Bien que la majorité des Etats membres de l’Uemoa aient, au cours des cinq dernières années, adoptés des réformes pour faciliter la création d’entreprises, le taux d’unités opérant toujours dans l’informel reste vertigineux. Quelle stratégie faut-il réellement mettre en place pour inverser la tendance ? Dans son rapport « Examen de la Politique d’Investissement (EPI) », la Conférence des nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) propose quelques pistes.
Sylvestre TCHOMAKOU
Facteur important à la croissance économique des Etats, en ce sens qu’elle permet d’éviter la concurrence déloyale, de réduire la fraude et la fuite fiscale et de contribuer à l’animation de la vie économique du pays, la formalisation des entreprises dans la sous-région ouest-africaine, se trouve toujours marginale. Selon une récente étude de la Conférence des nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), intitulée « Examen des politiques d’investissement (EPI) dans l’Uemoa », bien qu’il soit difficile de quantifier avec précision l’informalité, ce sont presque 14 millions d’unités de production informelles (UPI) qui ont été répertoriées dans l’Uemoa. Les statistiques obtenues auprès des différents Etats de l’Union se concentrent sur le secteur informel non-agricole. De ces unités, précise le rapport dont les informations s’arrêtent au 30 juin 2023, 96 % ne sont inscrites dans aucun registre. Aussi, parmi celles-ci, plus de 46 % ne savaient pas qu’il fallait s’enregistrer et presque 26 % n’y voyaient aucun intérêt. Des chiffres qui révèlent une difficulté au-delà de la procédure de création d’entreprise en elle-même, soit les unités concernées ne sont pas informées des progrès réalisés ou elles perçoivent que cela ne les concerne pas. Ce qui n’est pas sans conséquences « pour l’Etat en termes de fiscalité, pour le secteur privé formel en termes de concurrence, et pour les UPI (Unités de Production Informelle) elles-mêmes car l’informalité limite leurs opportunités de croissance et de partenariats. De plus, en opérant seulement dans le secteur informel, les individus ne peuvent bénéficier de droits sociaux, tels que l’assurance santé ».
Des recommandations…
Pour l’organe des Nations unies, en plus des réformes pour faciliter la création d’entreprises dans les Etats membres (en témoignent l’existence unanime de guichets uniques et de portails d’informations), de nouvelles stratégies méritent d’être mises en place. Notant qu’en dépit des avancées significatives, les procédures restent parfois concentrées dans les capitales et l’accès à l’information est, dans certains cas, difficile, le rapport invite les Etats à plus de campagnes d’information à l’endroit des cibles, car, l’informalité est un défi majeur, qui freine la croissance et la compétitivité des Etats membres de l’Uemoa. Pour relever donc le défi, l’étude fait plusieurs recommandations aux Etats membres de l’Union. Il s’agit entre autres : d’améliorer l’accès à l’information sur les sites web, notamment en les maintenant à jour, et relancer la plateforme en ligne « Investir en Zone Franc »31 ; d’accroitre les mesures de conscientisation des populations sur l’intérêt de l’enregistrement, en particulier dans les zones hors capitales ; d’encourager la formalisation en renforçant les services de création d’entreprises et de promotion de l’entrepreneuriat dans les régions et mettre en place ou renforcer des mécanismes d’accompagnement pour leur survie. Certaine de ce que la digitalisation des procédures permet de rapprocher les services des utilisateurs, la Cnuced exhorte à : poursuivre les efforts de digitalisation, en les finalisant ou en les entamant selon les pays ; initier le projet de moniteur numérique de facilitation de l’investissement ; renforcer les capacités techniques et financières des CGA, et poursuivre leur déploiement. A ces propositions s’ajoute l’adoption, pour les pays qui n’en ont pas, de l’identifiant unique, tout en prenant le soin d’interconnecter les différents services. Misant sur l’aspect technique, l’organe des Nations Unies n’exclut pas l’accompagnement des Etats dans les domaines souhaités et pour la mise en place d’un moniteur numérique de facilitation de l’investissement.