A l’heure des grandes réformes pour permettre aux collectivités locales de mieux participer au développement, des observateurs ne manquent pas de faire des propositions à même d’aider le Bénin à concrétiser cet objectif. C’est dans cette logique que Beringer GloGlo, Économiste, Fondateur du « Cercle des Jeunes Economistes pour l’Afrique », présente cette Tribune.
Commentaires sur « Réformes de la décentralisation : le Bénin peut s’inspirer du modèle de la Caisse des Dépôts de l’hexagone. ».
Précédemment dans Réformes de la décentralisation : le Bénin peut s’inspirer du modèle de la Caisse des Dépôts de l’hexagone, je me suis fait le chantre des réformes de la décentralisation et du rôle de la Caisse des Dépôts et Consignations au Bénin.
En effet, il y a si peu l’Etat béninois a initié une réforme structurelle de la décentralisation. A long terme, cette réforme vise la responsabilisation et l’autonomisation des collectivités publiques locales et le renforcement ou l’amélioration des services fournis aux populations. Elle devrait, notamment, favoriser l’instauration de dispositif stable et durable pour accompagner le développement socio-économique au niveau des collectivités locales i.e. la construction de logements sociaux, l’aménagement des réseaux d’eau et d’assainissement, la gestion des déchets ménagers, la construction et l’entretien des infrastructures de bases. En sus, le Bénin s’est doté d’une Caisse des Dépôts et Consignations (CDCB) investie d’une mission d’appui aux politiques publiques conduites par l’Etat et les collectivités territoriales, notamment en termes de développement économique et social. C’est donc tout naturellement que la CDCB est l’institution qui porte le socle de la réforme.
L’institution a fait ses premiers pas au cours de l’année 2020. Deux choses sont à faire remarquer à la lecture du Rapport annuel d’activité 2020.
(i) Le risque d’une capture par l’exécutif.
La Caisse des Dépôts et Consignations est une institution du financement de l’économie dont le modèle est connu. En France, la Caisse est un acteur clé avec un modèle unique et réussi du financement de l’économie depuis 200 ans. Elle se veut et s’invite au plus près des collectivités locales via la Banque des Territoires destinée à apporter des solutions idoines de conseil et financement aux projets des collectivités. J’en ai fait l’expérience d’abord à la Direction des Finances du Groupe et ensuite dans un cabinet de conseil privé où j’ai pu constater l’apport de la Caisse au financement de l’aménagement des réseaux d’eau et des stations d’épurations des localités.
La quintessence ou l’ADN de cette institution est la décentralisation. Cela se remarque aussi bien dans sa gouvernance. Notamment, la Commission de Surveillance est constituée uniquement de députés, sénateurs et spécialistes i.e. juristes, ex-PDG d’entreprises du CAC40, économistes. La Présidence de la Commission est assurée par un député, qui rend compte au Parlement au moins une fois par an en communiquant un rapport.
Au Bénin, la Commission de Surveillance (CS) est constituée de sept membres, dont les trois principaux sont de l’exécutif. Le Président de la Commission est aussi le ministre de l’Économie et des Finances, le Président du Comité Audit et Risque de la CS est également le ministre du plan et du développement et enfin le Président du Comité d’Investissement de la CS est le Conseiller Spécial du Président de la République, par ailleurs chargé de la coordination des activités du Bureau d’Analyse et d’Investigation à la Présidence de la République.
Cette organisation jette des doutes sur l’instrumentalisation de la Caisse des Dépôts et l’inefficacité de la Commission de Surveillance. Certes, les principaux bénéficiaires des réalisations de l’exécutif restent les populations. Cependant, le risque inhérent à cette structuration est l’instrumentalisation de la Caisse des Dépôts à des fins politiques. Concrètement, il y a le risque que la Caisse des Dépôts priorise le financement des projets du gouvernement, agissant implicitement en bras armé pour financer les dépenses publiques. La conséquence est une instabilité temporelle et une incohérence de la stratégie de l’institution. Car, en principe, il y a un changement de gouvernement au moins tous les cinq ans. Cela implique une dépendance des choix des domaines d’investissements de la Caisse des Dépôts vis-à-vis des priorités du gouvernement en place. Ce risque est susceptible d’être plus important au voisinage des périodes électorales. C’est ce que les économistes désignent par le Political Business Cycles. Ce mode de gouvernance pose aussi des problèmes de viabilité de l’institution à long terme.
L’autre risque est celui de l’inefficacité de la Commission de Surveillance. Le ministre de l’Économie et des Finances qui présente le Budget de l’Etat central est aussi celui qui présentera le rapport d’activités de la Caisse des Dépôts, une entité dont l’ADN repose sur la décentralisation ?
Quid du Président du Comité d’Investissement de la CS, à cheval entre les décisions d’investissements de la Caisse des Dépôts – entité dont l’ADN est la décentralisation – et l’appréciation de la faisabilité des programmes et projets socio-économiques du gouvernement central ?
(ii) L’épargne des ménages, le grand absent.
Outre, le risque d’instrumentalisation et d’inefficacité, il y a un grand absent eu égard aux ressources mobilisables par la Caisse des Dépôts du Bénin : l’épargne courante des ménages.
En effet, l’épargne courante des ménages est une ressource difficilement accessible en Afrique. Pour cause, le système bancaire classique qui permet de collecter traditionnellement l’épargne n’est pas assez utilisé par la majorité de la population. Toutefois, il y a un instrument qui fait ses preuves auprès de la population africaine, y compris celle vivant dans des endroits difficiles d’accès. Il s’agit des comptes mobiles money, sur lesquels transite la monnaie légale. Une alternative pour pallier le problème pourrait être une collaboration entre l’État central, la Caisse des Dépôts et les opérateurs de téléphonie pour la création d’un compte épargne mobile réglementé (MoMo Epargne).
L’objectif sera d’inciter les populations à détenir une partie de leur revenu sous forme d’épargne sur un compte mobile money moyennant une rémunération périodique (annuelle par exemple).
Ceci constituera une ressource que la Caisse des Dépôts du Bénin pourra mettre au profit du financement de l’économie.