La pharmacopée et la médecine traditionnelle dans notre pays, bien que fertiles, constituent un secteur encore à la traîne. Les acteurs, lors de la célébration de la 21ème Journée nationale de la pharmacopée et de la médecine traditionnelle, l’ont évoqué. C’était le mercredi 29 juin dernier, dans la salle de conférence de la Direction départementale de la santé (Dds), sise à Abomey.
Ce qui fait la fierté de tout un peuple ailleurs est dans la poubelle chez nous. Il n’y a rien de plus recommandé que l’utilisation et la consommation de la nature. Les praticiens de la médecine moderne ne nous dirons pas le contraire car, ils disent souvent à leurs patients que les médicaments sont bons. Mais attention ! Il ne faut pas en abuser puis qu’ils contiennent des substances nocives qui créent des effets indésirables et des complications chez bon nombre de personnes. Or, la nature a tout donné à l’humanité. Les feuilles, les plants et leurs dérivés. C’est bien sûr la pharmacopée. Chaque pays devrait y travailler et en faire sa médecine traditionnelle pour la santé de ses citoyens. Au Bénin, compte tenu de notre position géographique, notre pharmacopée est une mine d’or, malheureusement inexploitée. Nicolas Gassan, le représentant du DDS/Zou, à cette journée l’a souligné d’un trait. « De nos jours, il n’est plus question d’opposer la médecine traditionnelle à la médecine occidentale », lance-t-il et se justifie. « Dans le contexte des soins, les deux peuvent se compléter harmonieusement et il convient d’utiliser les meilleures caractéristiques pour compenser les points faibles de chacune ». Il poursuit en évoquant les raisons qui confirment sa position. « Pour de millier de personnes, la médecine traditionnelle représente la principale source de soins, parfois la seule qui soit à leur portée. Il s’agit en effet d’un soin de proximité qui est accessible. Les Praticiens de la Médecine Traditionnelle (PMT) sont des membres bien connus de la communauté à la fois respectés et jouissant de la confiance du public pour leurs compétences. On en déduit que cette forme de soins permet assurément de répondre à un réconfort, de traiter de nombreux maux et de réduire la souffrance des populations ». Les pays dans lesquels l’heure de la révolution a sonné ont très tôt compris qu’il faut s’appuyer sur ce qu’on a. Le représentant du DDS n’a pas occulté cet aspect. « Dans de nombreux pays, les dirigeants ont réussi à associer les deux systèmes. Dans les pays où ce système est bien organisé, la médecine traditionnelle est intégrée et offre une panoplie de soins aux populations ». La médecine traditionnelle a donc beaucoup à offrir. Et c’est indéniable. Il suffit de la volonté politique et l’accompagnement nécessaire pour susciter le déclic.
Au Bénin, qu’elle est la couleur du tableau ?
Au plan national, le tableau est clair sombre. Et pour cause. Les acteurs sont encore à la phase organisationnelle. « Les autorités, en l’occurrence le ministre de la santé et notre coordination nous ont permis de doter le secteur d’un cadre règlementaire avec une loi assortie de deux décrets d’application qui définissent l’identité des PMT, leurs rôles et leurs prérogatives », reconnaît Gabriel Salavi, président de l’Association Nationale de la Pharmacopée et de la Médecine Traditionnelle du Bénin (Anaphametrab). Ce n’est qu’après, ils vont instituer leur ordre comme c’est le cas chez les pharmaciens et les médecins. Commence ensuite le travail technique et scientifique que va nécessiter les recherches des uns et des autres puis suivront les autres étapes parce que « il est obligatoire de travailler pour améliorer selon les normes règlementaires dans le but de parfaire la médecine traditionnelle pour son efficacité et son innocuité. Efficacité parce qu’elle doit être la solution recherchée par la population. L’innocuité parce que nous ne devons pas guérir une maladie et en créer mille autres », selon Gabriel Salavi. Autrement dit, la pharmacopée béninoise est encore à l’étape embryonnaire puisque ses acteurs continuent de travailler avec des méthodes rudimentaires. Ils en sont eux-mêmes conscients. C’est pourquoi, dans leur chronogramme d’activité, un point d’honneur est mis sur la formation en vue de mettre les membres à niveau. Cependant, Nicolas Gassan estime qu’ils doivent encore retrousser les manches car, « le moment est donc venu d’envisager la médecine traditionnelle comme ressource précieuse qu’il faut respecter et soutenir entend que source potentielle de progrès thérapeutique et de soulagement des populations ». Du côté de l’Etat, les choses n’ont pas évolué outre mesure. « Il convient de noter que le Plan de développement sanitaire qui oriente les actions du Gouvernement en matière de santé vise en ses objectifs, le renforcement de la collaboration entre les différents acteurs y compris ceux de la médecine traditionnelle », annonce le représentant du DDS. Pour lui, la présente journée instaure un grand pas vers l’atteinte de cet objectif. Les Praticiens de la Médecine Traditionnelle (PMT) ne l’ont pas perdu de vue parce qu’ils l’ont acquise au prix d’une haute lutte. « Nous nous mettons ensemble pour marquer solennellement ce fameux jour qui nous permet de pérenniser notre fertile secteur et vital pour le bien-être de nos populations en matière de soins de santé traditionnels », rappelle le président de l’Anaphamétrab.
Les difficultés évoquées
Au chapitre des difficultés, deux principales entraves rebutent les PMT. Il s’agit de la vraie unité et le financement. Le président est revenu à plusieurs reprises sur ces deux aspects. C’est donc à croire qu’ensemble dans le navire Anaphamétrab l’unité recherchée n’y est pas encore. Un travail de fourmi doit se faire à ce niveau pour remettre les pendules à l’heure. Investi à la tête de cette auguste assemblée, tel a été son cheval de bataille. Dans son intervention à Abomey, il l’a martelé « Unir tous les PMT pour un but commun. Celui de valoriser la pharmacopée et la médecine traditionnelle au Bénin. Notre équipe s’évertuera dans le rassemblement par amour et par solidarité ». Il ajoute que cette union sera leur première arme en vue de faire du Bénin un pays où les soins de santé traditionnels doivent être une référence. « Nous n’avons pas de moyen pour subsister, pour réussir, pour finaliser nos recherches », clame Gabriel Salavi. Selon lui, leur secteur n’a pas accès au financement public ni aux prêts dans les institutions de microfinance. Par le biais de leur président, les PMT demandent au chef de État, Patrice Talon, de plaider leur cas auprès de ces structures financières afin qu’ils aient accès aux sources de financement adaptés comme les autres acteurs de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche par exemple. Ils attendent aussi du Gouvernement des subventions pour pouvoir poursuivre les études des plantes. En clair, le chemin est encore long.
Rock Amadji (Correspondant Zou-Collines)