La 55ème session ordinaire de la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a réuni plusieurs des Chefs d’Etats et de gouvernement le samedi 29 juin 2019 à Abuja au Nigéria. Au terme des assises, il a été adopté, le nom « ECO » pour la monnaie unique de l’espace communautaire.
Abdul Wahab ADO
Tout est prêt pour la disparition du franc CFA avec le Naira, le Cedi et le franc guinéen au profit de « ECO », la future monnaie unique de la CEDEAO en 2020. Les chefs d’Etat de la CEDEAO ont validé l’Eco en dépit des exigences du Nigeria sur le plan de divorce en zone franc CFA. La monnaie commune est désormais ECO. La devise commune aux 15 pays que sont le Bénin; le Burkina Faso; le Cap Vert ; la Côte d’Ivoire ; la Gambie; le Ghana; la Guinée; la Guinée-Bissau ; le Libéria; le Mali; le Niger; le Nigéria ; le Sénégal; la Sierra Leone et le Togo doit démarrer dès 2020 en dépit des hésitations du Nigeria qui avance le prétexte d’un préalable plan de divorce entre les 8 pays. En effet, pour la mise sur pied de la monnaie unique, la Commission de la CEDEAO a organisé, les 17 et 18 juin 2019 à Abidjan en Côte d’Ivoire, la réunion du Comité Ministériel sur le programme de la monnaie unique de la CEDEAO. Cette réunion, avait pour objectif d’examiner les rapports du Comité Technique tenue du 13 au 15 juin 2019 à Abidjan et du groupe de travail sur le régime de change et le cadre de politique monétaire ainsi que le modèle de la banque centrale de la CEDEAO tenue à Abuja le 10 juin 2019. Parmi les points critiques de la rencontre d’Abidjan, figurent l’état de mise en œuvre de la feuille de route, le régime de change, le cadre de politique monétaire et le modèle de la Banque centrale. S’agissant des activités de la feuille de route, il a indiqué que son état de mise en œuvre a fait l’objet d’échanges au cours de la réunion technique et les résultats seront présentés aux ministres des finances et aux Gouverneurs des banques centrales. Pour les autres points (le régime de change, le cadre de politique monétaire et le modèle de la Banque centrale), il a indiqué que ces points ont fait l’objet d’études. Selon la synthèse de ces rapports au cours de cette réunion, le président de la Commission a indiqué, qu’en ce qui concerne le choix du régime de change et du cadre de politique monétaire, il est important de noter qu’il n’y a ni un cadre totalement bon ou totalement mauvais encore moins un qui vaille mieux que l’autre. Tout dépend de l’objectif recherché. ll s’agit pour la réunion de faire le choix du régime de change qui permette de minimiser les effets des chocs asymétriques éventuels auxquels les Etats membres pourraient faire face et d’identifier les mesures d’accompagnement et de compensation. Le choix devra donc se porter sur le modèle qui engendre moins de coût d’ajustement pour la Communauté et qui assure un traitement équitable dans la mise en œuvre de la politique monétaire. Le Ministre KONE a rappelé, la mise en place de la Task force présidentielle depuis octobre 2013 pour suivre le processus de création de la monnaie unique ainsi que les réalisations auxquelles cette Task force a abouti. Le Ministre KONE a en outre rappelé les recommandations formulées par la réunion du Comité ministériel au cours de sa 4ème réunion tenue le 17 décembre 2018 à Niamey. La monnaie unique, dira-t-il, n’est plus à présent une utopie technocratique. Elle est l’émanation d’une volonté politique pour répondre aux aspirations des populations de notre espace communautaire depuis maintenant plus de trente (30) ans. Malgré les avancées certaines, le chemin qui reste à parcourir est encore parsemé de nombreux défis, que nous sommes déterminés à relever a-t-il fait savoir. Il a souligné que la présente rencontre est une opportunité à saisir et pour se donner les moyens de lever les derniers obstacles et apporter des solutions, afin de tenir cet engagement. Ainsi, a-t-il fondé l’espoir que cette réunion d’Abuja servira de tremplin à l’aboutissement du processus de création de la monnaie unique de la CEDEAO entamé depuis plus de trois (03) décennies.
Le régime de change retenu pour la monnaie unique
La réunion du Comité Ministériel sur le programme de la monnaie unique de la CEDEAO a retenu un régime de change flexible assorti de ciblage d’inflation comme cadre de politique monétaire. S’agissant du modèle de la future banque centrale de la CEDEAO, il a été convenu l’adoption du Modèle de Système fédéral des Banques centrales. Concernant l’état de convergence macroéconomique, les Etats membres sont invités à prendre les mesures idoines en vue de respecter de manière durable les critères de convergence macroéconomique en tant que conditions sine qua non pour la création d’une union monétaire crédible au sein de la CEDEAO. En vue de permettre une meilleure évaluation des sentiers de convergence, les Etats membres sont exhortés à prendre des dispositions diligentes pour élaborer et transmettre à la Commission de la CEDEAO, leurs programmes pluriannuels de convergence 2020-2024, au plus tard le 31 octobre 2019, conformément aux dispositions de l’Acte Additionnel A/SA /.4/06/12 du 29 juin 2012 portant Pacte de convergence et de stabilité macroéconomique entre les Etats membres de la CEDEAO. S’agissant des retards dans la mise en œuvre des activités de la Feuille de route révisée, les capacités humaines des institutions régionales impliquées dans sa mise en œuvre doivent être renforcées en vue de leur permettre d’accélérer l’exécution des activités programmées. Le Ministre de l’économie et des finances de la Côte-d’Ivoire lors de la rencontre d’Abidjan a indiqué que le processus de création de la monnaie unique est bien enclenché et exige des Etats membres, beaucoup plus d’engagement pour réaliser à bonne date les diligences associées.
Perspectives économiques des pays de la CEDEAO
La CEDEAO, c’est actuellement un PIB de 628 milliards de dollars et une population estimée par certains à près de 350 millions d’habitants. Après plusieurs années fastes, la croissance moyenne au PIB en Afrique de l’Ouest a stagné à 0,5 % en 2016, puis grimpé à 2,5 % en 2017. Elle devrait atteindre 3,8 % en 2018, et 3,9 % en 2019. La performance a varié selon les pays, mais les tendances sont essentiellement régionales dans la mesure où le Nigéria contribue à près de 70 % du PIB régional. Le secteur des services se taille la part belle dans l’économie de la plupart des pays, et le secteur manufacturier représente la part la plus faible dans la totalité des pays. La demande – 70 % en moyenne – provient principalement de la consommation privée, mais la formation brute de capital devrait croître le plus rapidement au cours des deux prochaines années. Pour réduire la vulnérabilité aux chocs externes résultant de la dépendance de plusieurs économies, notamment du Nigéria, à l’égard de l’extraction pétrolière ou d’autres minéraux, l’Afrique de l’Ouest doit augmenter les intrants nationaux dans ses produits par le biais du secteur manufacturier, en particulier la transformation des minéraux et des produits agricoles. Depuis 2015, l’inflation à deux chiffres entrave la croissance. Les déficits budgétaires sont demeurés stables et inférieurs à la moyenne de l’Afrique, mais les recettes publiques ont largement dépendu de la catégorie « autres impôts et recettes non fiscales », sans accorder beaucoup d’attention aux impôts directs, indirects et commerciaux. L’importante économie informelle a été négligée en tant que source de recettes publiques. La dette extérieure a augmenté, tandis que la croissance économique a connu une baisse consécutive à la chute du prix des matières premières entre 2015 et 2016. Mais pour 2018, une baisse du ratio dette-PIB est prévue grâce à l’amélioration du prix des matières premières et à l’augmentation de la demande mondiale. Le taux de pauvreté est élevé : 43 % de la population vivaient sous le seuil de pauvreté international de 1,90 $EU par jour en 2013 (estimation la plus récente). La guerre civile au Libéria et ailleurs a aussi fait grimper ce chiffre. L’inégalité des revenus est restée élevée, y compris pendant la période de croissance économique jusqu’à 2016. La réduction des inégalités nécessitera une transformation économique structurelle, qui provoquera un transfert de la main-d’œuvre des secteurs peu qualifiés de l’économie vers des secteurs plus qualifiés et mieux rémunérés. Le taux de participation de la population active en Afrique de l’Ouest est élevé et son taux de chômage faible. Les problèmes importants rencontrés dans la collecte de ces chiffres conduisent à une sous-estimation de la contribution économique des femmes et à une mauvaise compréhension de la situation de l’emploi des jeunes. Après plusieurs années fastes, la croissance moyenne du PIB en Afrique de l’Ouest a stagné à 0,5 % en 2016, puis grimpé à 2,5 % en 2017. Elle devrait atteindre 3,8 % en 2018, et 3,9 % en 2019. La performance a varié selon les pays, mais les tendances sont essentiellement régionales dans la mesure où le Nigéria contribue à près de 70 % du PIB régional. La quasi-totalité du marché du travail est informelle. Une estimation pour le Sénégal indique que seulement 3,8 % des emplois étaient formels. Mais pratiquement tous les emplois agricoles sont informels. Une grande partie des travailleurs informels sont des travailleurs indépendants (80 % dans toute l’Afrique). Les travailleurs informels sont mal rémunérés et reçoivent généralement des salaires inférieurs au seuil de pauvreté. Les salaires du secteur formel sont beaucoup plus élevés et tendent à suivre les salaires du secteur public. L’informalité, le sous-emploi, la précarité de l’emploi et l’inégalité des revenus affectent davantage les femmes, dont la situation est aggravée par un accès inégal aux terres et à la propriété foncière. Le climat des affaires façonne le secteur formel, qui crée peu d’emplois décents. Dans le cours normal de la transformation structurelle, la main-d’œuvre se déplace de l’agriculture vers le secteur manufacturier et les services. Cette transition a stagné en Afrique de l’Ouest à cause de problèmes douaniers, de l’absence de financements, des taxes élevées et du lourd fardeau de la comptabilité fiscale, d’une réglementation rigide résultant d’une administration médiocre, et du caractère inadéquat des infrastructures énergétiques et de transport. Par conséquent, le secteur formel est atrophié alors que le secteur informel est en plein essor. Par ailleurs, selon le rapport de convergence macroéconomique 2018 de la CEDEAO,la région a enregistré une croissance de 3,0% en 2018 contre 2,3% en 2017. Elle devrait connaître une croissance de 3,4% en 2019. En ce qui concerne l’état de la convergence macroéconomique en 2018, le rapport a indiqué que les performances des États membres se sont légèrement détériorées par rapport à celles de 2017. Quant aux performances au titre des critères primaires en 2018, on observe que la situation s’est détériorée pour le critère du déficit budgétaire, vu que cinq (5) pays respectent la norme, contre sept (7) en 2017.