Les chiffres de croissance des paiements et transferts par le numéro de téléphone (Mobile Money) en Afrique ont connu une progression extraordinaire. En 2020, le continent africain comptait 562 millions de comptes de Mobile Money ce qui représente 45% du nombre de comptes Mobile Money ouverts dans le monde, Les transactions effectuées via les services de Mobile Money représentaient en valeur $ 495 milliards en 2020 ce qui est assez significatif sachant que les principaux détenteurs sont avant tout des particuliers et des micro-entrepreneurs.
Plusieurs Etats africains y ont vu une niche et comptent profiter de l’engouement des populations envers le Mobile Money pour renflouer leurs caisses et faire face aux difficultés économiques actuelles. C’est ainsi que depuis ce début d’année 2022, certains ont introduit une nouvelle taxe sur les opérations Mobile Money, avec pour principale conséquence l’augmentation des frais de transaction pour les consommateurs de ce service qui sont majoritairement les populations à faibles revenus. A la suite du Cameroun avec une taxe de 0,2% introduite au 1er janvier 2022, sur toutes les transactions financières électroniques et qui a soulevé un tollé chez les consommateurs, la Ghana, le Bénin et bien d’autres Etats ont suivi avec toujours des résistances.
Pour le cas du Bénin, l’opérateur GSM Mtn Bénin annonçait à la veille à ses abonnés, que dans le cadre de l’application de la loi n°2021-15 du 23 décembre 2021 portant code général des impôts en République du Bénin entrée en vigueur le 1er janvier 2022, une taxe contributive de 5% sera appliquée sur les frais de retrait, de transferts d’argent nationaux et régionaux à partir du 11 mars 2022. Une taxe de trop selon les consommateurs, car elle vient s’ajouter aux frais de transactions habituels. Pour manifester leur mécontentement, une vaste campagne de désabonnement a été lancée sur les réseaux sociaux et a fait perdre au réseau de l’opérateur MTN Bénin plus de 1000 abonnés en 24 heures. Face à cette situation, le gouvernement béninois a demandé à l’opérateur de revoir sa copie au cours d’une rencontre avec le ministre de l’économie et des finances. En clair, la taxe doit être appliquée et ne devrait pas être supportée en totalité par le consommateur.
Au regard de cette pratique qui se généralise dans plusieurs Etats africains, n’est-on pas en train de s’acheminer vers une régression et un ralentissement de l’inclusion financière pourtant bien amorcée jusqu’ici ? Cette nouvelle taxation ne va-t-elle pas contribuer à freiner l’innovation et le développement économique d’un continent où la majorité de la population est constituée de personnes à faibles revenus, et qui sont les principaux consommateurs du service Mobile Money ?
Par Romaric Cyrille TEGUO, (tegsromaric@gmail.com), Spécialiste en Transformation Digitale et Consultant