« La principale valeur que nous attribuons à ces œuvres est liée au fait qu’elles sont destinées à être le témoin de ce que nous sommes… »
Après l’ouverture du vernissage de l’exposition diptyque « Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui, de la restitution à la révélation » samedi 19 février 2022, le Président de la République, qui a présidé la cérémonie avant de faire le parcours des salles d’exposition avec ses hôtes, s’est prêté aux questions de la presse spécialisée présente sur les lieux.
Distique
Comment se sent-on en tant que Président de la République après une journée comme celle-là ?
Est-ce que ça ne se perçoit pas ? En Fait, ce qui m’inspire aujourd’hui, c’est une phrase d’un professeur d’art, un enseignant de l’art qui dit à ses étudiants ceci : « Moi je suis votre professeur d’art. Je vous enseigne l’art mais voici l’art » (c’est à l’occasion de la présentation à ses étudiants d’Alexandre Pouchkine) en montrant du doigt Pouchkine. Mais moi, Patrice TALON, avec ma modeste contribution à l’action commune, celle des Béninois, je m’efforce à ma manière de nous révéler le Bénin à nous-mêmes et aux autres. Voilà le Bénin révélé ! Il est là, le Bénin révélé ! (en indiquant du doigt la salle d’exposition).
Devant une telle grandeur de notre passé et tant de génie de notre présent, et une telle certitude de ce que nous serons demain, il n’y a aucun mot, aucun propos qui vaille. Aucun discours ne mérite d’être prononcé. Je ne sais quoi vous dire. Je vibre d’émotion, de fierté et de foi en ce que nous fûmes, en ce que nous sommes et en ce que nous serons. Que Dieu bénisse le Bénin !
Monsieur le Président, vous avez réussi le coup de génie de ces 26 œuvres, ces 26 trésors, quelle va être la suite aujourd’hui ?
Les 26 œuvres que les autorités françaises, exécutif, législatif, le peuple français, ils ont tous voulu nous restituer dans le cadre de la coopération sont certes le début d’une dynamique, mais c’est déjà beaucoup en ce que c’est un tabou qui a été vaincu. Le reste sera aisé parce que ce n’est plus un sujet, ce n’est plus une préoccupation de savoir si c’est possible ou pas. Nous avons fait l’essentiel. Certes, nous n’allons pas nous arrêter là parce qu’il y a encore beaucoup d’autres qui sont le symbole de notre histoire, de notre identité qui, pour nous, devraient revenir ici compléter l’éventail de ce que notre histoire aura laissé comme traces pour nous, pour nos enfants et nos arrières petits-enfants. Nous allons donc continuer de discuter, de négocier avec les autorités françaises pour que certaines d’entre elles reviennent pour compléter ce qui est à côté et que nous venons de voir.
Nous n’avons pas vocation à tout prendre. Je l’ai dit hier, c’est même bien pour nous que certaines restent dans les musées français, européens, les musées du monde, pour que les visiteurs qui n’auront pas l’occasion de venir au Bénin découvrent aussi que le Bénin existe à travers nos œuvres dans les musées des autres pays. Le monde est ouvert. Il faut être présent partout. Nous ne dirons pas que tout ce qui nous appartient doit rester au Bénin. Ce n’est même pas dans notre intérêt mais certaines qui ont une valeur emblématique, mémorielle, historique pour nous ; qui doivent être visitées ici dans leur milieu naturel, nous ferons tout pour qu’elles reviennent pour compléter ce qui est là.
Nous voudrions savoir précisément où en sont ces discussions avec la France, quels objets vous êtes déterminé à récupérer, à faire revenir ici au Bénin ?
Laissez-moi l’opportunité de vous faire la surprise le jour où nous allons les avoir ; un peu comme ça a été le cas pour les 26.
Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de dresser la liste exhaustive de ce qui nous inspire, ce sur quoi nous allons discuter. Et puis, ce ne serait pas élégant de notre part parce que les Français nous ont fait l’honneur d’avancer un peu plus vite que nous l’espérions. Alors, nous allons continuer de discuter avec eux dans un environnement de coopération. Il y a quelques-unes que j’ai citées à l’occasion de mon passage à Paris, vous avez dû l’entendre. Si vous souhaitez que je vous le répète, je me ferai le plaisir de vous laisser languir.
Que prévoyez-vous concrètement pour préserver, conserver et valoriser les objets qui ne sont jamais partis du Bénin ?
Les œuvres qui sont de même rang, de même nature que celles qui sont parties et qui ont été bien conservées qu’on nous a restituées, celles-là qui ne sont pas parties, certaines sont bien conservées et nous avons décidé de mieux les conserver pour que le temps plus long qui reste à venir ne les altère pas parce qu’il y a encore des siècles devant nous. Si nos efforts de conservation jusque-là ne peuvent pas nous rassurer du long temps à venir, nous allons faire ce qu’il faut. D’ailleurs, ce que vous avez vu, vous donne bien la mesure de notre engagement, de notre volonté à faire les choses convenablement, tout au moins en respectant les standards. Donc nous allons œuvrer pour une bonne conservation de ce qui est resté, de ce qui est revenu et de ce qui reviendra. Malheureusement, il y a des œuvres qui ont disparu ; nous ne savons pas où est-ce qu’elles sont, si elles sont au Bénin, même les royaumes où elles ont disparu n’auront pas été les seuls à perdre certaines de nos valeurs, de nos œuvres anciennes. Toujours est-il que nous avons décidé d’investir dans la conservation avec les meilleurs standards et vous verrez après Cotonou, ce que sera le musée à Ouidah, ce que sera le musée d’Abomey ainsi que les autres musées que nous programmons de construire partout dans le pays. Il y en aura 5 et ce sera de standard qui laissera tout le monde rêver de ce que désormais le Bénin sait faire.
Pour la valorisation ?
Vous avez vu ! Votre présence est le signe de ce que nous savons donner de la valeur à ces œuvres. Nous en parlons partout, elles sont arrivées dans leur environnement. Celles qui viendront, nous en ferons un patrimoine, des biens culturels, artistiques, historiques qui seront pour le bonheur des visiteurs béninois, étrangers d’aujourd’hui, de demain et d’après-demain. Pour nous, la principale valeur que nous attribuons à ces œuvres est liée au fait qu’elles sont destinées à être le témoin de ce que nous sommes en matière d’art, de création, de créativité, de talent artistique, et pour certaines, de ce que nous avons été, de notre histoire.
Quelles sont les initiatives que vous mettez en place pour valoriser ces objets en dehors de ce musée ?
J’ai expliqué il y a un instant que les musées sont en construction. Il y a Ouidah, Abomey, Porto-Novo, le musée ethnographique, le musée Honmè ; nous avons le palais de Nikki qui sera réhabilité dont une partie servira de musée. C’est bien à travers ces infrastructures qui seront aux standards les plus recommandés pour leur conservation. Moi, j’appelle ça Conservation et les lieux d’exposition, pour moi, cela serait suffisant pour que génération après génération, elles continuent de symboliser notre créativité.
Monsieur le Président, juste un mot pour la fin…
J’ai dit tout à l’heure que je vibre d’émotion, de fierté et qu’il n’y a pas de mot pour témoigner de ce que nous avons vu dans la première salle. C’est d’une telle grandeur que mon vocabulaire est trop maigre pour l’exprimer. Et puis après ça, quand on est descendu plus bas, on a vu l’expression du génie créateur de nos artistes d’aujourd’hui. Extraordinaire ! Moi, j’ai eu, chaque fois, devant certaines œuvres, la chair de poule. Je crois qu’il y a de fortes chances que je vienne ici tous les soirs (Rires) pendant les 3 mois d’exposition pour contempler, découvrir, détail après détail, ce que chaque œuvre possède comme richesse, comme génie. Dans une telle cérémonie, on n’a vraiment pas le temps de les regarder, de les contempler, de les admirer.
Le regard passe trop vite. Il y a trop de monde et on n’a pas la sérénité qu’il faut, la concentration qu’il faut et comme je suis un amoureux de l’art ; et d’ailleurs pour tous ceux qui le sont, on a besoin parfois d’un peu de calme pour mieux les découvrir. J’invite donc chacun de vous à pouvoir revenir, à ne pas vous contenter simplement d’une telle cérémonie. Et je suis certain d’ailleurs qu’aucun de vous n’a tout vu. Aucun ! Alors, j’invite les uns et les autres à revenir plus calmement. Le week-end (samedi et dimanche), et les jeudis et vendredi, les après-midis à partir de 15h, ce musée improvisé (Rires) dans la présidence restera ouvert jusqu’au mois de mai. On a donc le temps de revenir calmement, sereinement découvrir, contempler ; aussi bien les œuvres anciennes qui sont arrivées que les contemporaines. Elles sont toutes magnifiques, extraordinaires. Elles révèlent le talent de nos créateurs, de nos géniteurs, elles expriment le génie de nos contemporains, de nous-mêmes, de nos enfants, de nos aînés que vous avez pu voir, pour certains, dans la salle. Alors rendez-vous tous les jours ici même.