La succession d’un parent défunt est le plus souvent émaillée de conflits entre les héritiers légitimes ou entre ceux-ci et la famille. Ce fait de société auquel sont confrontées bon nombre de familles au Bénin est essentiellement dû à une mauvaise organisation de la succession. Alors, pour épargner sa famille de ces genres de scènes, souvent, sources de division, de méfiance et de méchanceté gratuite, il est impérieux de recourir à la prise d’un testament qui se veut un acte de ses dernières volontés intangibles.
Rock Amadji (Correspondant Zou-Collines)
Le testament est un écrit par lequel son auteur décide de ce qu’il adviendra de ses biens après son décès. Autrement dit, il est un acte par lequel une personne exprime ses dernières volontés. Le contenu du testament préalablement mise en forme s’applique in extenso le jour où le testateur, c’est-à-dire l’auteur du testament, ne sera plus. «Dans notre société africaine, nous savons combien de fois les dernières volontés d’une personne morte sont sacrées. Après le décès, l’acte est lu, et fixe chaque enfant ou proche parent du défunt sur comment le partage de l’héritage qui leur a été légué va se faire» souligne Vincent Houngbégnon, fonctionnaire de l’Etat. C’est à lors que nulle n’a le droit de modifier, même une seule virgule, des dernières volontés du testateur. Raison pour laquelle la loi est rigide sur les conditions à remplir.
D’abord, la prise d’un testament est un acte volontaire. «Ne fait un testament que celui qui le veut et quand il le veut » précise maître Véronique Akankossi Déguénon, notaire. Ensuite, le testateur doit avoir 21 ans révolus à la date de la prise du testament, disposer de toutes ses capacités mentales, c’est-à-dire être sain d’esprit et veiller à ce que tous ses enfants soient pris en compte. Les témoins quant à eux doivent être neutres, des personnes de bonne moralité et impartiales. Ils ne doivent pas avoir un quelconque lien familial avec le testateur.
La forme juridique reconnue à un testament est l’écrit. «Ce sera une très grosse erreur parce qu’il n’y a pas de testament sans écrit » prévient Me Véronique Akankossi Déguénon. A en croire ses propos, l’une des conditions fondamentales et essentielles c’est sa forme écrite. «Vous avez beau laissé des images, des audio et autres pour donner une idée de comment les choses pourront se passer après votre décès cela n’aura aucune valeur devant un document écrit. Et même les consignes que l’on donne oralement n’a pas de valeur juridique. Le testament par nature est un acte écrit » insiste-t-elle. Sa rédaction doit obligatoirement émaner de son auteur. Elle ne doit pas être confiée à un tiers ou à un enfant. « Il doit l’écrire de sa propre main. Qu’il tape à la machine, qu’il fasse saisir sur un ordinateur ou un smartphone, cela n’aura aucun effet. C’est le document transcrit de sa main, du premier mot jusqu’au dernier mot, qui peut valoir testament olographe » clarifie le notaire. En dehors de sa forme manuscrite le testament doit être daté. C’est-à-dire, préciser la date, le mois, l’année et même l’heure à laquelle il a été rédigé. L’autre condition sine qua non est la signature du testateur parce qu’on doit pouvoir le reconnaître à travers le document « Si ces conditions sont exigées, c’est parce que le testament est un acte hautement personnel. Mieux, le législateur n’a pas voulu qu’il ait des interférences. On lui laisse une liberté totale d’organiser son après décès » justifie-t-elle. Le testament préétabli prend effet à partir du moment ou le testateur est inapte ou décédé. Etant un acte légal tous les biens sont enregistrés par l’Etat et les personnes bénéficiaires sont protégées par la loi en cas de conflit.
Les types de testaments admis au Bénin
A en croire les propos de Me Françoise Bakpé Tchiakpè, notaire, l’on distingue au Bénin, trois types de testaments. Il s’agit du testament olographe, du testament authentique et du testament mystique. Le testament olographe explique Me Véronique Akankossi Déguénon, est l’acte dans lequel le testateur rédige lui-même le contenu, appose sa signature à la fin au bas du document après avoir mentionné la date. Il l’apporte sous plis à un notaire qui l’enregistre. A l’opposé le testament authentique subdivisé en deux formes : la forme notariée qui se fait chez le notaire en présence de deux témoins; et la forme judicaire qui se fait devant un juge. Dans ces deux contextes, le testateur fait le discours que le notaire ou le juge transcrit, saisit et lis devant tous afin de vérifier au cas où il y aura d’éventuelles corrections. Puis chacun signe sans oublier de mentionner la date et l’heure. Le testament mystique, le dernier est appelé mystique parce que le testateur étant non instruit, analphabète, se fait transcrire le testament par un opérateur de saisie, signe et le remet au notaire sous plis-fermé dans une enveloppe. À ce niveau le notaire même ne sait pas ce qui est écrit dans le testament mais il fait l’acte de dépôt en précisant la forme du testament reçu.
Parmi ces types de testament, deux sont souvent remis en cause. Il s’agit du testament mystique car il n’a plus son caractère secret et le testament olographe après lequel un héritier peut refuser l’écriture étant comme celle de son parent défunt ou bien de son proche défunt. Ainsi, ces deux types de testament sont annulables. Par ailleurs, le troisième type fait en présence des témoins devant le notaire ou le juge ne peut être contesté que lorsque le contestant apporte les preuves de la fraude. D’où c’est un acte authentique. Autrement dit, il est difficile de remettre en cause le testament authentique notarié ou judiciaire. Lors de la rédaction du testament, quelle que soit la forme, le testateur doit prendre en compte tous ses enfants. Cepandant, il a la possibilité d’exclure un enfant lorsque ce dernier a eu à porter la main sur lui. «On parlera des causes d’indignité dans le code des personnes et de la famille» précise le notaire. D’après les déclarations de Me Véronique Akankossi Dégunon, le testament peut influencer un couple en fonction du régime matrimonial pour lequel il a opté. Il serait avantageux au conjoint survivant au cas où ils ont opté pour le régime de la communauté universelle. Mais défavorable pour le survivant dans le régime de la séparation des biens. Ayant conçu le bien-fondé du testament, Robert Zimankan a déjà pris son testament. «Je l’ai fait pour éviter les tensions qui vont survenir après mon rappel à Dieu dans le partage de mes biens. C’est aussi pour protéger ma progéniture contre les profiteurs indésirables. C’est la meilleure façon de me faire entendre lorsque je ne serai plus vivant».
Les controverses du testament
Malgré qu’il soit un acte légal, le testament se heurte dans bien des cas rares à de nombreuses difficultés lors de sa mise en œuvre. «Il est vrai que les notaires font l’effort d’éviter des situations conflictuelles dans les familles. Néanmoins, on assiste à certains cas particuliers de contestation suite au contenu des testaments. Le problème qui se pose est la loi de la jungle. Autrement dit, la loi du plus fort s’installe quand le testateur laisse des biens très importants aux enfants mineurs. Quant aux enfants majeurs, ils n’ont droit qu’aux parcelles sans avoir au préalable donné les titres de propriété au notaire. Ces derniers confisquent les papiers pour empêcher le notaire de faire la mutation en leur nom. Dans ce cas il est possible de faire recours au procureur pour prêter main forte à l’exécution du testament afin que les héritiers ne disent rien et se taisent» fait savoir Me François Bakpé Tchiakpè. A cet effet, il faut que chaque béninois organise sa succession car «le testament ne vient pas interrompre la vie sur terre. Mais plutôt faire vivre pendant qu’on est mort. Ce n’est plus physiquement que vous donnez des ordres mais c’est vos écrits qui continuent de faire valoir votre présence.» Il n’y a pas un meilleur moment recommandé pour la prise d’un testament. «Si quelqu’un comprend l’intérêt du testament, qu’il le fera tôt pour ne pas laisser des problèmes à ses enfants, à ses conjoints ou à sa famille. S’il ne comprend pas, ce serait tant pis parce que s’il n’aura pas pris le testament, la loi va disposer en ses lieux et places. Si une personne veut qu’après lui il n’y ait pas le déluge a intérêt à faire son testament pour fixer les uns et les autres en toute légalité et en toute équité sans brimer les uns au profit des autres» conseille Me Véronique Akankossi Déguénon.