Le Fonds monétaire international (FMI) vient de rendre public son Rapport technique de février 2023 portant sur le diagnostic de la gouvernance. Dans le document, le Bénin a réalisé des progrès en matière de gouvernance.
Lutte contre la corruption, lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, transparence budgétaire, lutte contre la fraude fiscale, création des institutions de lutte contre les crimes économiques, adoption des lois et textes pour la bonne gouvernance économique, etc. sont, entre autres, les domaines dans lesquels le Bénin a fait des progrès selon le Fonds monétaire international dans son rapport technique de février 2023 portant sur le diagnostic de la gouvernance. Selon l’institution de Bretton Woods, plusieurs réformes sont engagées par le Bénin dans la gouvernance économique. Plusieurs réformes ont été lancées pour renforcer l’architecture institutionnelle de la lutte contre la corruption, selon le rapport. Certaines institutions restent, toutefois, encore fragiles ou peu opérationnelles et la priorité a été placée sur la répression plutôt que la prévention, prévient le FMI. Pour preuve, le traitement juridictionnel des cas de corruption peut, certes s’appuyer sur la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) et sur la Brigade Economique et Financière (BEF).
En revanche, d’autres éléments du dispositif ne sont pas encore pleinement opérationnels (HCPC) ou fortement contraints dans leur efficacité (Haute Cour de Justice–HCJ). En l’absence d’un HCPC opérationnel, il n’y a pour l’instant aucune institution en charge de la prévention de la corruption et de la coordination des actions anti-corruption hors de la sphère criminelle, deux aspects qui sont pourtant des éléments essentiels d’une stratégie anti-corruption efficace. La CRIET, établie en 2018, s’est affirmée comme un outil fondamental pour la lutte contre la corruption mais gagnerait à adopter des procédures plus transparentes. La CRIET a été citée à de nombreuses reprises (par les autorités et par d’autres interlocuteurs) comme une pièce maîtresse dans la lutte contre les faits de corruption. La CRIET a compétence sur les crimes de nature économique ou de terrorisme, ainsi que sur le trafic de drogue. Les autorités estiment que la CRIET a porté des coups décisifs à la corruption et a de ce fait un puissant effet dissuasif sur la population au sens large. Elle a toutefois été critiquée par le passé pour un manque allégué d’impartialité, se traduisant par des poursuites et condamnations ciblant des personnalités de l’opposition. Il est important de s’assurer que le public a accès aux informations relatives aux poursuites conduites et aux sanctions infligées par la CRIET. Un tel accès incluant la publication de statistiques, mais aussi des jugements sur un site Internet dédié, à l’image de la Cour Suprême serait de nature à conforter la confiance du public en l’institution et à faciliter le suivi des grandes tendances de la corruption au Bénin. En outre, les mécanismes de sélection des magistrats de la CRIET pourraient également être revus pour renforcer leur indépendance. La BEF appuie efficacement la CRIET dans sa mission de lutte contre la corruption. La BEF est un service central d’investigation, qui relève de la police judiciaire et est donc placée sous l’autorité du procureur. Elle existe depuis plus de quarante ans et a à son actif bon nombre d’arrestations pour des faits de corruption. Même si aucune statistique précise n’a été fournie par les autorités, la BEF a souligné l’importance de son activité sur les cinq dernières années. La BEF n’exerce toutefois pas ses pouvoirs de manière indépendante de l’exécutif, ce qui a pu contribuer à des perceptions de manque d’impartialité. Le rapport technique du FMI fait savoir que, le Haut-Commissariat à la prévention de la corruption (HCPC) créé par la loi de 2020 n’est pas encore opérationnel. Prenant le contrepied des recommandations du diagnostic SNI de 2016, les autorités ont choisi en 2020 de supprimer l’Autorité nationale de lutte contre la corruption (ANLC) (créée par la loi de 2011 précitée) et de la remplacer par le HCPC, au motif de l’absence de résultats obtenus par l’ANLC. Le HCPC est, selon la loi, rattaché à la Présidence de la République (article 3 de la loi 2020–09), le Haut-Commissaire lui-même étant nommé par le Président (article 4 de la loi 2020–09). Le Haut-Commissaire ne dispose pas de pouvoirs d’enquête s’agissant des faits de corruption, mais est censé suivre l’application des mesures préventives dans les institutions et administrations d’Etat, et peut initier des activités visant à lutter contre la corruption tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Les délais dans l’opérationnalisation du HCPC nuisent à l’efficacité du cadre institutionnel de lutte contre la corruption, en l’absence d’une institution dédiée à la lutte contre la corruption au Bénin. Cette carence n’est pas palliée par la création en 2022 (décret 2022 40) d’une Cellule d’analyse et de traitement des plaintes et dénonciations, car cette cellule également localisée à la Présidence n’est pas encore opérationnelle non plus et voit son activité assumée par d’autres services de la Présidence. L’opérationnalisation effective du HCPC devrait aller de pair avec des garanties juridiques sur son indépendance. En vue d’assurer la pleine efficacité du HCPC, son cadre juridique devrait garantir l’absence de toute interférence politique. Au-delà de l’article 7 de la loi 2020–09 qui affirme l’indépendance du Haut-Commissaire, cela passe par une procédure appropriée pour sa nomination et la fin de son mandat, et par la garantie d’une indépendance vis-à-vis de la Présidence de la République. La question de doter l’agence anti-corruption de pouvoirs de police judiciaire peut également se poser. A cet égard, il est important de rappeler qu’une agence de lutte contre la corruption peut être conduite à demander des comptes à des individus ou institutions puissantes, a suggéré le FMI.
Quelques recommandations faites au Bénin
Le rapport technique de février 2023 du FMI portant sur le diagnostic de la gouvernance a formulé quelques recommandations pour véritablement booster le développement durable du Bénin. Il s’agit de réviser le Code Pénal en introduisant ou en complétant les dispositions relatives à l’incrimination et à la répression des actes de corruption conformément aux dispositions de la CNUCC (CT) ; réviser le cadre juridique applicable à la protection des lanceurs d’alerte sur la base des bonnes pratiques internationales (CT) ; rendre le HCPC opérationnel tout en œuvrant en parallèle à renforcer son cadre juridique pour assurer son indépendance et envisager de lui transférer la compétence de police judiciaire concernant les actes de corruption (CT/MT). Le FMI a également suggéré de réviser conformément aux dispositions de la CNUCC le cadre juridique relatif aux conflits d’intérêt et celui relatif aux déclarations de patrimoine, particulièrement pour les personnalités politiques et fonctionnaires de haut rang, en révisant le cadre juridique pour préciser les actifs (y compris lorsque le déclarant en est le bénéficiaire effectif), passifs et intérêts soumis à déclaration, exigeant que la proche famille de tout déclarant soit elle aussi soumise à obligation de déclarer le patrimoine, rendant publiques les déclarations effectuées, et (iv) en faisant de la non déclaration ou d’une déclaration tardive ou erronée une infraction pénale (CT). Le FMI a aussi, recommandé d’améliorer la transparence autour des promotions judiciaires et sanctions ; Rendre opérationnels la Cour d’appel de Commerce et la Cour spécialisée des affaires foncières ; Prendre des mesures pour atténuer les risques importants de blanchiment de capitaux dans le secteur immobilier ; Publier les rapports de la Commission de contrôle de l’investissement ; l’inventaire complet des exonérations fiscales ; la liste des entreprises agréées à la ZES MEF, APIEX CT ; Déterminer de manière objective et structurée le potentiel fiscal du pays et consacrer, au travers de la future SRMT, la réduction de l’écart entre ce potentiel et le rendement effectif comme l’indicateur global de mesure de l’efficacité des régies de recettes MEF, DGI, DGD CT ; Renforcer la GRH dans les régies de recettes en : adaptant les ressources humaines aux objectifs stratégiques des administrations au travers du développement de la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences, modernisant les politiques et leviers de motivation des agents et restructurant le système d’évaluation des performances individuelles et collectives MEF, DGI, DGD, Fonction Publique MT ; Améliorer la gestion du risque fiscal et douanier pour faire face aux vulnérabilités spécifiques de l’économie béninoise en : exerçant une plus grande vigilance sur les opérations douanières à forte probabilité de fraude et de collusion ; mettant en place une stratégie intégrée pour la normalisation des échanges de marchandises avec le Nigeria et définissant les axes stratégiques d’une approche conjointe du risque fiscal et douanier entre la DGI et la DGD.
Falco VIGNON