Tous les regards seront tournés, samedi 16 février 2019 vers le Nigeria. Le géant voisin de l’Est du Bénin organise des élections générales notamment l’élection présidentielle pour réélire Muhammadu Buhari ou élire un autre candidat, Atiku Abubakar. Le suspens reste entier.
Joël YANCLO
Toutes les frontières terrestres seraient fermées du vendredi 15 février au dimanche 17 février 2019 pour les élections présidentielles et législatives de samedi 16 février 2019, apprend-on du ministère nigérian de l’Intérieur. Pays le plus peuplé d’Afrique avec 180 millions d’habitants. Le Nigeria, un poids lourd démographique et économique, la première puissance en Afrique subsaharienne, compte beaucoup sur le continent africain et pour le Bénin en particulier. Il va élire son prochain président de la République. Une soixantaine de candidats sont en lice pour la présidentielle du 16 février 2019 au Nigeria. La course au poste suprême n’a que deux réels concurrents. Le président sortant Muhammadu Buhari, 76 ans, face à son adversaire, l’homme d’affaires et ancien vice-président Atiku Abubakar, 72 ans. Suffisamment rich pour financer des campagnes d’ampleur, et forts de soutiens solides dans les 36 États que compte le pays, les deux hommes rivalisent de slogans et rassemblent des milliers de supporters lors de meetings géants. En ce qui concerne Muhammadu Buhari, candidat malheureux à trois élections avant de l’emporter en 2015, il a incarné la première alternance démocratique de l’histoire du pays. Mais ses promesses de redressement de l’économie, en grave récession depuis le début de son mandat, n’ont pas porté leurs fruits selon des spécialistes du Nigeria. Depuis la chute du prix du pétrole en 2015, le Nigeria, qui reste la première puissance économique ouest-africaine, est à la peine, et les inégalités y sont criardes. Le pays détient le triste record mondial de personnes vivant dans l’extrême pauvreté, avec 90 millions d’habitants, soit 46 % de la population, et le chômage ne fait qu’augmenter. Surfant sur sa réputation d’incorruptible, le président sortant avait promis en 2015 de lutter contre ce fléau présent dans toutes les strates de l’administration. Mais les espoirs qu’il avait suscités à l’époque ont aussi été douchés. En face, Atiku Abubakar est aussi un visage connu depuis longtemps dans la sphère politique nigériane. Candidat du parti d’opposition, au pouvoir de 1999 à 2015, il a été notamment désigné par son parti, le Parti démocratique populaire (PDP), en vertu d’une règle tacite au Nigeria à savoir la présidence doit alterner, tous les deux mandats, entre un chrétien du sud et un musulman du nord. Le prédécesseur de Muhammadu Buhari, Goodluck Jonathan, étant chrétien, le tour d’un homme du nord était venu pour le PDP.
Atiku Abubakar en bref
Ancien vice-président, pendant huit ans, de l’ex-chef d’État Olusegun Obasanjo, Atiku Abubakar est aussi connu pour sa fortune, amassée lorsqu’il était officier des douanes puis avec l’empire industriel qu’il a bâti dans l’import-export, le pétrole et l’agriculture. Libéral, il affirme dans son programme vouloir redonner du travail aux nigérians, et a adopté un slogan inspiré de Donald Trump : « Make Nigeria work again » (Faire travailler le Nigeria à nouveau). L’homme d’affaires multimillionnaire pâtit des soupçons de corruption qui planent sur sa carrière, et lui ont valu, en 2007, de figurer sur la liste des 135 hommes « inadaptés à tenir un mandat en raison de leur corruption » de l’Agence nigériane de lutte contre la corruption. Atiku Abubakar s’en défend, arguant qu’aucune preuve contre lui n’a jamais été présentée à la justice. Mais pour les électeurs, il ne représente pas une alternative très crédible.
Sèmè-Kraké s’en remet à DIEU
Frontière entre le Bénin et le Nigeria, la localité de Sèmè-Kraké, dans la commune de Sèmè-Podji, département de l’Ouémé, haut lieu du commerce informel entre les deux pays, les commerçants suivent de près la campagne électorale entre Muhammadu Buhari et Atiku Abubakar. Un tour dans ce grand cercle de business informel, mercredi 13 février 2019, a permis de suivre les débats sur la présidentielle au Nigeria. De l’avis général, le suspens reste entier et l’on s’en remet à la volonté divine pour départager Buhari et Atiku. « Atiku n’aime pas la corruption, moi je vais au Nigeria tous les jours, je connais tout ce qui se passe là-bas. Je préfère que Buhari continue par diriger le Nigeria. Là on pourra mieux juger ses actions. Atiku lui, a trop de biens, il est trop riche. S’il vient au pouvoir, il va beaucoup œuvrer pour ses intérêts or moi je veux celui qui va travailler pour l’intérêt général c’est pourquoi je veux que Buhari rempile », pense Mathieu Hotègni, un chauffeur à Sèmè-Kraké. Alors que Gninmè Moïse, trouve que « c’est DIEU qui choisit celui qu’il faut pour diriger un pays. Celui qui vient on ne le connait pas encore or celui qui est là on le connaît et on le voit à l’œuvre. Donc c’est DIEU seul qui pourra désigner celui qui va bien gouverner le Nigeria pour que la paix et les affaires entre le Bénin et le Nigeria prospèrent. Quand au cambiste Sodjinou Armel, « c’est celui que Dieu a choisi qui va gagner les élections de samedi. Les deux candidats sont bons pour moi mais c’est celui que DIEU a choisi qui va gagner pour la paix au Nigeria. C’est le choix de Dieu qui est le meilleur. » Même son de cloche chez Leotho Victorien chez pour qui, « on ne peut dire entre Buhari et Atiku qui sera élu président si non qu’ils sont tous les mêmes. Buharu est là on ne voit pas de changement. On dit que Buhari n’est pas bon il faut amener Atiku et si Atiku vient qu’est ce qu’il va amener comme changement. Que la volonté de Dieu soit faite. » Ce qui est sûr et certain, c’est que les enjeux économiques font partie des principales préoccupations des Nigérians. Reste à savoir si la population, désabusée, est encore assez motivée pour se mobiliser lors du scrutin du 16 février. Verdict dans 24 heures.