Les acteurs du secteur privé et divers ordres professionnelles réunis au sein du Groupe de travail fiscalité (GTF) ont soumis à l’Assemblée nationale leur commentaire sur le projet de loi des finances pour la gestion 2020. Axées sur 4 propositions majeures, leurs préoccupations visent à améliorer le climat des affaires et le Partenariat public-privé.
Félicienne HOUESSOU
Le Projet de loi de finances pour la gestion 2020 regorge de nouvelles mesures et des avancées appréciables. Néanmoins plusieurs dispositions suscitent des inquiétudes au sein des acteurs du secteur privé. Dans son engagement aux côtés de l’administration à mettre en place une fiscalité de développement adaptée à l’investissement, le Groupe de travail fiscalité (GTF) a fait une étude du budget à travers un document intitulé « Commentaire du Secteur Privé sur le Projet de loi de finances pour la gestion 2020 ». Selon ce document, le projet de loi ne prend pas en compte la plupart des propositions fiscales du secteur privé contenues dans la plateforme 2019 des propositions fiscales du secteur privé béninois. En synthèse, il faut retenir quatre mesures importantes qui dérangent les acteurs privé.
La reconduction de la suppression de la caution bancaire
L’article 1108 nouveau du Code Général des Impôts prévoit que le contribuable ne peut contester le bien-fondé ou la quotité des impositions mises à sa charge sans verser au préalable 25% cash du montant en cause au Trésor public. Cette disposition a été renforcée par l’article 1165 alinéa 10 de la même loi qui dispose clairement que « Nul ne peut surseoir aux poursuites en recouvrement des Impôts, taxes assimilées et amendes, sauf versement, au Trésor Public, par l’opposant d’une caution valant paiement cash de 25% du montant total de la somme contestée ». Pour le Président du Conseil des Investisseurs Privés au Bénin (CIPB), le paiement cash de 25% du montant du redressement fiscal imposé par la loi de finances avant d’aller au contentieux est une mesure préjudiciable aux entreprises. Ainsi, cette obligation empêche les entreprises d’aller au contentieux et par voie de conséquence, met à leur charge, des montants qu’elles ne doivent pas forcément. En conséquence, le secteur privé suggère qu’il soit à nouveau introduit dans la loi de finances, la possibilité pour le contribuable d’aller au contentieux sur la base de la caution bancaire.
La suppression de l’exonération des taxes sur le matériel informatique
Dans son programme d’action, le gouvernement s’est fixé comme ambition de faire du Bénin, le hub du numérique de l’Afrique. La révolution du numérique touchant toutes les activités économiques, le secteur privé, créateur de richesse et d’emploi est au cœur de la commercialisation et de l’utilisation du matériel informatique. Mais force est de constater que la loi de finance prévoit de supprimer l’exonération de la TVA et des droits et taxes de douane sur le matériel informatique. Une mesure qui augmentera sans aucun doute le coût d’acquisition et de commercialisation du matériel informatique, et donc augmentera les charges des entreprises et même de l’Etat. Cette suppression ne répond donc pas à la vaste réforme de digitalisation qui est mise en œuvre par l’Etat béninois puisqu’elle entraînera une hausse des prix desdits matériels et équipements. Le président de la Confédération nationale des employeurs du Bénin (CONEB), Albin Feliho se dit confus face à la volonté manifeste du chef de l’Etat et de son gouvernement de promouvoir le numérique en république du Bénin au point d’y consacrer un ministère tout entier mais, au même moment, de supprimer l’exonération des taxes sur le matériel informatique. Dans le rapport économique et financier de présentation de la Loi de Finances, gestion 2020, l’Administration des impôts reconnaît elle-même que la mesure d’exonération est bien pertinente car répondant à un besoin clairement identifié et prioritaire pour faire de notre administration, une administration informatisée, de service et de développement.
La déclaration unique des impôts sur salaires et des cotisations sociales sur un même formulaire
Il est proposé dans la loi portant budget 2020, d’instaurer l’obligation de déclarer ses prélèvements sur un même formulaire et de les payer à la même échéance suivant les dispositions du Code Général des Impôts pour plus d’efficacité et dans le souci d’améliorer le niveau de l’indicateur « Paiement des Impôts et Taxes » de Doing Business. Le secteur privé tire sur la sonnette d’alarme pour rappeler qu’il s’agit bien des cotisations sociales des travailleurs et qu’il n’est pas normal que cela se retrouve directement dans les caisses de l’Etat central à cause du caractère de l’unicité de compte. Cet état de chose va compromettre dangereusement la pérennisation des ressources de la CNSS et le paiement des allocations familiales et de retraite y prendront également un coup. Les cotisations sociales sont effectuées par mois ou par trimestre pour certains et tous les 15 du mois suivant le mois ou le trimestre échu. En procédant ainsi, les membres du GTF trouve que l’administration des impôts réduit drastiquement le délai du paiement des cotisations sociales de cinq jours et ceci sans aucune consultation du secteur privé. Il propose donc que les déclarations et les paiements soient effectués aux guichets de la CNSS tout en respectant la date du quinze du mois suivant le mois ou le trimestre échu. Mais, au cas contraire, le Secteur Privé souhaite que cette disposition soit retirée purement et simplement à cause de nombreux cas sociaux qu’elle pourrait entraîner pour non paiement à temps réel des allocations familiales et les pensions de retraites.
La taxation des plus-values immobilières
La taxe de la plus-value immobilière, due par le cédant, dont le taux est de 5 % du montant de la plus-value fait partie des nouvelles mesures qui frustrent les acteurs du secteur privé. C’est-à-dire la différence entre la valeur de cession du bien et sa valeur à l’acquisition, à laquelle il faut ajouter les frais de délivrance de titres ou d’actes forfaitairement fixés par le texte à 20%, les commissions versées aux intermédiaires ayant délivré une facture normalisée, les dépenses d’amélioration et de constructions justifiées. Le Secteur Privé fait noter que, dans les pays qui ont une longue tradition dans la pratique de taxation de la plus-value immobilière, la loi fiscale prévoit des abattements, des exonérations pour certains types d’immeubles et certains types de cessions. En conséquence, le GTF craint que la mise en œuvre de cette taxe ne vienne bouleverser l’environnement économique établi et devienne de ce fait, contre-productif par rapport aux prévisions de recettes. Il suggère la réduction de ce taux à 3 %. Cela aura l’avantage de ne pas renchérir le coût de la formalité par rapport au taux anciennement pratiqué de 8 % sur les transactions immobilières.