Le vieillissement de la population est bien plus rapide que par le passé. Selon les statistiques de l’OMS, entre 2015 et 2050, la proportion des 60 ans et plus dans la population mondiale va presque doubler, passant de 12 % à 22 %. L’âgisme est-il, alors, une vraie menace pour les sociétés et l’économie mondiale ?
Belmondo ATIKPO
Tous les pays doivent relever des défis majeurs pour préparer leurs systèmes sociaux et de santé à tirer le meilleur parti de cette mutation démographique. D’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le déficit auditif, la cataracte et les défauts de réfraction, les lombalgies et cervicalgies, l’arthrose, la broncho-pneumopathie chronique obstructive, le diabète, la dépression et la démence sont des problèmes de santé courants chez les personnes âgées. Les personnes âgées souffrent plus que les autres de la chaleur excessive. Cette vulnérabilité a été particulièrement mise en exergue lors de la canicule de l’été 2003. Depuis cet épisode tragique, des dispositifs ont été mis en place pour protéger les aînés des risques climatiques, à domicile comme en établissement. Quelques conseils simples à suivre permettront aussi de réduire les risques. La canicule est une période de très forte chaleur au cours de l’été, lorsque la température diurne est élevée sans que la température nocturne descende suffisamment pour rafraîchir l’atmosphère. Par exemple, si les températures dépassent 35 degrés en journée sans descendre la nuit sous les 20 degrés, pendant plusieurs jours, il s’agit d’une situation de canicule.
Les alertes de l’OMS
D’ici à 2030, une personne sur six dans le monde aura 60 ans ou plus. Dans le même temps, la population âgée de 60 ans et plus passera de 1 milliard de personnes en 2020 à 1,4 milliard. En 2050, la population de personnes âgées de 60 ans et plus dans le monde aura doublé pour atteindre 2,1 milliards de personnes. Le nombre des personnes âgées de 80 ans et plus devrait, pour sa part, tripler entre 2020 et 2050 pour atteindre 426 millions. Même si l’augmentation de la part des personnes âgées dans la population – le vieillissement de la population – a commencé dans les pays à revenu élevé (au Japon, par exemple, 30 % de la population a déjà plus de 60 ans), ce sont maintenant les pays à revenu faible ou intermédiaire qui connaissent les plus grands changements. Ainsi, en 2050, les deux tiers des personnes âgées de plus de 60 ans vivront dans ces pays. Du point de vue biologique, le vieillissement est le produit de l’accumulation d’un vaste éventail de dommages moléculaires et cellulaires au fil du temps. Celle-ci entraîne une dégradation progressive des capacités physiques et mentales, une majoration du risque de maladie et, enfin, le décès. Ces changements ne sont ni linéaires ni réguliers et ne sont pas étroitement associés au nombre des années. La diversité observée à un âge avancé n’est pas le fruit du hasard. Au-delà des changements biologiques, le vieillissement est aussi associé à d’autres transitions de vie comme le départ en retraite, la réinstallation dans un logement plus adapté et le décès des amis ou du partenaire. La vieillesse se caractérise également par la survenue de plusieurs problèmes de santé complexes communément appelés syndromes gériatriques. Ceux-ci, parmi lesquels figurent la fragilité, l’incontinence urinaire, les chutes, les états confusionnels et les escarres, découlent souvent de plusieurs facteurs sous-jacents.
Bien vieillir
Aux âges avancés, de récents travaux montrent une évolution favorable de l’espérance de vie sans incapacités dans les dernières années par rapport aux décennies précédentes, mais une évolution moins favorable chez les personnes autour de l’âge de la retraite. Il apparaît donc urgent d’intervenir pour ralentir cette progression défavorable et améliorer la qualité de vie au cours de l’avancée en âge. De récentes estimations laissent présager d’une augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes de 1,2 millions en 2012 à 2,3 millions d’ici 2060. L’allongement de la vie ouvre des possibilités, non seulement pour les personnes âgées et leur famille, mais aussi pour la société dans son ensemble. Ces années supplémentaires sont l’occasion de se lancer dans de nouvelles activités, par exemple une formation complémentaire, une nouvelle carrière ou une passion longtemps négligée. Les personnes âgées apportent également des contributions très variées à leur famille et à leur communauté. Néanmoins, l’ampleur de ces possibilités et de ces contributions est largement tributaire d’un facteur : la santé. Les données existantes laissent entendre que la proportion de vie en bonne santé est restée globalement constante, ce qui suppose une mauvaise santé pour les années supplémentaires. Or, si les gens vivent ces années supplémentaires en bonne santé et dans un environnement favorable, leur capacité à faire ce qu’ils apprécient sera assez semblable à celle des jeunes. Si, au contraire, ces années sont marquées par une diminution des capacités physiques et mentales, les conséquences pour les personnes âgées et pour la société seront plus négatives. Même si certaines différences observées dans l’état de santé des personnes âgées sont d’ordre génétique, la plupart d’entre elles s’expliquent par l’environnement physique et social (notamment le logement, le quartier et les communautés où ces personnes vivent) ainsi que par les caractéristiques personnelles (comme le sexe, l’appartenance ethnique ou la situation socio-économique). L’environnement dans lequel vit l’enfant, voire celui dans lequel le fœtus se développe, couplé aux caractéristiques personnelles, a des effets à long terme sur la manière dont cette personne vieillira. Les environnements physiques et sociaux peuvent avoir une incidence sur la santé soit directement, soit au travers d’obstacles ou d’incitations qui influent sur les possibilités, les décisions et les comportements en matière de santé. Le fait de conserver des comportements sains tout au long de la vie, en particulier d’avoir une alimentation équilibrée, de pratiquer une activité physique régulière et de ne pas consommer du tabac, contribue à réduire le risque de maladies non transmissibles, à améliorer les capacités physiques et mentales et à retarder la dépendance aux soins. De même, des environnements physiques et sociaux favorables permettent aux gens de faire ce qui est important pour eux, malgré les pertes de capacité. Il s’agit par exemple de bâtiments et de transports publics sûrs et accessibles ou encore d’endroits où il est facile de marcher. Pour mener une action de santé publique face au vieillissement, il faut employer des approches axées sur la personne et sur l’environnement qui, non seulement, compensent en partie les pertes associées au vieillissement, mais aussi renforcent le rétablissement, l’adaptation et le développement psychosocial.
L’âgisme, un atout ?
Certaines personnes de 80 ans ont des capacités physiques et mentales similaires à celles de nombreuses personnes de 30 ans. D’autres personnes beaucoup plus jeunes connaissent une baisse importante de leurs capacités bien plus tôt. Une action de santé publique globale doit tenir compte de cette grande diversité d’expériences et de besoins des personnes âgées. La diversité observée à un âge avancé n’est pas le fruit du hasard. Elle s’explique en grande partie par l’environnement physique et social des gens et par son impact sur leurs possibilités et sur leur comportement en matière de santé. Nos caractéristiques personnelles, comme la famille dans laquelle nous sommes nés, notre sexe et notre appartenance ethnique, influent sur les rapports que nous entretenons avec notre environnement, ce qui engendre des inégalités en matière de santé. On part souvent du principe que les personnes âgées sont fragiles ou dépendantes et constituent une charge pour la société. Les acteurs de la santé publique et la société dans son ensemble doivent agir face à ce comportement et aux autres attitudes âgistes qui peuvent entraîner des discriminations et affecter l’élaboration des politiques et la possibilité donnée aux personnes âgées de vieillir en bonne santé. La mondialisation, les avancées technologiques (par exemple en matière de transport et de communication), l’urbanisation, les migrations et l’évolution des normes de genre influent directement et indirectement sur la vie des personnes âgées. Toute action de santé publique doit tenir compte de ces tendances actuelles et de leur évolution future et les politiques doivent être élaborées en fonction de cette réflexion.
Action de l’OMS
L’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 2021-2030 Décennie du vieillissement en bonne santé et a demandé à l’OMS de prendre la tête de sa mise en œuvre. La Décennie du vieillissement en bonne santé est une collaboration mondiale réunissant les pouvoirs publics, la société civile, les institutions internationales, les professionnels, les milieux universitaires, les médias et le secteur privé afin de mener pendant 10 ans une action concertée, mobilisatrice et collaborative à l’appui de vies plus longues et en meilleure santé. Cette Décennie s’appuie sur la Stratégie et le Plan d’action mondiaux de l’OMS et sur le Plan d’action international de Madrid sur le vieillissement et soutient la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et des objectifs de développement durable. La Décennie du vieillissement en bonne santé (2021-2030) vise à réduire les inégalités en matière de santé et à améliorer la vie des personnes âgées, de leurs familles et de leurs communautés grâce à une action collective dans quatre domaines : changer notre façon de penser, de ressentir et d’agir en fonction de l’âge et face à l’âgisme ; renforcer les communautés de manière à favoriser les capacités des personnes âgées ; fournir des soins intégrés centrés sur la personne et des services de santé primaires adaptés aux personnes âgées ; et fournir aux personnes âgées qui en ont besoin l’accès à des soins de longue durée et de qualité.