une réalisation d’Alain Foka, la Côte d’Ivoire et ses partenaires financiers ont débloqué 252 millions d’euro pour les élections en 2010. Au Mali, les élections présidentielles et législatives ont coûté en 2018 plus de 76 millions d’euros soit près de 50 milliards de francs CFA pour reconduire un président déjà aux affaires et qui a été renversé 3 ans après. Président et députés balayés par les difficultés de la gouvernance. C’est un peu comme si on a mis cette somme dans les toilettes et on a tiré la chasse, commente le journaliste. Cette somme correspond à plus de 10 hôpitaux de référence dont ont vraiment besoin les populations et qu’elles n’auront jamais. Au Cameroun, poursuit l’analyste, on a dépensé en 2018 pour les élections présidentielles, un peu plus de 82 millions d’euros soit 54 milliards de francs CFA pour reconduire le président aux affaires depuis novembre 1982. C’est l’équivalent de 530 écoles de qualité dans le pays. Ce qui changerait considérablement le monde scolaire et académique. Au Burkina Faso en 2015, on a dépensé pour la présidentielle et les législatives plus de 47 millions d’euros, soit plus de 30 milliards de francs dans un pays enclavé au moment où tous les hôpitaux sont des mouroirs où la priorité doit être la sécurité face à des bandes armées qui tuent sans discernement dans les villages du pays ; où les militaires manquent d’équipements pour défendre l’intégrité du territoire. Puis le président Kaboré a été déchu. Encore des centaines d’hôpitaux brûlés sur l’autel des élections dites démocratiques, des centaines de kilomètres de routes qui ne seront pas construites. En 2018 en RDC, on a dépensé 600 millions de dollars pour les élections générales soit près de 350 milliards de francs CFA correspondant à 400 km de route dans un pays totalement enclavé, 2 parcs agro industriels, 2 avions airbus 319 neufs, 400 bus neufs de marque Mercedes, plus de 4000 écoles primaires et secondaires. Avec cette somme, on aurait pu bâtir 5 barrages hydroélectriques pour fournir l’énergie qui fait si cruellement défaut aux populations ou encore 50 centrales d’eau potable dans ce pays où l’on meurt encore de paludisme.
Les sources internes de financement
Combien coûte une candidature à une présidentielle en Afrique subsaharienne ? Le magazine Jeune Afrique s’est posé cette question qui l’a conduit à faire quelques investigations. Le financement des élections en Afrique appartient aussi bien à l’Etat qui en fait une dépense de souveraineté qu’aux candidats. Ainsi, dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, les personnalités qui souhaitent être candidats à une élection présidentielle doivent notamment payer une caution. Si celle-ci est une formalité pour certains, elle peut être un vrai frein pour de petits candidats. Faut-il être riche pour être candidat à une élection présidentielle ? La question se pose pour de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. Deux cent cinquante millions de francs CFA, soit 380 000 euros, c’est désormais la caution que doit s’acquitter chaque candidat à la prochaine présidentielle au Bénin. Votée le 7 août 2018 par la commission des lois de l’Assemblée nationale et s’inscrivant dans le nouveau code électoral (loi n°2018-31), cette somme explose les compteurs dans ce petit pays qui ne demandait auparavant que 15 millions de F CFA (environ 23 000 euros). Mais le cas du Bénin n’est pas isolé. Dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, être candidat à l’élection présidentielle est devenu un luxe. La Guinée, le Sénégal ou la République démocratique du Congo ont par exemple vu ces dernières années leurs cautions augmenter.